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La dictature du carbone par Frédéric Denhez

La dictature du carbone

Et si nous mesurions nos actes au carbone émis ? Voilà qui serait révélateur du coût réel de notre société. Plongeons donc dans ce gaz, avec un livre qui a marqué mon esprit, je l’avoue.

Écrasé par le carbone

La dictature du carbone par Frédéric Denhez
Un livre pesant 1kg de CO2

Frédéric Denhez est un auteur-journaliste scientifique spécialisé dans l’environnement, aux multiples compétences, très prolifique en ce qui concerne la crise climatique ou la nature. La maitrise de ses sujets se ressent d’emblée dans son livre “La dictature du carbone”, qui veut nous éclairer sur ce qu’est réellement le “carbone”, et nous démontrer que les bonnes mesures à prendre ne sont pas forcément celles que l’on croit.

A la fermeture du livre, c’est mission accomplie, mais on se sent écrasé par l’impact (caché) de nos actes, et impuissant à changer les choses (vivre nu dans la forêt n’étant pas encore une solution envisageable).

L’anthropocène

Son livre commence par les faits : car si nous ne croyons pas qu’il y a réchauffement climatique, autant tout de suite arrêter cette lecture et enfourcher son quad pour une balade en nature…

Denhez nous explique le cycle complexe du carbone, sur lequel je ne m’étend pas ici (car d’autres le font très bien), pour conclure que c’est bien du dioxyde de carbone qu’il faut s’inquiéter (et non des vapeurs d’eau), et que même si la contribution humaine est comparable à “une cuillerée de fioul dans la chaudière d’un porte-avions” , cela représente une croissance annuelle de 1,24 % du réservoir atmosphérique. Au final, le stock de carbone dans l’atmosphère a augmenté de 36 % sur le siècle, à cause de nous. “C’est à se demander si la planète n’est pas entrée, à cause de son espèce majeure, dans une ère géologique nouvelle, l’anthropocène.” (p. 44)

E = CO2

Du carbone, nous en émettons à la pelle, et une bonne partie nous est cachée. Bien-sûr il y a le transport et le chauffage. Mais il y a surtout la fabrication de nos produits (carbone gris), matériels comme alimentaires, et une mondialisation qui augmente la facture par leurs transports (énergie grise). Nos importations pèsent tellement dans la balance que, combinés avec l’émission du secteur tertiaire (35 %), “les écogestes tant vantés ne servent à rien pour sauver la planète” (p. 58).

Pourtant, nous améliorons nos technologies pour moins dépenser d’énergie ! Oui, mais il y a l’effet rebond…

Quand ça rebondit

Parce que nos produits consomment moins, nous les achetons plus gros, nous faisons plus de kilomètres, nous chauffons plus, etc. Voilà l’effet rebond : l’amélioration du rendement crée un phénomène d’appel qui, au total, ne diminue pas la facture énergétique. C’est même le contraire, car nous sommes de plus en plus nombreux à avoir accès à cette consommation. Constat : “Nos émissions ont légèrement augmenté en dix-sept ans, alors que le secteur industriel a, lui, diminué de 10 % ses rejets, et ce en dépit de la hausse de la production liée à celle de la demande.” (p. 63)

(Entre parenthèse, on parle aussi d’un phénomène d’appel à propos de l’élargissement du ring de Bruxelles…)

Or, nous devrions diviser nos émissions par… quatre ! Et on n’y arrivera pas avec des fausses mesures, privilégiant le PIB et non l’atmosphère. En voici un exemple, qui vous concerne peut-être…

Votre nouvelle petite voiture consomme autant qu’une grosse berline familiale

Voyons les “primes à la casse”, incitant à se débarrasser d’un vieux véhicule polluant, au profit d’un nouveau bien plus performant.

Alors, vous avez fait un geste pour la planète, en changeant votre R5 (150 gr/km) pour une Clio (120 gr/km) ? Eh bien c’est l’industrie qui vous remercie, et non la nature : à la sortie de l’usine, votre voiture neuve a déjà émis 7 à 8 tonnes de CO2, pour sa fabrication. Si vous roulez en moyenne 15.000 km par an, vous “amortirez” votre crédit en… 15 ans. Mais comme vous la revendrez probablement au bout de 7 ans, “ce sera comme si la petite voiture verte avait émis 66 grammes de CO2 en plus par kilomètre” (p. 142).

Ça ne va pas faire plaisir aux enthousiastes de la croissance, mais l’issue la plus soucieuse de notre environnement est de garder nos appareils le plus longtemps possible, fussent-ils plus énergivores. Ou d’acheter en deuxième main car, c’est une vue de l’esprit, on peut alors considérer que la dette carbone est sur la tête du premier acheteur, celui-là même qui fait tourner l’économie.

Voiture bac à fleurs
Une voiture ayant largement remboursé son impact carbone !

Mangez de la viande !

Dans la masse d’informations et de calculs donnés par Denhez, ceci est anecdotique, mais je ne résiste pas à en parler : mangeons de la viande !

Pourtant, une blanquette pour 8-10 personnes équivaut à rouler 370km en voiture (en Clio, tiens !). Mes ces calculs sont faits sur une moyenne, celle-ci largement tirée vers le haut par les élevages intensifs, combinés au transport. Or, parlant d’un élevage naturel : “une prairie à viande compenserait le quart, voire la moitié des émissions qu’engendrent les vaches qui la broutent et la chaîne d’activité qui les transforment” (p. 156). Combiné avec d’autres techniques de fourrage, on diminuerait par 3 ou 4 la facture CO2 (et le calcul est semblable pour la consommation en eau, dès lors que l’on quitte l’élevage intensif).

Et l’auteur persiste et signe : “La prairie, c’est le paysage agricole le plus menacé à l’échelle du monde.” (p. 162). Ne plus consommer de bovins signerait la disparition de ces espaces qui sont des excellents “puits à carbone” (à opposer aux “fontaines à carbone” qui sont les émetteurs).

Un livre de 1 kg

Toutefois attention, l’auteur avance des résultats qui sont difficiles à calculer. Il écrit que son livre pèserait 1kg eq. CO2 : mais selon une étude du Washington Post, ce serait plutôt 7,5 ! Ce qui, par rapport à une liseuse électronique (entre 168 et 250 kg), donne des conclusions opposées : pour Denhez, le livre est plus écologique car on peut en lire 250 avant d’atteindre la facture carbone d’une liseuse, alors que le W.P. donne le  chiffre de… 23, donnant donc celle-ci gagnante.

Dictature et évasion

La dictature du carbone ? Le mot n’est pas trop fort : Denhez nous révèle à quel point notre mode de vie… nous plonge dans le gaz ! “Multiplié par le grand nombre, les petits gestes citoyens auraient dû avoir un impact sur nos émissions de gaz à effet de serre, mais ils ont été corrigés par la surconsommation et l’importation de produits manufacturés gavés d’énergie grise et de carbone gris.” (p.272)

L’auteur donne des mesures pour corriger le tir : elles passent aussi bien par notre comportement que par des décisions politiques et des choix de société. La tâche est immense, même au niveau de ma simple personne ! Car si revois ma consommation à la baisse, et que je suis devenu sourcilleux à acheter du matériel high-tech ou neuf, je dois reconnaître que mon crédit carbone explose avec mon voyage à l’autre bout du monde, que je m’apprête à faire dans quelques jours.

Il y a de quoi en débattre, mais ce sera pour un prochain article…

“La dictature du carbone” par Frédéric Denhez, 300 pages, Fayard

"Ce que nous boufferons, ce que nous achèterons demain dira au monde ce qu'il devra être." (p. 193)

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Brève histoire autour du coût du kilomètre

“Un aller-retour pour Liège svp”. “Vous êtes sûr ?” me répond le guichetier. Il était 16h, gare de Jette : cela lui paraissait inconcevable que je parte à Liège et en revienne sur ce qui restait de la journée…

Non, je ne travaille pas à la SNCB

Ben oui, je faisais un aller-retour Jette – Liège pour aller chercher un objet acheté en 2ème main. Pas de quoi en faire un article. Sauf que les deux seules personnes rencontrées lors de ce périple ont eu des réflexions témoignant de leur incrédulité !

En effet, après le guichetier, ce fut le vendeur, à qui j’avais refusé sa proposition de se retrouver à mi-chemin sur l’autoroute. Trop content de ma demande de m’attendre à la gare des Guillemins, il a cru que mon choix était dicté par la gratuité des transports : “Comme ça, vous travaillez à la SNCB ?”

Le train, trop cher ?

Ah ben dites donc, ça en perturbe plus d’un, de voir un gars faire un aller-retour pour chercher son colis, plutôt que de prendre sa voiture, comme tout le monde !

En plus, le train, c’est cher : Bruxelles – Liège, c’est 28 €, quand-même !

Et en voiture, c’est combien, dites-moi ?

Eh bien, si on calcule tout (achat, entretien, essence, assurances, etc.), votre voiture coûte en moyenne 0,28 cents du kilomètre. Pour mon aller-retour de 208 km, il m’en aurait coûté un bon 58 € ! Eh oui, cinquante-huit, acht en vijftig, fifty-eight euros ! Bien-sûr ce n’est qu’une moyenne : suivant l’usage et la taille de votre voiture, ça peut être moins… ou plus !

Voilà pour l’argument qui touche au portefeuille. Mais est-ce vraiment ça qui m’a motivé ?

Choisir entre la voiture et le train
Alors, plutôt voiture ou plutôt train ? !

Encore un peu de carbone ?

Il serait malhonnête de ma part de prétendre avoir fait des calculs de coût avant de me décider entre la voiture et le train.

En fait, c’est par conviction.

D’abord, comme je l’ai déjà fait comprendre dans un autre article, deux heures de train, c’est deux heures de temps libre. Alors que deux heures de voiture, c’est vraiment du temps perdu, même si de porte à porte c’est un peu plus rapide.

Ensuite, ma lecture du moment était… “La dictature du carbone”. Je ne vais pas dire que ce livre m’a tout d’un coup éveillé à notre consommation, mais quand même, le lire et prendre sa voiture, seul, pour chercher un objet qui coûte à peine le double de mon transport, ça aurait été comme de porter du Nike après avoir lu Naomi Klein ! Et en plus, une “veille casserole” à traîner, le jour où je devrai chroniquer cet excellent ouvrage !

Ah oui, à propos

Alors que je m’apprête à finir cet article, je me retourne comme Colombo au moment de sortir de la pièce, pour dire la phrase qui change tout : “Ah oui, à propos…”. À propos,  en été ce sont les “Summer Deal”, à la SNCB : c’est 15 € pour l’aller-retour vers n’importe quelle ville. Soit 0,07 cents du kilomètre pour Liège. Est-ce finalement le meilleur argument pour choisir le train plutôt que la voiture ? Non ? Car vous disposez d’une voiture de société ? Eh bien, moi aussi, en fait… Quand je vous dis que j’agis par conviction…

Quel enseignement tirez-vous de cet article ? (plusieurs choix possibles)

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Mobilou plongée dans la garantie

L’art de se gâcher le plaisir de consommer

Je suis de plus en plus attentif à l’origine des matériaux utilisés dans mes achats, ainsi que de leur impact écologique. Mais il suffit de trouver l’Objet tant convoité pour que toutes ces bonnes attentions passent à la trappe.

Chronique d’un grand déchirement éthique…

Vos papiers svp

S’il y a bien un clou sur lequel tape les médias, concernant notre consommation responsable, c’est celui du bois. Pour la construction, le bricolage, les meubles : exigez du bois provenant de forêts exploitées de manière responsable. Le label FSC (Forest Stewardship Council) est le plus connu.

Pour le papier, c’est bon aussi. Je lis en dernière page de “Sur la route du papier”, édition Stock : “[…] fabriquées à partir de bois issus de forêts qui adoptent un système d’aménagement durable.”

Même mon livre photos des vacances : Certifié FSC.

Avec tout ça, c’est certain : quand j’entre dans un magasin de meubles, l’article qui tentera de conquérir ma convoitise devra montrer ses papiers ! Non mais, vous savez à qui vous avez à faire ? A un consommateur RES-PON-SABLE !

Enfin, euh, la dernière fois, ce ne fut pas vraiment ça…

Equi-Table ?

Or, voilà que c’est presque par hasard que mon épouse et moi trouvons LA table de salon qui répond enfin à nos exigences de vieux consommateurs aguerris et blasés. Elle est épurée, aussi carré que notre intérieur, elle est desiiign !

Après plusieurs années de recherche, voici donc l’élue : on ne l’attendait plus, on espérait juste la trouver un jour par hasard, et ce jour est arrivé !

Alors la décision est prise en quelques minutes : on passe commande…

… Pendant que le bon de commande est rédigé, un signal rouge… euh non, vert, s’allume dans un coin de mon cerveau : ma conscience vient déranger ce moment d’euphorie. “Dis, Paul, as-tu demandé à la vendeuse l’origine des matériaux de cette table” ?

Moment d’angoisse et de tiraillement : vais-je prendre le risque de poser la question qui fâche, au risque de tout laisser en plan, pour ressortir du magasin en exprimant mes sentiments de honte ?

Je n’ose pas. Je me tais. Je fais bonne figure. Et puis je crois la vendeuse capable des pires boniments : ne s’intéresse-t-elle pas tout d’un coup à notre chien, maintenant que nous sortons la carte Visa, alors que l’instant d’avant elle le regardait comme un affreux animal salissant son beau tapis ?

Mais c’est plus fort que moi, je veux ma réponse sans casser l’ambiance : je prends le catalogue sur le bureau de la vendeuse et le feuillète, l’air de m’intéresser aux autres produits de la marque. En réalité je cherche le moindre indice pouvant apaiser ma mauvaise conscience : un petit logo FSC, une petite phrase “Pour chaque arbre utilisé nous…”, ou “Notre usine a été certifié…”. Je prends tout, je ne suis pas difficile ! Mais non, rien. Je me résine… pardon, résigne…

C’est tout ? Ben non…

Une table trop loin

J’ai oublié de le mentionner : le magasin se trouve à Lille. Oh, on a déjà vu shopping plus lointains et plus exotiques. Mais n’empêche, faire rouler un camion pour livrer notre seule table de salon me donnait un pincement au cœur !

Après un coup de fil à la société de livraison, nous nous mettons donc d’accord pour faire un “geste pour la planète” : notre meuble est bien dans le stock, mais sa livraison attendra celles d’autres clients de notre capitale…

Après presque deux mois d’attente supplémentaire et de rendez-vous manqués, cette bonne intention n’aboutit pas. Et c’est la mort dans l’âme que je vois arriver un camion pour livrer notre seule petite table…

Happy end

Mais avec la table il y a un petit livre blanc marqué “Garantie”, que mon épouse s’empresse de me mettre entre les mains : oui, elle avait bien perçu mes tourments et voilà qu’elle a les moyens d’y mettre fin !

Mobilou plongée dans la garantie
Mobilou cherche de quoi satisfaire ma conscience

Premier paragraphe : “Développement durable”, wouaw ! On y parle de fabrication minimisant les solvants, recyclage des déchets, label PEFC, et j’en passe : un vrai feu d’artifice de bonnes intentions, poursuivi sur le site de la marque, où toute une section est consacrée à leur politique environnementale.

Ah, mais il a une belle âme, ce meuble !

Et voilà, ce sera tout pour cette aventure. Je parlerai de “greenwashing” un autre jour : ne gâchons pas notre plaisir…

Pour votre prochain meuble...

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