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500 ans d’impostures scientifiques

Des scientifiques, des experts, des hommes publics ou politiques défendant des vérités qui n’en sont pas : voilà ce que nous raconte ce livre, et ce sont bien plus que de simples anecdotes.

500 ans de mauvaises opinions

À force de suivre l’actualité sur l’état du monde, je m’enrichis des avis divergents et contradictoires plutôt que de me forger une opinion. Et si j’en ai une, sapristi, j’ai intérêt à bien être documenté pour prétendre avoir raison. Au mieux je peux avoir une conviction.

Mais ce n’est pas le cas des nombreux spécialistes qui entretiennent le débat. Alors, pour se faire une opinion… sur ceux qui en ont une, un livre comme “500 ans d’impostures scientifiques” donne un éclairage sur toutes les erreurs et tromperies qui ont existé. Et nous révèle que l’on n’est toujours pas à l’abri d’informations toxiques.

Le duel entre la réalité et les convictions n’est pas près de s’achever. Et, pire que tout, les hommes de science se laissent parfois guider par des convictions.” nous dit Gerald Messadié, en page 8.

Même Albert se trompe

La mission Apollo 11 figure dans le livre, pour expliquer que ce n'est PAS une imposture
La mission Apollo 11 figure dans le livre, pour expliquer que ce n’est PAS une imposture

L’auteur nous relate 90 histoires d’impostures scientifiques, de mystifications, d’erreurs et, surtout, d’ignorance maintenue par le dogme.

Les plus anciennes font sourire : quand la locomotive fut créée en 1832, un front de scientifiques déclara que “Ces transports rapides causeront la mort par asphyxie des passagers, incapables de respirer !“. Ou bien ce M. de Vissery, qui fut accusé par ses voisins de détourner sur eux la colère du Seigneur : nous sommes en 1780, et ce brave homme avait installé un paratonnerre !

Certaines histoires montrent comment l’ignorance fut nuisible à la santé publique. Ainsi, au XIXème, le corps médical s’insurgeait contre le médecin Ignaz Philip Semmelweis : il avait la manie de se laver les mains avant toute opération !

On constate aussi que les prix Nobel ne sont pas à l’abri de jugement qui, avec le recul, nous paraît uniquement fondés sur des convictions. “Il est prouvé, par tout un ensemble de preuves inattaquables, que la race jaune et surtout la race noire sont absolument inférieure à la race blanche.” (Charles Richet, prix Nobel de Médecine 1913). “Il n’existe pas le moindre indice que l’énergie nucléaire sera un jour disponible” : en 1932, par… Albert Einstein lui-même !

Dogmes en stock

N’allez pas croire que toutes ces histoires sont anciennes et révolues. Que du contraire : une bonne partie relatée par l’auteur se déroule sur ces cent dernières années…

Même en ce XXIe siècle où aucune information ne semble échapper à un arsenal d’analyses critiques, les mystifications pullulent.” (p. 16)

Comme en 1986, quand le gouvernement français déclarait que le pays était épargné par le nuage radioactif de Tchernobyl, tandis que celui-ci traversait le territoire, augmentant 400 fois la radioactivité par rapport à la norme admise !

Ou ce dogme qui a la peau dur : les Clovis sont les premiers habitants des Amériques, il y a 12.0000 ans. Sauf que l’on a trouvé récemment des restes datant d’au moins 50.000 ans. Mais les “clovissiens” ne veulent pas en entendre parler !

Quand les théories sont anciennes et communément admises, il est difficile de les remettre en question. Il en fut ainsi avec la découverte de l’atome, de la relativité, de l’existence des microbes, de l’épigenèse, etc. Autant de découvertes qui valurent à leurs auteurs les foudres de leur communauté.

Messadié tranche

La frontière entre l’erreur et la mystification proprement dite, c’est-à-dire la volonté délibérée de tromper pour en tirer un bénéfice, est parfois ténue.” (p. 13)

À l’heure actuelle, les polémiques existent plus que jamais. Messadié tranche pour certaines, et on espère qu’il ne se retrouvera pas lui-même dans les imposteurs de notre siècle :

  • Les opérateurs de téléphonie nous embrouillent : les ondes électromagnétiques ont bien des effets sur l’être humain.
  • Il est trop tôt pour se prononcer sur les causes de nos changements climatiques : les écologistes s’alarment un peu vite.
  • Le maïs OGM est un danger pour la santé : les travaux de Séralini sont probants.

Faut-il donc avoir fait des études scientifiques, voire être professeur pour ne pas être dupe ? Les experts sont parfois les plus naïves victimes d’affirmations abusives ou de dénégations véhémentes.” (p.16)

Soyez altruiste

Pour conclure, je me tourne vers vous, qui êtes aussi un vecteur de transmission de l’idée maligne, bien malgré vous !

N’avez-vous jamais dit que l’on n’utilise que 10 % de son cerveau ? Eh bien, c’est un mythe !

Avez-vous acquiescez d’un air entendu à l’affirmation que c’est la raison du plus fort qui triomphe ? Suivant ainsi les idées de l’évolution, qui s’applique si bien à notre société, et justifiant la compétition sociale ? C’est oublier que l’homme est un animal social, qui a bâti une société en faisant passer le bien commun avant l’individualisme.

En combinant l’épigenèse citée plus haut avec ce fait-ci, la conclusion est trop belle : “La raison du plus fort triomphe souvent, mais l’altruisme aussi. Et l’hérédité ne s’arrête pas à la structure primaire des protéines : elle transmet aussi les comportements.” (p. 344)

“500 ans d’imposture scientifiques” par Gerald Messadié, 382 pages, l’Archipel

Les régimes alimentaires pour perdre du poids constituent une variété prospère de mystifications dans le monde contemporain (l'auteur, en page 276)

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La dictature du carbone par Frédéric Denhez

La dictature du carbone

Et si nous mesurions nos actes au carbone émis ? Voilà qui serait révélateur du coût réel de notre société. Plongeons donc dans ce gaz, avec un livre qui a marqué mon esprit, je l’avoue.

Écrasé par le carbone

La dictature du carbone par Frédéric Denhez
Un livre pesant 1kg de CO2

Frédéric Denhez est un auteur-journaliste scientifique spécialisé dans l’environnement, aux multiples compétences, très prolifique en ce qui concerne la crise climatique ou la nature. La maitrise de ses sujets se ressent d’emblée dans son livre “La dictature du carbone”, qui veut nous éclairer sur ce qu’est réellement le “carbone”, et nous démontrer que les bonnes mesures à prendre ne sont pas forcément celles que l’on croit.

A la fermeture du livre, c’est mission accomplie, mais on se sent écrasé par l’impact (caché) de nos actes, et impuissant à changer les choses (vivre nu dans la forêt n’étant pas encore une solution envisageable).

L’anthropocène

Son livre commence par les faits : car si nous ne croyons pas qu’il y a réchauffement climatique, autant tout de suite arrêter cette lecture et enfourcher son quad pour une balade en nature…

Denhez nous explique le cycle complexe du carbone, sur lequel je ne m’étend pas ici (car d’autres le font très bien), pour conclure que c’est bien du dioxyde de carbone qu’il faut s’inquiéter (et non des vapeurs d’eau), et que même si la contribution humaine est comparable à “une cuillerée de fioul dans la chaudière d’un porte-avions” , cela représente une croissance annuelle de 1,24 % du réservoir atmosphérique. Au final, le stock de carbone dans l’atmosphère a augmenté de 36 % sur le siècle, à cause de nous. “C’est à se demander si la planète n’est pas entrée, à cause de son espèce majeure, dans une ère géologique nouvelle, l’anthropocène.” (p. 44)

E = CO2

Du carbone, nous en émettons à la pelle, et une bonne partie nous est cachée. Bien-sûr il y a le transport et le chauffage. Mais il y a surtout la fabrication de nos produits (carbone gris), matériels comme alimentaires, et une mondialisation qui augmente la facture par leurs transports (énergie grise). Nos importations pèsent tellement dans la balance que, combinés avec l’émission du secteur tertiaire (35 %), “les écogestes tant vantés ne servent à rien pour sauver la planète” (p. 58).

Pourtant, nous améliorons nos technologies pour moins dépenser d’énergie ! Oui, mais il y a l’effet rebond…

Quand ça rebondit

Parce que nos produits consomment moins, nous les achetons plus gros, nous faisons plus de kilomètres, nous chauffons plus, etc. Voilà l’effet rebond : l’amélioration du rendement crée un phénomène d’appel qui, au total, ne diminue pas la facture énergétique. C’est même le contraire, car nous sommes de plus en plus nombreux à avoir accès à cette consommation. Constat : “Nos émissions ont légèrement augmenté en dix-sept ans, alors que le secteur industriel a, lui, diminué de 10 % ses rejets, et ce en dépit de la hausse de la production liée à celle de la demande.” (p. 63)

(Entre parenthèse, on parle aussi d’un phénomène d’appel à propos de l’élargissement du ring de Bruxelles…)

Or, nous devrions diviser nos émissions par… quatre ! Et on n’y arrivera pas avec des fausses mesures, privilégiant le PIB et non l’atmosphère. En voici un exemple, qui vous concerne peut-être…

Votre nouvelle petite voiture consomme autant qu’une grosse berline familiale

Voyons les “primes à la casse”, incitant à se débarrasser d’un vieux véhicule polluant, au profit d’un nouveau bien plus performant.

Alors, vous avez fait un geste pour la planète, en changeant votre R5 (150 gr/km) pour une Clio (120 gr/km) ? Eh bien c’est l’industrie qui vous remercie, et non la nature : à la sortie de l’usine, votre voiture neuve a déjà émis 7 à 8 tonnes de CO2, pour sa fabrication. Si vous roulez en moyenne 15.000 km par an, vous “amortirez” votre crédit en… 15 ans. Mais comme vous la revendrez probablement au bout de 7 ans, “ce sera comme si la petite voiture verte avait émis 66 grammes de CO2 en plus par kilomètre” (p. 142).

Ça ne va pas faire plaisir aux enthousiastes de la croissance, mais l’issue la plus soucieuse de notre environnement est de garder nos appareils le plus longtemps possible, fussent-ils plus énergivores. Ou d’acheter en deuxième main car, c’est une vue de l’esprit, on peut alors considérer que la dette carbone est sur la tête du premier acheteur, celui-là même qui fait tourner l’économie.

Voiture bac à fleurs
Une voiture ayant largement remboursé son impact carbone !

Mangez de la viande !

Dans la masse d’informations et de calculs donnés par Denhez, ceci est anecdotique, mais je ne résiste pas à en parler : mangeons de la viande !

Pourtant, une blanquette pour 8-10 personnes équivaut à rouler 370km en voiture (en Clio, tiens !). Mes ces calculs sont faits sur une moyenne, celle-ci largement tirée vers le haut par les élevages intensifs, combinés au transport. Or, parlant d’un élevage naturel : “une prairie à viande compenserait le quart, voire la moitié des émissions qu’engendrent les vaches qui la broutent et la chaîne d’activité qui les transforment” (p. 156). Combiné avec d’autres techniques de fourrage, on diminuerait par 3 ou 4 la facture CO2 (et le calcul est semblable pour la consommation en eau, dès lors que l’on quitte l’élevage intensif).

Et l’auteur persiste et signe : “La prairie, c’est le paysage agricole le plus menacé à l’échelle du monde.” (p. 162). Ne plus consommer de bovins signerait la disparition de ces espaces qui sont des excellents “puits à carbone” (à opposer aux “fontaines à carbone” qui sont les émetteurs).

Un livre de 1 kg

Toutefois attention, l’auteur avance des résultats qui sont difficiles à calculer. Il écrit que son livre pèserait 1kg eq. CO2 : mais selon une étude du Washington Post, ce serait plutôt 7,5 ! Ce qui, par rapport à une liseuse électronique (entre 168 et 250 kg), donne des conclusions opposées : pour Denhez, le livre est plus écologique car on peut en lire 250 avant d’atteindre la facture carbone d’une liseuse, alors que le W.P. donne le  chiffre de… 23, donnant donc celle-ci gagnante.

Dictature et évasion

La dictature du carbone ? Le mot n’est pas trop fort : Denhez nous révèle à quel point notre mode de vie… nous plonge dans le gaz ! “Multiplié par le grand nombre, les petits gestes citoyens auraient dû avoir un impact sur nos émissions de gaz à effet de serre, mais ils ont été corrigés par la surconsommation et l’importation de produits manufacturés gavés d’énergie grise et de carbone gris.” (p.272)

L’auteur donne des mesures pour corriger le tir : elles passent aussi bien par notre comportement que par des décisions politiques et des choix de société. La tâche est immense, même au niveau de ma simple personne ! Car si revois ma consommation à la baisse, et que je suis devenu sourcilleux à acheter du matériel high-tech ou neuf, je dois reconnaître que mon crédit carbone explose avec mon voyage à l’autre bout du monde, que je m’apprête à faire dans quelques jours.

Il y a de quoi en débattre, mais ce sera pour un prochain article…

“La dictature du carbone” par Frédéric Denhez, 300 pages, Fayard

"Ce que nous boufferons, ce que nous achèterons demain dira au monde ce qu'il devra être." (p. 193)

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