Archives par mot-clé : énergie

Le tour du monde des énergies

En ce XXIème siècle, quels sont les défis énergétiques, et où en sommes-nous pour préparer le futur ? Prenons de bonnes chaussures et parcourons le monde pour le savoir…

Encore deux jeunes globetrotteurs

On dirait bien que les éditions Lattès aiment les couples de jeunes qui font le tour du monde, dont le but est de nous faire un inventaire des initiatives dans un domaine précis. Car rappelez-vous, mon blog a commencé avec le livre “80 hommes pour changer le monde” , et je vous annonce déjà que dans ma bibliothèque attend “100 pionniers pour la planète”, aux même éditions.

Cette fois, c’est un tour du monde des énergies que nous proposent deux jeune femmes : Blandine Antoine et Élodie Renaud. Qui sont-elles ? On comprend juste qu’elles sortent de leurs études polytechniques, l’une économiste, l’autre physicienne, et qu’elles entreprennent cette aventure après avoir fondé l’association Prométhée, qui a “pour objectif de contribuer à une meilleure connaissance des modes de production et de consommation d’énergie” .

Un livre énergique

Démystifions la fusion !
Démystifions la fusion !

Après avoir rencontré quelques 200 personnes dans 17 pays (un parcours de 159.100 kilomètres, compensé carbone évidemment), le moins que l’on puisse dire est que leur panorama des énergies est complet. Le livre se découpe en thèmes (énergies fossiles, énergie nucléaire, énergies renouvelables, économies d’énergie, habitats et transports durables) : il se lit donc au travers des sujets, et non des pays, ce qui permet d’y voir plus clair. Cette lecture n’est en effet pas de tout repos, et pas à cause des distances !

C’est que nos deux auteures ne se contentent pas de nous raconter des expériences innovantes : elles nous expliquent aussi les bases et les principes de fonctionnement de la plupart des systèmes existants. Et qui dit énergie, dit chimie, physique et mécanique. On s’accroche !

La France se la joue mégajoule

Par exemple, pour le nucléaire, nous avons droit à un glossaire (de “Actinides” à “Z-pinch” ), une quinzaine d’encadrés (explications annexes et chiffres), et quelques schémas faits main. Quant au côté voyage, nous allons à Madrid pour visiter le CIEMAT qui cherche des solutions pour les déchets radioactifs, en Californie pour étudier la fusion inertielle, au MIT de Cambridge pour la fusion magnétique, en Norvège pour un réacteur au thorium, à Pékin pour le Pebble Bed Modular Reactor…

N’en déplaise aux détracteurs du nucléaire, cette énergie continue donc à faire l’objet d’autant de recherches que les autres : pour gérer des déchets (dilution, transmutation, stockage géologique – oubliez le catapultage dans l’espace, car les fusées ne sont pas assez sûres !), mais aussi pour améliorer des rendements, avoir des centrales plus sécurisées en utilisant du combustible comme du thorium.

Et puis il y a la fusion nucléaire, le Graal des physiciens de l’atome : c’est l’énergie de notre soleil. Le jour où elle sera au point, l’humanité disposera d’une énergie infinie et propre. C’est sans doute le plus grand défis scientifique actuel, qui ne fait pas peur à la France : son projet Laser Mégajoule prévoit 240 lasers pour porter des atomes d’hydrogène à 10 millions de degrés.

Un bol d’hydrogène

Un projet comme celui décrit ci-dessus ne sert que d’expérimentation, et son exploitation reste lointaine, voire même impossible selon certains, tant l’énergie à déployer pour obtenir un résultat est colossal.

Car tout est une affaire de rendement (ou rentabilité), et c’est bien un mot récurent de cette lecture : quelle énergie et quel coût faut-il dépenser pour obtenir une seconde matière énergétique, exploitable ? Beaucoup de domaines donnent déjà des résultats, mais attendent un autre équilibre des prix pour devenir rentables : de là à dire que le prix bas du pétrole et du charbon empêche l’arrivée de ces nouvelles énergies, il n’y a qu’un pas…

Prenons l’exemple de l’hydrogène : un combustible très pratique. Mais il n’existe pas à l’état naturel, donc il faut l’extraire à partir d’autres atomes (l’eau), ce qui est déjà une dépense énergétique. C’est justement sur cette base que fonctionnent les piles à combustible, mais son exploitation reste timide à cause du coût…

Torcher Gaya

A l’inverse, des énergies sont gaspillées, à cause de la rentabilité, et la planète ne dit pas merci !

Ainsi, pourquoi continue-t-on à “torcher le gaz” sur les plateformes pétrolières (vous savez, ces cheminées avec une grosse flamme, donnant de belles fumées noires !) ? Parce qu’il s’agit d’un surplus de gaz arrivant avec le pétrole, gaz qui n’est pas assez cher pour mettre en place des infrastructures de stockage et de distribution ! Et c’est ainsi que 5,5 % de la production mondiale de gaz part en fumée, générant annuellement 400 millions de tonnes de CO2…

Énergie à cultiver

Revenons à des nouvelles plus positives : en attendant d’avoir la fusion nucléaire, quels sont les autres domaines de recherche ? Eh bien, en voici quelques-unes, dont certaines rendraient jaloux les scénaristes de Star Trek !

  • Les courants marins étant comme le vent (mais en plus constant et… plus mouillé), on construirait des “hydroliennes” sur les fonds des océans. Au niveau mondial, on pourrait générer ainsi l’énergie d’une trentaine de centrales nucléaires.
  • Restons dans l’eau : mettez 4 cylindres semi-immergés, attachés entre eux par des vérins hydrauliques, et voilà un serpent des mers de 120 mètres de long, générant de l’électricité à partir des vagues.
  • Sortons enfin de l’eau et profitons du soleil : les plantes ont un pouvoir bioénergétique grâce à la photosynthèse. Alors utilisons-les pour produire du biohydrogène, voire directement de l’électricité. Imaginez-donc un champ de plantes, câblés : c’est Matrix version végétale !
  • Restons au soleil : des panneaux solaires dont les cellules photovoltaïques seraient en polymères organiques. Autrement dit, de l’encre pas cher étalée sur n’importe quel matériau : voilà un assemblage bon marché et plus écologique !
La seule énergie qui ne figure pas dans le livre ((c) AFP)
La seule énergie qui ne figure pas dans le livre (© AFP)

Quand on veut, on peut

Bien écrit, pas avare de schémas et d’explications annexes, le livre de Blandine et Elodie se lit avec plaisir, même s’il n’est pas facile, je le répète…

Qui dit énergies, dit aussi tous les problèmes de société auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, et nos deux auteures en font la trame de fond, sans verser dans le catastrophisme : elles mettent bien en évidence tous les efforts faits dans le monde.

Mais elles ne se rangent pas pour autant du côté de ceux qui croient que tout va s’arranger par la seule évolution technique. Notre sauvetage passe aussi par une prise de conscience : “Le décor est sombre, et la représentation, bien entamée : la tragédie des communaux a commencé. La pièce, pourtant, peut avoir un dénouement heureux. Prenez-en conscience, c’est vous qui l’écrivez.” (p. 396)

Message reçu cinq sur cinq !

“Le tour du monde des énergies” par Blandine Antoine et Élodie Renaud, JC Lattès, 421 pages

Des idées lumineuses

Voici trois inventions qui me font du bien. C’est une lueur d’espoir dans ce noir destin de l’humanité. Une lueur ? Eh bien oui, car je vais vous parler de lumières…

L’eau en lumière

Même en pleine journée, il fait sombre dans les bidonvilles de Manille, car l’électricité est un luxe. Alors on fait un trou dans la tôle ondulée de la toiture, et on y place une bouteille d’eau : elle donne autant de lumière qu’une ampoule de 50 w !

Cette idée, de l’ingénieur Brésilien Alfredo Moser, est maintenant transmise par la fondation My Shelter, qui vise un million de bouteilles solaires installées en 2015.

Si l’idée est simple, sa mise en œuvre nécessite quelques bricolages : vous trouverez toutes les instructions, ainsi que l’évolution du projet, sur leur sympathique site : aliteroflight.org.

La gravité en lumière

Une idée qui du poids
Une idée qui a du poids

Accrochez un sac de dix kilos à un crochet, et voilà 15 à 30 minutes de lumière, sur le temps de descente du poids. L’idée plaît tellement que les concepteurs ont rassemblé en crowdfunding 399.590 $ au lieu des 55.000 prévus !

Une idée qui paraît fort simple, mais qui a quand-même demandé quatre ans de développement à ses deux inventeurs, designers à Londres.

Le but est d’apporter la lumière dans les pays pauvres, et l’expérience au Sri Lanka est concluante. La recherche se poursuit pour rendre le système moins cher et plus robuste.

Le foot en lumière

Voilà pourquoi je vais enfin aimer le foot !
Voilà pourquoi je vais enfin aimer le foot !

Jouez au football pendant 15 minutes, récupérez la balle et branchez-y une lampe LED : elle s’éclairera pendant 3 heures ! C’est le sOccket, un ballon contenant un capteur gyroscopique alimentant une batterie : l’énergie cinétique devient électrique.

Ici aussi, le crowdfunding vient de se clôturer avec succès : la balle va maintenant être produite de manière industrielle, et vous pouvez la pré-commander.

Et ne vous inquiétez pas sur son efficacité : la balle a déjà bien circulé dans les pieds des footballeurs d’Afrique du Sud…

Participer à l’innovation

Parfois, les idées sont tellement simples que l’on se demande pourquoi cela n’a pas été inventé plus tôt ? Mais l’homme n’invente pas forcément en allant du plus simple au plus compliqué : il suit plutôt la demande. Après tout, le vélo a bien été mis au point après la locomotive !

Bref, ces trois projets doivent vous avoir convaincu qu’il y a des idées qui marchent. Et la bonne nouvelle, c’est que, grâce au crowdfunding, nous pouvons être acteur de l’innovation. Une belle manière de rendre notre argent utile : ça crée de l’emploi, encourage l’innovation, sert aux plus démunis, et… “c’est bon pour la planète”. Et en plus c’est excitant !

Je me fixe donc comme devoir, pour un prochain article, de vous exposer quelques projets en cours de financement, histoire de… saisir la balle au bond !

Avez-vous déjà financé un projet participatif ?

View Results

Loading ... Loading ...
Mobilou vous présente "La nature n'a pas de prix"

La nature n’a pas de prix

Jusqu’où peut aller le néo-libéralisme ? Jusqu’à intégrer la biosphère dans son système économique : ce n’est pas de la science-fiction, on y est…

C’est vert, mais on n’en veut pas

Cela s’appelle le “capitalisme vert” ou “l’économie verte” : le mouvement ATTAC n’en veut pas, et nous l’explique dans son livre “La nature n’a pas de prix”, sous-titré “Les méprises de l’économie verte”.

Bien sûr, on ne peut pas s’attendre de la part d’un mouvement altermondialiste qu’il apprécie cette nouvelle tendance de notre monde – encore une qui hérissera le citoyen lambda comme moi. Mais leur ouvrage est structuré, clair et argumenté, et ne s’embarque pas dans des élans émotionnels ou slogans révolutionnaires…

Mobilou vous présente "La nature n'a pas de prix"
Attention % ATTAC !

Allons à Rio

Le livre commence avec un historique des tentatives successives pour résoudre nos problèmes d’environnement : de la sortie de la deuxième guerre mondiale à nos jours, les alertes écologiques se sont succédé, mais le courage politique a toujours manqué pour prendre des mesures efficaces.

C’est avec le sommet de Rio, en 1992, que prend forme l’idée d’un développement “durable”, fondé sur trois piliers : le social, l’écologie et l’économie. Mais c’est l’économie qui l’emporte, suivant la thèse que la croissance est nécessaire pour la protection de l’environnement. En conséquence “Le modèle de Rio s’est trouvé imprégné de l’idée selon laquelle seuls des biens privés peuvent être correctement entretenus” (p. 46).

Durable, et non soutenable

Depuis lors la biosphère tend à être  intégrée dans le système économique… Et voilà pourquoi le développement est “durable”, et non “soutenable” : en utilisant le premier terme à la place du deuxième, on a gommé les limites externes imposées par notre monde, qui est fini. C’est évident, bien sûr, tout comme le fait que notre organisation économique a un impératif d’accumulation infinie, nécessitant la création de nouveaux besoins et la réduction de la durée de vie des produits.

Alors, faire entrer nos ressources naturelles dans ce système ne signifie-t-il pas programmer leur épuisement ?

La croissance verte reste noire

Épuisement… et remplacement, voilà la réponse du capitalisme vert : les ressources qui deviennent rares deviennent plus chères, diminuant leur consommation et poussant l’industrie à chercher des produits de substitution (appelés “procédés techniques”). “Grâce au progrès technique, la croissance, verte maintenant, peut donc se poursuivre infiniment.” (p. 84)

Pourtant, en examinant la ressource la plus utilisée sur notre planète, à savoir le pétrole, on peut s’interroger sur la capacité de l’économie à gérer notre planète “en bon père de famille” ! Car malgré la fin annoncée de l’or noir, on persiste à le chercher sous d’autres formes (gaz de schiste, sables bitumineux) au prix d’une dévastation environnementale voire d’un désordre social. Tandis que les nouvelles énergies (les “substituts”) s’ajoutent à la consommation du pétrole, plutôt que d’y substituer. Quant aux agrocarburants, autre substitut, leur exploitation obéit à un intérêt financier, certainement pas humain !

La plus grande entreprise de la terre

En fait, la nature nous rend 3 services, sur lesquels le nouveau modèle économique est en train de mettre la main :

  • l’approvisionnement (aliments, énergie, construction…),
  • la régulation (climat, maladie, eau…),
  • la culture (dans le sens de la spiritualité, la récréation).

Il suffit donc de leur donner une valeur monétaire pour les intégrer dans le calcul économique. Ce chiffrement a déjà commencé sur la biodiversité, en vue d’un marché à l’image de celui sur les gaz à effet de serre !

Kompass : connect business to nature
Tous ces mots vont-ils bien ensemble ?

Spéculons sur les pandas

Finalement, aujourd’hui, qu’est-ce que l’économie verte a généré ? Voici quelques exemples : les agrocarburants, les marchés carbone, la privatisation de l’eau, les brevets sur le vivant, l’accaparement des terres.

Et aussi des sociétés financières dédiées à la biodiversité et aux services écosystémiques : “(les nouveaux produits financiers) pourraient inciter les agents économiques à spéculer sur la disparition d’espèces comme d’autres ont spéculé sur l’écroulement des subprimes.” (p. 101)

ATTAC attaque

Je vous laisse apprécier si tout ceci est bien ou pas, et je ne vais pas vous aider : ATTAC ne manque pas d’arguments pour démonter ce système (je n’ai qu’effleuré leurs explications), mais il met aussi en cause des ONG jouant dans cette nouvelle économie. Le WWF, encore lui, est en tête de la liste noire : j’ai du mal à m’imaginer que pareille institution prend une mauvaise voie (ou joue sur plusieurs tableaux ?).

Voilà qui me pousse à en savoir plus, plutôt que de refuser en bloc toutes les idées de l’économie verte…

“La nature n’a pas de prix”, ATTAC, éditions LLL (Les Liens qui Libèrent), 151 pages

"Laissons-donc les entreprises et le marché apporter leurs réponses au dérèglement climatique !" (p. 65, résumant les propos de l'European Round Table of industrialists)

View Results

Loading ... Loading ...