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Lettre ouverte aux femmes

On a beau lutter, se révolter, s’indigner : notre monde n’a pas l’aire de beaucoup changer. Et si l’explication était ailleurs ? Dans un excès de masculin ? Un livre nous l’explique, et montre la voie d’un cheminement intérieur.

Le féminin pour éviter le mur

Vincent Commenne, souvenez-vous, est l’initiateur des Créatifs Culturels en Belgique. Un mouvement auquel je m’identifie et que je soutiens avec fierté.

L’étude qui a révélé l’existence de ces “créateurs de culture” a aussi montré que deux tiers d’entre eux sont des femmes. Ceci expliquant sans doute cela, les “valeurs féminines” ont donc une grande place dans le mouvement des Créatifs Culturels.

Mais qu’entend-on par les valeurs ou notions de Féminin, et a contrario Masculin ? Aucunement une distinction homme/femme. Mais bien des valeurs, des comportements que l’on retrouve plus dans un sexe que dans l’autre. Par exemple, pour le masculin on a la rapidité, la volonté, l’objectivité, la stabilité, l’action, l’individualisme, la compétition. Et l’émotionnel, l’intuition, l’écoute, la sensibilité, la profondeur, la coopération pour le féminin.

Pour l’auteur, les qualités féminines constituent la voie pour éviter que le monde “aille droit dans le mur”.

Explications…

Défaillance masculine

Tout le confort matériel dont nous jouissons vient du principe Masculin. Merci à lui.” (p. 14)

C’est en effet au Masculin que l’on doit le monde dans lequel on vit. Mais ce monde laisse trop peu de place au féminin. Et maintenant la machine s’emballe : “le Masculin laissé à lui-même n’a pas dans sa nature de prendre soin des autres, de se soucier des parties prenantes que sont le personnel, les clients, les fournisseurs, l’environnement… Il est plus dans sa nature de les utiliser pour ses objectifs propres. Et c’est la raison pour laquelle […] on se retrouve tête-bêche : l’humain au service de l’économie qui est au service de la finance.” (p. 16)

Ce “système” est combattu par une multitude de mouvements. Mais chacun bataille dans son coin, pour sa propre cause, n’engrangeant que de petites victoires isolées. La multitude et la complexité de notre société empêchent un changement global par ces voies militantes.

Pourtant, il existe un “trait commun” à ces maux que nous combattons. Et quand on le comprend, une solution, simple, émerge : “nos problèmes (collectifs et individuels) sont dus à un excès de Masculin, les solutions déjà en route sont enracinées dans le Féminin et celles qui attendent d’émerger encore davantage.” (p. 14)

Invasion of the saucer-men edited
Encore pire qu’un monde dominé par le Masculin : celui envahit par des extra-terrestres… mâles !

Homme version 2.0

Le sous-titre du livre, “Le monde et les hommes ont besoin de vous”, prend dès lors tout son sens.

Si l’auteur en appelle aux femmes pour “renverser la vapeur”, il invite aussi les hommes à mettre du féminin dans leur manière d’être. Et ce sont les femmes qui contribueront à les faire advenir.

Les hommes que les femmes ont commencé à rechercher ne sont plus ceux qui ont construit cette société mais ceux qui pourront évoluer avec elles.” (p. 43)

Un des chemins pour y parvenir est… la sexualité. L’auteur y consacre un bon chapitre, considérant que “la sexualité peut devenir, aux côtés d’autres ressources, un levier pour l’évolution de la société.” (p. 49). Car cet espace d’intimité, la plus profonde chez nous, est dominé par le masculin. Voilà donc un terrain particulier où la femme peut mettre l’homme sur la voie du féminin, en même temps qu’elle peut s’épanouir et trouver une puissance pour peser sur le monde.

Des cercles pour ne plus tourner en rond

Le monde a besoin d’hommes qui se conduisent avec lui comme vous voudriez que le vôtre se conduise avec vous. Pour atteindre cela, c’est vous qui allez faire la différence.” (p. 2)

Voilà l’appel fait aux femmes. Pour “freiner le Masculin, favoriser l’émergence du Féminin”, le livre donne de nombreux conseils et exemples, en plus d’être interactif (il renvoie à des vidéos, laisse une page à compléter par le lecteur concernant ses facteurs de stress, et se complète par un site web).

Le monde a besoin de femmes (et d'hommes) qui lisent ce livre
Le monde a besoin de femmes (et d’hommes) qui lisent ce livre

Mais l’auteur propose aussi un accompagnement, avec la mise en place de Cercles de femmes. Et, agissant au travers des Créatifs Culturels en Belgique, il donne le coup d’envoi avec un cycle d’ateliers.

Je serais probablement encore un cadre surpayé par sa multinationale si je n’avais rencontré le Féminin lors de la première aventure intérieure que je me suis donné à vivre, celle qui fut fondatrice de mon chemin d’homme.” (p. 83) Vincent Commenne a ouvert la voie, il l’explique et il est prêt à nous accompagner : il ne reste plus qu’à le suivre.

“Lettre ouvertes aux femmes”, Vincent Commenne, 97 pages, auto-édité

"Le féminin est l'avenir du genre humain" (p. 59)

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Penser l’économie autrement

Deux économistes, l’un plutôt de gauche, l’autre plutôt libéral, s’entretiennent sur l’avenir de l’économie. Cela nous donne un livre où le fossé n’est pas si grand entre ces deux grands esprits.

L’un l’a vu venir, pas l’autre

Ce livre est le résultat de longues heures d’entretien entre Paul Jorion, économiste anthropologue ayant vécu, voire annoncé, la crise des subprimes, et Bruno Colmant, financier ayant présidé la bourse belge.

Jorion et Colmant ne jouent pas l'un contre l'autre (c) Le Soir
Jorion et Colmant ne jouent pas l’un contre l’autre © Le Soir

Voilà donc encore un choc des idées, un échange d’arguments, pour mettre à mal certaines idées, ou bien les renforcer. Pour autant, ne croyez pas qu’il existe un gouffre entre les opinions de ces deux hommes. Si Jorion n’a pas changé son point de vue très critique sur l’économie, Colmant, lui, a amorcé une remise en question. “La crise de 2008 a été un choc salutaire, existentiel. Elle a révélé chez moi un déficit de valeurs de solidarité et de partage. Je pense maintenant qu’il y a plus de bonheur dans la solidarité que dans la rigueur. Et que la question sociale doit être résolue avant la question monétaire.” (p. 229)

La discussion est animée par Marc Lambrechts, chroniqueur économique et financier au journal l’Echo. Il introduit les sujets et pose les questions, donnant une certaine structure au livre. Voici les thèmes :

  • Quel modèle économique choisir ?
  • Le piège de la dette publique
  • Quelle banque centrale pour l’Europe ?
  • Spéculation et Bourse, des dérives à combattre
  • Travail et emplois : quelles solutions ?
  • La finance de demain
  • Quel rôle pour les économistes ?
  • Quand Friedman rencontre Keynes

Il est difficile de résumer l’ouvrage, tant il est dense. Et je dois aussi avouer que j’ai été plus réceptif à certains sujets, comme celui sur le travail…

Une idée révolutionnaire

Existe-t-il une solution au chômage ? Un job pour tous est-il encore possible ?

Oui“, répond Colmant. Les gens doivent être mieux préparés aux mutations technologiques. Et, en prenant comme exemple l’économie des États-Unis, les hommes et les capitaux doivent être plus mobiles, il faut une prise de conscience sur la responsabilité liée à la liberté individuelle. “Les Européens attendent plus de la collectivité. Ils ont choisi un modèle social plus redistributif et solidaire. C’est un choix sage, mais qui est probablement associé à une moindre capacité d’initiative et entrepreneuriat individuel, lui-même corrélé à une moindre croissance.” (p. 124) Et la croissance est nécessaire : elle est corrélée avec la liberté individuelle. “[…] seul un régime autoritaire et égalitaire permettrait d’ordonnancer une économie sans croissance.” (p. 129)

Soyons réalistes“, répond Jorion. Les emplois qui disparaissent sont remplacés par des machines et des logiciels. Il n’y a pas de raison que cette tendance s’inverse, tant les avantages financiers existent.

Pourtant, cette tendance va dans le sens de cette vieille utopie où l’homme rêvait d’avoir tout son temps au loisir, tandis que les machines travaillent pour lui. Cette société serait possible si on suit la proposition de Sismondi (ceux qui connaissent Paul Jorion savent combien il aime défendre l’idée de ce philosophe économiste du XIXè) : un ouvrier remplacé par une machine percevrait une rente ponctionnée sur la richesse qu’apporte cette machine. Les gains de productivité seraient donc versés aux (anciens) travailleurs en plus des patrons et actionnaires.

C’est effectivement assez révolutionnaire” répond Colmant.

De bonne humeur le matin

Nous sommes ici au point central de notre message” ajoute Colmant. “Par la robotisation et les gains de productivité, le rendement du capital est supérieur aux taux de croissance de l’économie, ce qui signifie que la partie travail est inéluctablement en voie de précarisation. […] accumuler du capital est bien plus aisé grâce au capital que grâce au travail. […] Il y a un effet de capture de la richesse. S’il y a un élément de flottement social qui doit émerger, c’est de là qu’il proviendra.” (p. 145)

L’allocation universelle serait-elle un solution ? Oui, temporairement, répond Jorion : c’est un moyen adéquat pour entretenir la consommation, moteur de l’économie. “Mais c’est un pis-aller tant qu’une véritable prise de conscience de la nature du problème n’a pas eu lieu.” (p. 134) Cette prise de conscience porte sur la remise en état de notre planète et l’utilisation de nos ressources de manière durable. Nous devons entamer une transition qui va générer de très nombreux emplois, “le genre de travail qui met de bonne humeur lorsqu’on se lève le matin.” (p. 134)

Le travail a-t-il encore un avenir dans notre économie ?
Le travail a-t-il encore un avenir dans notre économie ?

Où sont les philosophes ?

J’ai été plus sensible aux arguments de Jorion, peut-être en raison de son langage très didactique. Ou parce que je suis plus réceptif à ses arguments, remettant en question le capitalisme.

Tandis que Colmant, défendant des pratiques impopulaires comme la spéculation, ou justifiant ce que nous prenons pour des dysfonctionnements (“Plus j’y réfléchis, plus je crois que les bulles [spéculatives] n’existent pas.“, p. 169), est obligé de donner des détails techniques, peu compréhensibles pour les non-initiés comme moi.

Néanmoins, ces deux têtes pensantes ont pas mal de points de convergences : cela a quelque chose de rassurant. D’autant qu’il s’agit de deux personnalités très médiatiques (Colmant intervient souvent dans les journaux télévisés, tandis qu’il n’est pas rare de voir Jorion dans des débats sur les chaînes françaises), qu’on espère écoutés et influents.

En tout cas, la solution viendra plus d’une bonne gouvernance plutôt que de la “main invisible” du libéralisme. Quelqu’un a dit un jour, nous explique Jorion, que l’humanité ne verra pas la fin de ses maux tant que ce ne seraient pas les philosophes qui aient accès à l’État, ou que celui-ci soit devenu philosophe. Hélas, “[…] ceux qui dirigent aujourd’hui les États ne sont pas devenus philosophes, mais banquiers.” (p. 249)

“Penser l’économie autrement”, Jorion, Colman et Lambrechts, 250 pages, Fayard

À propos de la spéculation, avec quelle réponse vous sentez-vous en accord ?

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Gaz de schiste : vraie ou fausse opportunité ?

Le bassin parisien en regorge. De quoi ? Du gaz de schiste ! Et voici un petit livre qui nous aide à savoir si ça vaut la peine de creuser sous la Tour Eiffel.

Il y du gaz dans l’eau

C’est ma deuxième chronique de cette collection “Le choc des idées” qui, pour rappel, donne deux points de vues sur un débat de société.

Cette fois, on s’attaque à un sujet brûlant. Brûlant comme le feu sortant du robinet, dans Gasland, ce documentaire qui a frappé les esprits.

Dont le mien. Mais plutôt que de se forger une opinion sur base de ce genre de film (la faute à Michael Moore), écoutons Jean Ropers, qui a travaillé chez Total, et qui est devenu président du Groupement des entreprises parapétrolières : il va nous dire que le gaz de schiste est une voie pour l’indépendance énergétique. Mais il sera contredit par Muriel Bodin, docteur en droit public et conférencière sur le gaz de schiste : cette opportunité n’est qu’un leurre, et les États-Unis découvriront bientôt le désastre sanitaire de cette exploitation.

Mais qu’est-ce que le gaz de schiste, au fait ? Et pourquoi tout ce débat ? Voyez cette petite vidéo qui vous résumera tout ça. Je vous retrouve dans 1 minute 40…

Un document de l’AFP

Une fracture pour une bonne facture

Les enjeux de l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère et leurs conséquences en termes d’indépendance énergétique, de réduction de la facture énergétique, d’emplois et d’industrialisation du pays pourraient être très importants.” nous explique Jean Ropers.

D’après l’Agence internationale de l’énergie, la France, avec la Pologne, concentre la plus grande réserve d’hydrocarbures de roche-mère en Europe. Mais le gouvernement de François Hollande a décidé d’interdire toute exploitation avant plus d’études scientifiques. C’est dommage : l’industrie française, forte déjà d’une expertise à l’étranger, risque d’être perdante sur ses voisins.

Certes, si les États-Unis ont pu améliorer leur économie grâce aux gaz de schiste, la situation n’est pas la même dans nos pays : la densité de population y est plus forte, la conscience environnementale plus développée, et le droit au sous-sol différent (il appartient à l’État, et non aux particuliers qui peuvent en tirer profit).

Ce sont les dégâts environnementaux qui inquiètent le plus la population. Mais, même si des expériences malheureuses existent, les industriels font tout pour améliorer les conditions d’exploitation, et les techniques évoluent constamment.

Il faut savoir que :

  • La fracturation hydraulique a lieu bien en dessous des nappes phréatiques.
  • Si beaucoup d’eau est utilisée (10.000 à 20.000 mètres cubes par forage), on en recycle, et on en fait venir d’ailleurs pour économiser les nappes phréatiques locales.
  • Les fluides de forage (pour remonter les débris, stabiliser le puits, lubrifier le trépan, et mettre la pression sur le gaz à récupérer) ont des compositions chimiques rendues publiques, et des efforts sont faits pour utiliser des produits biodégradables. Toutes les précautions sont prises pour minimiser leur perte dans les sous-sols.
  • Oui, la stimulation hydraulique génère des secousses sismiques. Mais elles sont de -3 à +2 sur l’échelle de Richter. Soit en dessous du seuil perceptible par l’être humain.
Le gaz de schiste : bientôt chez vous ?
Le gaz de schiste : bientôt chez vous ?

La boîte de Pandore

Les énergies fossiles restent le marché dominant parce que rien n’a été fait pour qu’il en soit autrement.” rétorque Muriel Bodin. Le gaz de schiste n’est qu’une “mesurette” par rapport aux futurs défis énergétiques.

Défendre une “industrie française” qui créerait de l’emploi est illusoire : ces industries sont internationales, et travaillent pour les actionnaires, qui voient dans ces hydrocarbures une nouvelle source de profit.

Les États-Unis sont cités en exemple de réussite à suivre. En réalité, les rendements sont plus faibles qu’annoncés, un puits ne servant qu’entre un et cinq ans, donnant des emplois précaires. Et il faut multiplier les forages pour avoir du débit : l’exploitation coûte donc cher et prend de la place. C’est un luxe difficile pour un territoire comme la France, d’une densité de population quatre fois plus grande que les États-Unis.

Du côté environnemental, il est facile de dire que les risques sanitaires sont sous contrôle, et que peu d’incidents sont à déplorer : les pollutions souterraines sont difficiles à détecter, tout comme leurs origines. Résultat : c’est souvent la collectivité qui paie. Et l’obligation des industries de remettre le site en l’état, après exploitation, ne rassure pas plus : on sait qu’elles auront d’autres priorités.

Il faut aussi considérer le problème de l’eau : la fracture hydraulique en demande beaucoup. Et comme la facture de l’or bleue augmente, il est difficile de croire que ce gaz restera bon marché. Que ce soit en la prélevant sur place, ou en la faisant venir pas camions, l’impact est désastreux pour la population locale. Il faut aussi la recycler (non, on ne va pas vaporiser l’eau polluée, comme chez les américains), mais ça, c’est une bonne nouvelle pour les compagnies des eaux : Veolia et Suez Environnement se frottent déjà les mains !

Non, décidément, le gaz de schiste dépend trop des promesses des industriels, et Bodin en appelle au principe de précaution : “La boîte de Pandore ouverte, personne ne saura la refermer. C’est pourquoi je demande que personne ne l’ouvre.

Des villas ? Des terrains de pétanque ? Mais non, zoomez pour voir…

Une idée à creuser ?

Comme tous les livres de cette collection, le sujet est introduit et conclu par un médiateur. Ici c’est IFP Énergies nouvelles, organisme public à l’ “expertise internationalement reconnue” , qui nous aide à mettre de l’ordre de nos idées.

Comme toutes les questions énergétiques, la question du gaz de schiste est tiraillée entre le désir d’obtenir à bon prix une source d’énergie essentielle à notre activité économique – et donc à notre niveau de vie -, et l’inquiétude des citoyens face à ce qu’ils perçoivent comme un risque pour leur santé et pour leur environnement.

La réussite des États-Unis ne peut pas encore être transposée à nos pays. Et leur potentiel exploitation chez nous demandera des garanties environnementales autrement plus sévères, ce qui sera déterminant sur sa rentabilité.

Sa production devra aussi être compatible avec la montée des énergies renouvelables.

Bref, que les opposants au gaz de schiste se rassurent : les décideurs ne pourront pas ignorer leurs revendications.

“Gaz de schiste : vraie ou fausse opportunité ?”, 125 pages, Le Muscadier

Gaz de schiste : vraie ou fausse opportunité ?

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