Archives mensuelles : janvier 2015

Le petit livre noir des grands travaux inutiles

Les grands chantiers de construction ont-ils encore leur place dans nos riches contrées ? Non, nous dit ce petit livre.

Sacrée croissance

L’an passé a vu se concrétiser deux projets journalistiques que j’ai soutenus par le crowdfunding. Il y a eu le reportage “Sacrée croissance”, passé en télévision il y a quelques mois. Ensuite ce “petit livre noir des grands travaux inutiles” , objet d’un financement dans Ulule.

Ce n’est qu’après coup que je me suis rendu compte que, quelque part, les deux projets ont un point commun : ils dénoncent l’obsession qu’ont nos dirigeants pour la croissance.

Les grands projets inutiles illustrent parfaitement les limites d’un système économique et politique en guerre avec le vivant sous toutes ces formes. L’idée d’une croissance illimitée bute sur les limites de l’écosphère. Promoteurs zélés de l’ordre productiviste, responsables politiques et décideurs économiques n’arrivent à faire leur deuil d’une croissance destructrice.” (p. 26)

Camille est en rogne

On doit ce livre à “Camille”, prénom générique laissant ses auteurs dans l’anonymat, et évitant que certains d’entre eux profitent d’une médiatisation. L’auteur est donc une sorte d’anonymous, ce qui n’enlève rien à la crédibilité de l’ouvrage : on est dans le contestataire et le militant, et c’est bien cela qu’on attend.

Mais au fait, pourquoi tant défiance vis-à-vis de ces projets d’autoroutes, de centrales nucléaires, d’aéroports, de trains à grande vitesse et j’en passe ?

Parce qu’ils ne sont plus en phase avec les contraintes écologiques et sociales de notre époque. Ces projets ne sont que des fuites en avant, révélant un “manque d’imagination des décideurs politiques qui s’accrochent aux vieilles recettes des trente glorieuses devenues, vingt ans plus tard, les cinquante gaspilleuses.” (p. 10)

C’est autant d’argent qui pourrait être investi dans la transition énergétique et l’économie sociale.

Stop aux projets inutiles
Stop aux projets inutiles

10 millions d’euros le kilomètre

Le livre est français, et relate donc des projets de nos voisins. Dès lors il n’est pas étonnant qu’une bonne partie des chantiers d’autoroute soient épinglés : le pays ne devrait-il pas réduire son transport routier, après le Grenelle de l’environnement ?

Le livre dénonce une dizaine de projets destinés à faire couler des kilomètres de béton, bien souvent au détriment de zones naturelles protégées.

Par exemple, la construction de l’A65 entre Pau et Langon, traversant six zones Natura 2000, et arborant fièrement un label “grenello-compatible”. Soit 150 km reliant deux petites villes, qui coûtent 1 milliard et demi d’euros. Pendant ce temps les Chinois refont l’unique route reliant Nairobi (Kenya) à Dar-es-Salaam (Tanzanie), pour dix fois moins cher, et impactant 80 millions d’habitants. “Les besoins de routes sont là-bas, la pensée magique est ici.” (p 63)

31 millions d’euros le kilomètre

Allez, au hasard ou presque, voici encore trois projets contestables :

Joindre l’inutile à l’agréable

Le livre s’inscrit dans la contestation générale. Le citoyen n’a plus peur de dire ce qu’il en pense, voire d’aller sur le terrain pour créer des ZAD : zone à défendre (en fait, un détournement du terme administratif zone d’aménagement différé !) La mobilisation autour du futur aéroport de Notre-Dame-Des-Landes en est l’emblème.

Des dizaines de ZAD ont fleuri en France, rassemblant des paysans, des luddites (antitechnologie), des anarchistes et libertaires, des décroissants, des étudiants et des retraités, des urbains et des ruraux : “un véritable petit peuple de l’écologie et de la transition, qui expérimente, grandeur nature, la permaculture, fabrique éoliennes et fours solaires, invente de nouvelles formes de démocratie horizontale etc.” (p. 99)

Et ces mobilisations fonctionnent, comme en témoigne l’abandon du circuit de F1 dans les Yvelinnes.

Notre très militante Camille peut donc conclure de manière positive : “La mobilisation et la détermination peuvent avoir raison de l’entêtement de quelques-uns.

“Le petit livre noir des grands travaux inutiles”, 124 pages, Le passager clandestin

Face au monolithisme d'un système à bout de souffle, ces mille et une luttes nous disent une chose : nous voulons vivre et non plus survivre. Tout simplement. (p. 101)

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Je suis Charlie… ou pas

Je suis Charlie

Choqué, ému, révolté, je découvre l’effroyable nouvelle en rentrant du bureau, mercredi.

Ma première pensée ne va pas aux chefs de file de Charlie, dont les quatre visages occupent déjà la une des médias, mais à Fabrice Nicolino, journaliste écologiste pure souche dont j’ai déjà chroniqué le livre “Qui a tué l’écologie ?” . Son blog est un passage obligé quand je cherche une opinion tranchée sur notre monde moderne. Son verbe est une inspiration, ses partis-pris alimentaient mes réflexions.

Je sais qu’il est journaliste chez Charlie Hebdo. Alors ma première pensée est pour lui : fait-il partie des douze victimes ?  Déjà je m’imagine un monde sans Nicolino.

Dans les premières heures, je ne trouve aucune nouvelle de lui. En attendant, je suis emporté par la vague de solidarité, qui déborde des frontières hexagonales. La larme à l’œil, je change ma photo de profil Facebook et j’adapte ma bannière : “Je suis Charlie” .

Et le monde est devenu noir, avec Charlie écrit en blanc dessus.

L'actualité s'invite dans ma bannière Facebook personnalise
L’actualité s’invite dans ma bannière Facebook

Je ne suis pas Charlie

Charlie s’invite dans les réseaux sociaux, au bureau, dans la famille. Car Charlie touche le cœur. Mais aussi les tripes, et on s’enflamme vite.

Surtout sur le web.

Et je reste à l’écart : les mots s’échangent mais ne font changer personne.

Alors j’observe, puis je découvre un article “Je ne suis pas Charlie” . Je le lis, et sans être d’accord avec tout, je me pose des questions. Je fais mon examen critique : ai-je soutenu Charlie Hebdo dans son combat, qu’il mène depuis des années ?

Non.

Je n’ai jamais acheté cette revue. Ni même feuilleté. Bref, je ne m’y suis jamais intéressé. Tout juste ai-je une reconnaissance pour ce journal qui, avec le Canard Enchaîné, gardent un financement indépendant de tous groupes industriels, leurs permettant une totale liberté d’expression.

Je ne connais même pas ses journalistes, à par Nicolino (finalement il va bien). Et pourtant, j’aurais pu m’intéresser à Bernard Maris, économiste reconnu pour ses talents de vulgarisation et ses avis contraire à la pensée dominante.

Tiens, je découvres que ce “Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles” , qui prend la poussière dans ma bibliothèque depuis deux ans, est de lui. Pas fier : c’est comme découvrir “Candle in the Wind” suite au décès de Diana.

Bref, revendiquer “Je suis Charlie” me parait aussi crédible que de mettre un “like” sur la page d’Amnesty International sans jamais avoir fait un geste concret pour les soutenir.

Les écrits restent
Les écrits restent

Drôle de drame

Jeu de mot que Charlie appréciera…

Non, la semaine ne fut pas drôle, elle fut dramatique. Et j’en arrive même à réagir dans mon blog, alors que l’actualité y a rarement sa place. Mais voilà, quand on s’exprime librement, on est Charlie.

Même après cette petite remise en cause, je vais rester Charlie. Et pour répondre à Bruno Bertez, ce n’est pas pour dire “je me prends, je me mets à la place de ceux qui ont mené un combat.

C’est juste pour dire “Touches pas à ma liberté de pensée”.

D’aucuns se demandent alors pourquoi pas autant de solidarités pour le massacre de ceci, la famine de là-bas, ou les injustices en bas de chez moi ?

Parce que ce combat-ci est le plus important. Il s’agit de défendre un aboutissement de notre société : la pensée l’emporte sur la violence.

Sans cela, le monde serait bien pire.

Nous sommes tous visés (merci à Philippe)
Nous sommes tous visés (merci Philippe)

En ces jours troublés, qui êtes-vous ?

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Là où le Père Noël ne s’est pas arrêté

Je vous l’écrivais début 2014 : “on regardera dans Googlemap quelques régions vraiment affligeantes” . Maintenant que les fêtes sont finies et que le Père Noël est rentré au garage, celui-ci m’a confié avoir survolé quelques régions pas jolies, jolies.

Je vous invite donc à en découvrir trois. Ce sont des vues Googlemap, utilisez votre souris pour déplacer la carte et zoomer pour les détails.

La croisière ne s’amuse plus

Que deviennent nos paquebots, nos porte-conteneurs et autres géants des mers qui servent notre civilisation d’homme moderne ? Ils vont à Alang, en Inde.

Comme pour nos déchets électroniques, ce sont les pays pauvres qui accueillent nos navires, où ils peuvent être démantelés sans se soucier de la pollution et de l’impact sanitaire des déchets toxiques.

Sur une plage de 11 kilomètres, ce sont des dizaines de milliers d’ouvriers qui désossent nos épaves, pour 1,1 à 2,8 euros par jour.

Voilà bien un endroit où il ne fait pas bon vivre. Et pour lequel Streetview ne risque pas de passer !

Welcome to the jungle

Bienvenue dans “la jungle”, un lieu où quelques sauvages vivent de plus en plus nombreux, laissés-pour-compte d’une société qui creuse les inégalités.

Où est-ce donc ? En Amérique latine ? En Afrique ? En Chine ?

Non. Nous sommes dans la région la plus riche des États-Unis : la Silicon Valley. C’est là que l’on trouve le plus grand campement de sans-abri du continent.

Voici la vue satellite de Coyote Creek, où vivent des SDF. On peut y deviner quelques campements, sauf si vous zoomez. Car alors, on passe à une photo prise à un autre moment : après un “nettoyage” de la zone.

Où sont-ils alors passés ? Peut-être aux douches publiques, juste à côté de la villa de Larry Page, cofondateur de Google et 17e homme le plus riche du monde ?

La mer de plastique

Nous sommes à Alméria, en Espagne. Une région que l’on la surnomme “le jardin de l’Europe”, car elle inonde nos pays de fruits, principalement l’hiver.

Mais à quel prix ? Tout ce blanc que vous voyez, ce sont les serres, construites dans une région aride. Il s’agit d’agriculture intensive, avec tout son cortège de laideur et de souffrance. Car en plus d’assécher les nappes phréatiques et de polluer la région, 80.000 personnes, souvent des illégaux, y sont exploités comme des esclaves.

Alors quand vous achetez des fruits et légumes “Made in Spain”, pensez à Alméria.

Mes meilleurs vœux ?

Après le survol de ces lieux déplorables, vous souhaiter “mes meilleurs vœux” pour cette nouvelle année me parait aussi incongru que de dire “bon appétit” avant d’attaquer son repas. Comme si nous avions besoin de cela pour commencer une année durant laquelle, pour la plupart d’entre nous, nous ne manquerons de rien !

Je préfère vous souhaiter une année 2015 pleine de bonnes résolutions, d’actes responsables et de pensées positives.

Gestes écologiques, nourriture bio, commerce équitable, etc

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