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Économie du bonheur

Comment trouver son bonheur ? Suis-je dans le bon pays pour être heureux ? Un petit livre blanc m’apporte quelques réponses…

Pas de sondage après le match

Mobilou a le sourire
Mobilou a le sourire

Lucie Davoine s’est faite une spécialité d’étudier la satisfaction du travail et ce qui fait le bonheur dans notre société. Son petit livre, “Économie du bonheur”, nous dresse un état des lieux de cette discipline récente, qui souffre encore d’une méthodologie floue, car, je vous pose la question : comment mesurer le bonheur ?

Pour l’évaluer, il faut poser les bonnes questions, dans le bon ordre… et au bon moment : ainsi, si votre équipe de foot vient de gagner, on attendra que votre euphorie retombe avant de vous sonder !

Les économistes du bonheur essaient dès lors de travailler sur des sondages aux époques, échantillons et lieux divers, dont le but n’était pas forcément de mesurer le bonheur. L’auteure en donne une liste, voici quelques exemples : le Gallup World Poll (1.000 adultes interrogés dans près de 150 pays), l’Eurobaromètre (sondage tous les 6 mois depuis 1974), le Panel communautaire des ménages (satisfaction des ménages de 1994 à 2001).

La croissance ne fait pas le bonheur

Mais pourquoi mesurer le bonheur ?

Les cercles de décisions s’intéressent de plus en plus à l’économie du bonheur, pour les quatre points suivants (p. 91) :

  1. la croissance n’est pas un motif suffisant au bien-être des gens ;
  2. on en tire un nouvel indicateur de richesse ;
  3. elle peut aider en cas d’arbitrage politique ;
  4. elle encourage une vraie politique pour la santé mentale.

Et oui, il est temps de trouver d’autres indicateurs que le PIB, car une des premières conclusions de ces recherches est que la croissance ne fait pas systématiquement le bonheur : “la croissance économique des dernières décennies a largement profité aux plus riches, et beaucoup moins aux classes moyennes et aux plus pauvres” (p. 37).

De plus l’évolution de notre de mode de vie est fortement critiquable : consumérisme, individualisme, dégradation du lien social, familles brisées et perte de confiance sont les maux de nos sociétés contemporaines. Il est temps de mettre en place une politique du bonheur…

Être une femme de 65 ans et travailler dans l’industrie de sexe : le bonheur total !

Mais qu’est-ce qui nous rend heureux ?

Ah là, le sujet est vaste et complexe, alors je ne vous délivre ici que quelques conclusions, et vous laisse à le lecture du livre pour les explications…

  • L’argent contribue en partie seulement au bonheur.
  • On atteint le plus haut taux de satisfaction… entre 65 et 70 ans !
  • Les femmes se disent plus satisfaites que les hommes dans de nombreux pays.
  • Les chômeurs sont plus malheureux que les travailleurs.
  • Les relations sexuelles contribuent le plus au bonheur.

En attendant l’âge de la sagesse, il existe deux règles pour être heureux (psychologie positive de Martin Seligman) :

  1. Les personnes plus généreuses, plus attentives aux autres sont plus heureuses et rendent les autres plus heureux.” (p. 88)
  2. Il est bon de se comparer, de se fixer des objectif ambitieux, mais ces derniers doivent rester atteignables ! »

Le bonheur est dans le pray

La question qui se pose maintenant est : un gouvernement peut-il prendre des mesures pour rendre les gens plus heureux ? Eh bien oui car “L’économie du bonheur démontre que les comportements individuels ne débouchent pas sur le bien-être collectif optimal.” (p. 102)

Mais n’allez pas croire que cela passe par un renforcement de la sécurité sociale : “Il semble que les gouvernements européens pourraient obtenir un niveau de bien-être plus élevé en dépensant moins pour la protection sociale et plus pour l’éducation.” (p. 81)

Par contre, la liberté et la foi semblent deux valeurs sûres au niveau national : on constate en effet que le haut du classement des pays les plus heureux est occupé par des pays riches et démocratiques… et des pays d’Amérique latine, marqués par une forte croyance religieuse !

Mon oncle de Belgique

Revenons aux chiffres, avec un indicateur déjà répandu, qui donne des indications pour améliorer le niveau de vie : c’est l’IDH (Indice du Développement Humain), mis en place par les Nations Unies. Il se base sur des données clairement quantifiables : l’espérance de vie, le niveau d’éducation, le niveau de vie.

Cet indicateur est donné dans Wikipedia pour chaque pays, pour la Belgique il est de 0,886 (très élevé), ce qui la place en 18ème position. C’est pas mal, mais nous avons vu dans un article précédent que notre pays est en 6ème position mondiale en ce qui concerne l’impact écologique : c’est le prix de notre niveau de vie, donc de notre bonheur !

Même si l’IDH n’est pas vraiment une mesure du bonheur, il colle assez bien au sondage Gallup (le bonheur à travers le monde, pages 24-27), qui place notre pays en 16ème position, avec 56 % de personnes satisfaites ou optimistes.

Alors, à ceux qui disent “quel pays de m…” suivi d’un “dès que je peux je vais aux States”, sachez que vous arriverez dans un pays qui ne se classe que deux places au-dessus ! Et pour qu’ils prennent conscience de leur bonheur, je les enverrais au Togo : dernier de la liste avec… 1 % de personnes satisfaites !

© L'Internaute Magazine / Kevin Ravi
© L’Internaute Magazine / Kevin Ravi

2ème tentative plus concluante

J’avais déjà approché la science du bonheur avec le livre “L’idée même de la richesse », assez ennuyant. Avec “Économie du bonheur” on est plus dans le concret. L’ouvrage est bien structuré, condensé, résumant les études existantes : ce n’est pas forcément la forme documentaire la plus agréable à lire, c’est très clinique, mais bon, les enseignements sont nombreux, cela fait déjà… mon bonheur !

“Économie du bonheur”, Lucie Davoine, 126 pages, éditions La Découverte.

(Faites le petit test du chercheur en psychologie Ed Diener, pour ensuite répondre au sondage ci-dessous)

Faites le test de Ed Diener (5 questions) et donnez votre résultat

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Ces champs peuvent-ils nourrir tous les belges ?

Le Belge a une densité de plomb

En décembre 2012 la presse annonçait une grande nouvelle : ça y est, la Belgique a passé le cap des 11 millions d’habitants. Voilà qui me donne l’occasion de faire quelques mesures, histoire de bien situer l’encombrement des belges par rapport à la planète…

Un quart de terrain de foot

Nous sommes dans le top des pays les plus denses (362,65 hab./km2 [1]), ça, tout le monde le sait, on l’apprend même à l’école ! Sous réserve d’actualisation des chiffres, nous serions 16ème sur 192 [2].

En fait, chaque Belge occupe 2.757 m2 (0,27 ha), soit un quart de terrain de football [3]. Peut-on vivre sur une telle surface ? Ça dépend de quelle façon…

Imaginons que toute la surface du territoire soit disponible pour nous nourrir, et que nous n’ayons que ce besoin : nous nous en sortirions tout juste puisque actuellement une personne aurait besoin de 0,25 ha de champ pour manger [4].

Mais nous devons nous laver, dormir, avoir un minimum de confort. Pour avoir une idée de ce que ça représente, prenons exemple sur la famille Baronnet, qui vit en autarcie sur un terrain de 3.800 m2, dont 400 m2 de potager [5]. Ils sont deux, ça fait 1.900 m2 par personne : le belge dispose de plus de surface, et donc pourrait vivre comme un Baron…net !

Ces champs peuvent-ils nourrir tous les belges ?

Là où la Belgique se classe en tête

Mais le belge moyen ne se contente pas de “juste” vivre : il consomme beaucoup et produits beaucoup de déchets. Cela se mesure avec l’empreinte écologique, qui donne la surface d’hectare globale nécessaire pour un humain. Comme ce chiffre dépend du mode de vie, il est radicalement différent selon que l’on soit Qatarien (11,68) ou Afghan (0,5). Pour un belge, il est de 7,11 hag [6], ce qui nous place en 6ème position dans le classement des pays les plus “lourd” [7] !

Même si l’exercice n’est que virtuel, et que les surfaces calculées plus haut ne sont pas comparables, nous voyons maintenant que le belge a en fait besoin de 7 terrains de football pour son train de vie ! Et voici de quoi ils se composent [8] :

  • 1.82 hag de terres cultivées
  • 0.95 hag de pâturage
  • 0.47 hag de forêt (pour la fourniture en bois)
  • 0.17 hag pour la pêche
  • 3.26 hag de forêt pour séquestrer nos émissions de carbone
  • 0.45 hag pour nos infrastructures (habitations, transport, etc.)

9 millions de belges en trop

Ah qu’il est provocateur, ce titre ! Mais je ne résiste pas un petit calcul supplémentaire, juste pour voir…

Car à l’inverse de l’empreinte écologique, il existe la biocapacité, qui mesure la capacité que possède la nature à se régénérer et à compenser la consommation de l’homme. Chaque pays a son chiffre, et voici celui de la Belgique : 1,33 hag par personne. Ce qui nous donne un calcul dont le résultat est désastreux : 1,33/7,11 * 100 = 18,7 %. La Belgique assure moins d’un cinquième de la surface biologiquement productive nécessaire à ses habitants.

Autrement dit, notre territoire n’assure que pour 2 millions de belges, et les 9 millions excédentaires prennent crédit ailleurs… Alors remercions des pays comme la Bolivie qui compensent, avec 18,39 hag par personne !

Alors on dense ?

Bien-sûr certains chiffres que j’ai utilisés ne sont pas de toute dernière fraîcheur, voire changent d’une source à l’autre, mais on peut malgré tout conclure que si la Belgique est dense par sa population, elle l’est surtout par son impact environnementale et économique.

Bref, pour notre planète, la Belgique est faite de plomb et non de plumes !

Le Belge pèse lourd et ça se voit ! / (c) Nasa
Le Belge pèse lourd et ça se voit ! © Nasa

(Calculez votre empreinte écologique pour répondre au sondage ci-dessous…)

Quelle est votre empreinte écologique ? (lien donné ci-dessus)

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Le mythe du développement

Le mythe du développement

J’avais une chance sur quatre, et j’y pense chaque jour : oui, une chance sur quatre d’être parmi les plus nantis de la planète, de vivre dans une société d’opulence, sans famine, sans guerre, profitant pleinement du progrès.

Il y a donc trois quarts de l’humanité à la traîne, ne partageant pas notre confort de vie : ont-ils vraiment des chances d’y arriver ? Tentative de réponse avec Oswaldo De Rivero et son livre “Le mythe du développement”.

Non, ça ne marchera pas !

Oswaldo De Rivero a été ambassadeur péruvien pour l’ONU, et l’est maintenant pour l’OMC : comme il l’explique dans l’introduction de son livre, sa carrière le met aux premières loges pour assister aux difficultés des pays dits “en développement”. Alors il est temps de faire une mise au point, et de répondre à tous ces économistes et dirigeants des grandes puissances : non, ce n’est pas l’économie libérale et la mondialisation qui vont résoudre leurs problèmes !

Résumons quelques points…

E.C.I.

Les pays “riches”, “industrialisés”, ont une longue histoire, où la viabilité nationale a pu se mettre en place avant qu’une économie compétitive ne s’installe. Ce n’est pas le cas d’une flopée de nations qui, dans la déferlante d’indépendantismes du XXème, se sont créées sans mesurer la difficulté de leur gouvernance. La majorité de celles-ci sont donc devenues des E.C.I. : des Entités Chaotiques Ingouvernables !

L’acronyme est fort, De Rivero aime l’utiliser, et tape du poing : de tels pays ne sont pas suffisamment stables pour entreprendre les mesures nécessaires à un développement, en même temps qu’ils ne rassurent pas les entreprises transnationales à s’y installer !

Le mythe du développement
Une banlieue comme Oswaldo De Rivero doit bien connaître

C’est une autre histoire

Pour relancer leur économie, l’O.M.C. et la Banque Mondiale aiment imposer leur crédo (le Consensus de Washington), dont vous devinez la teneur, mais que je résume en quelques mots, pour les visiteurs occasionnels et les cancres au fond de la classe : libéralisation, privatisation, rigueur budgétaire, dérèglementation…

Pourtant, c’est oublier l’histoire de la Triade (Etats-Unis, Japon, Europe) : ces nations n’ont pas atteint leur puissance économique en appliquant ces directives, bien au contraire ! De plus, elles ont pu se développer à une époque où moins de nations étaient en concurrence : “Depuis que les États-nations industrialisés sont apparus, il y a 150 ans, plus de 185 États-nations sont apparus.” (p. 158)

Une économie Darwinienne

Les économistes aiment citer Adam Smith comme l’inspirateur du nouvel ordre économique mondial. Pourtant “Rien n’est plus éloigné des principes libéraux et moraux de l’économiste politique d’Adam Smith, et plus proche d’une jungle régie par la loi de sélection naturelle de Charles Darwin, que l’actuel processus de mondialisation.” (p. 94)

Les pays sont en concurrence et les nations sous-développées ont démarré la course avec une longueur de retard, retard qui se creuse. Car il serait illusoire de croire qu’elles pourront compter sur leur main-d’oeuvre ou leurs matières premières pour améliorer leur sort. Non seulement certaines matières se remplacent déjà par des produits synthétiques, mais en plus ce sont les “produits à fort contenu technologique” qui apportent le plus de richesse. Ce que les pays sous-développés ont peu de chances de produire : ils représentent 75 % de l’humanité pour seulement 7 % des scientifiques et ingénieurs ! (p. 135)

2 % de réussite

Bien-sûr, on voit des pays rejoindre la cour des grands : la 2ème moitié du XXème a vu la Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong se transformer en pays “capitalistes modernes développés” . Mais ils ne représentent… que 2 % du tiers-monde ! Pour De Rivero, il n’y a aucune preuve que la mondialisation aide les pays en développement à s’en sortir.

Et puis il y a les pays “émergents” comme la Chine, l’Inde. Mais en fait, c’est plutôt 1/5e de leur population qui émerge ! Pour la Chine, cela représente donc 200 millions de nouveaux consommateurs : bien assez pour satisfaire un monde économique en demande de nouveaux marchés.

© Banksy

Est-ce le même monde que celui de Noemi ?

Malgré le nombre d’enseignements tirés du livre de De Rivero, je vais être sévère…

D’abord je suis étonné qu’il n’y ait pas un seul texte sur l’exploitation de la main-d’œuvre par les multinationales, tel que l’explique Noemi Klein dans son livre “No Logo”. Est-ce parce que ça ne change rien à la donne… ou parce qu’à l’image du livre, l’auteur site beaucoup de généralités et donne peu de situations concrètes ?

Ensuite, il y a la structure du livre : l’auteur se répète, les thèmes se mélangent, les chapitres donnent l’illusion que la thématique est structurée mais il n’en est rien. Pour exemple, de mémoire, l’auteur reviendra 4 ou 5 fois sur les pays soutenus par les Américains et les Russes, du temps de la guerre froide, et laissés à leur sort non viable une fois abandonnés par leurs mentors.

Bref, l’ouvrage aurait pu être écrit en deux fois moins de pages (pourtant il n’est pas bien épais), et en même temps, j’ai l’impression que l’auteur est passé à côté d’autres réalités, qu’il n’a pas présenté un panorama complet de ce thème complexe.

Tout cela est d’autant plus dommage que l’éditeur du livre se veut “une collection mondiale pour une autre mondialisation” : ce genre d’édition ne privilégie-t-elle pas l’information brute à la qualité littéraire ou journalistique ?

Bref, les pays en développement, j’y reviendrai !

“Le mythe du développement”, par Oswaldo De Rivero, éditions “Enjeux Planète”, 234 pages

87% des internautes vivent dans les pays industrialisés et dans les ghettos de revenus élevés dans les pays pauvres (p. 97). Voilà un chiffre qui en dit long sur qui profite du progrès.

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