Dicature de la croissance - perdue dans ma bibliothèque de consommateur

Dictature de la croissance

Voici 50 ans, on construisait des routes et des autoroutes, des aéroports et de collèges. Ce serait faire preuve de mauvaise fois que de nier l’évidence : le plus gros est fait.” Bon, et maintenant, on fait quoi pour entretenir l’économie ?…

Un monde de superflu

Depuis que je m’informe sur les dérèglements de notre monde, se pointe toujours à l’horizon une barrière qui parait infranchissable, qui met le holà à toute alternative de société : la “croissance économique”. Cette sacro-sainte croissance, dans laquelle nous sommes empêtrés, qui est la réponse à tous nos maux : “il faut relancer la croissance”. Il n’y a pas un jour sans que cette phrase ne sorte de la bouche d’un politicien, d’un journaliste, d’un analyste.

Certes, la croissance nous a apporté un niveau de vie incomparable. Mais elle a surtout fonctionné à la sortie de la 2ème guerre mondiale : ce furent les “trente glorieuses” en Europe. Maintenant que nous avons construit l’essentiel, nous produisons du superflu pour maintenir ce modèle économique : n’est-il pas temps de changer de recette ?

Un jouet mongole plutôt écologique
Des pierres, des vieux tissus et un peu de bouse : les petits mongols n’ont pas des jouets qui participent à la croissance !

Dans la douleur

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le livre de Gérard Moreau ne propose pas la “décroissance” (on en parlera donc une autre fois). Mais il entend bien nous montrer l’absurdité de la croissance, en nous rappelant d’abord que “le progrès économique s’est opéré dans la douleur, la déportation, l’esclavage et la mort pour des millions de personnes.” (page 41). Et qu’à l’heure actuelle, dans nos pays, “la grande pauvreté côtoie le luxe” . Si ce système aurait dû éradiquer la pauvreté de notre monde, on peut dire que le contrat n’est pas rempli !

L’esthétique de la croissance

Découpé en petits paragraphes numérotés (il y en a 278), l’auteur commence son inventaire par… la culture ! Eh oui, elle est une grande victime de la croissance : l’art devient un bien de consommation, nous ne sommes pas amateur d’art, nous sommes acheteur d’art. Nous voulons voir et entendre un maximum de choses sans prendre le temps de nous y intéresser. Les œuvres n’ont plus le temps de nous séduire !

S’y ajoute une standardisation de la culture, et même de tout ! Car “La standardisation constitue l’un des fondements de la société de croissance productive” (page 57). Propulsée par la télévision, matraquée par la publicité, la culture est en passe de devenir le principal agent de la production, venant au secours d’une industrie qui ne sait plus quoi nous vendre…

L’emploi c’est fini : tant mieux

Au lieu d’y voir la fin d’un long cycle de croissance et le signe avant-coureur de la fin d’une époque, nous le subissons presque tous comme un fléau” (page 80). C’est du chômage que parle ensuite Moreau. Il rejoint les idées de Jeremy Rifkin : les machines produisent mieux, le travail s’automatise, tandis que la majorité des gens (c’est à dire celle à laquelle s’intéresse l’économie !) a déjà tout ce qu’il faut. Ce sont deux facteurs convergents pour éliminer du travail, et pourtant on continue à prendre des mesures pour créer de l’emploi et chasser le chômeur. Alors que le temps libéré par moins de travail augmenterait les relations sociales.  “Serait-il insupportable de rencontrer des chômeurs heureux ?” (page 83).

Et avec le nombre croissant d’étudiants en hautes études, ne devrait-on pas y voir une soupape de sécurité permettant de retarder les nouvelles générations sur le marché du (non)travail ?

Une bonne guerre

Continuons donc à noircir le tableau, et cette fois notons en vrac : la réduction de durée de vie des produits (l’obsolescence programmée), la concurrence entre sociétés qui augmente le stress des travailleurs, la concurrence entre pays qui détériore les droits sociaux, la destruction des denrées pour maintenir les cours, l’envahissement de nos espaces par la publicité.

Et où est la morale quand on sait que vendre plus d’armes, plus de médicaments, ou reconstruire après une catastrophe, contribue à la bonne santé de la croissance ? Faisons une guerre : la croissance, elle va… exploser !

L’alternative passe par nous

Bon, arrêtons-nous là. Peut-on effacer ce tableau et envisager autre chose ?

Pour Moreau, il faudrait avant tout un courage de la part des décideurs : la société est tellement imprégnée du dogme de la croissance qu’envisager un autre horizon fait peur. Et c’est la le principal obstacle, car après tout, si on a été capable d’aller sur la lune…

En fait l’auteur ne propose pas vraiment une autre alternative économique, ce n’est pas son but. Son livre doit juste nous réveiller, nous faire réagir, nous inviter à vivre autrement, et le but est atteint sans nous ennuyer. Car le changement arrivera par la masse, celle-là même qui fait vivre la croissance en consommant sans compter.

Alors, si vous êtes choqué par ses propos encourageant à moins travailler, si la consommation contribue à votre bonheur, si vous croyez que vous n’êtes riche que par l’argent, c’est bien une société de croissance qu’il vous faut. Demandez-vous juste si c’est la société qui répond ainsi à notre nature humaine, ou si c’est la nature humaine qui a été changée par notre société…

Dicature de la croissance - perdue dans ma bibliothèque de consommateur
Dans ma bibliothèque de grand consommateur, ce livre est-il à sa place ?

“Dictature de la croissance” par Gérard Moreau, 167 pages, éditions Ginkgo.

"Avec son explosition planétaire, le concept de croissance a rencontré ses limites. (...) Il faudrait maintenant qu'il quitte la scène de l'histoire." (page 120)

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