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ExtraPaul lit un livre à côté de ses ancêtres

Sapiens – une brève histoire de l’humanité

“D’où venons-nous ?”, “où allons-nous ?” : ce livre répond parfaitement à ces questions. Mais ne comptez pas sur son auteur pour défendre la route empruntée par notre espèce !

Niches pour imbéciles

Attention coup de cœur ! Plaisir de lire, plaisir d’apprendre : l’historien Yuval Noah Harari aborde l’épopée du genre humain sur 512 pages qui se lisent d’une traite, faisant passer le temps aussi vite que celui de l’Homme à l’échelle géologique.

J’aurais bien voulu que mon cours d’histoire, durant mes humanités, ressemble à ça ! Et je ne suis pas le seul à le penser : ce livre est un best-seller traduit en 30 langues.

[…] tout indique que la taille du cerveau moyen des Sapiens a bel et bien diminué depuis l’époque des fourrageurs. Survivre en ce temps-là nécessitait chez chacun des facultés mentales exceptionnelles. L’avènement de l’agriculture et de l’industrie permit aux gens de compter sur les talents des autres pour survivre et ouvrit de nouvelles « niches pour imbéciles ». On allait pouvoir survivre et transmettre ses gènes ordinaires en travaillant comme porteur d’eau ou sur une chaîne de montage. (p.66)

Notre professeur d’histoire israélien a une manière plutôt rock and roll de nous raconter l’histoire du genre humain. Il porte un regard très critique sur son évolution et son avenir, s’intéressant plus au comportement particulier de ce drôle d’animal qu’aux faits historiques.

Son livre se découpe en quatre parties :

  1. la révolution cognitive ;
  2. la révolution agricole ;
  3. l’unification de l’Humanité ;
  4. la révolution scientifique.

Trois révolutions importantes infléchirent le cours de l’histoire. La Révolution cognitive donna le coup d’envoi à l’histoire voici quelque 70 000 ans. La Révolution agricole l’accéléra voici environ 12 000 ans. La Révolution scientifique, engagée voici seulement 500 ans, pourrait bien mettre fin à l’histoire et amorcer quelque chose d’entièrement différent. Ce livre raconte comment ces trois révolutions ont affecté les êtres humains et les organismes qui les accompagnent. (page 5)

En terminant ce livre, mon cerveau de sapiens a encore appris pas mal de choses. Voici ce qui m’a marqué.

ExtraPaul lit un livre à côté de ses ancêtres
L’évolution m’a amené à lire ce livre

Le poulet, grand gagnant de l’évolution

Le poulet domestique est la volaille la plus répandue de tous les temps.” (p. 118). En matière d’évolution, c’est une success story pour cet animal, puisqu’il a réussi à reproduire son ADN partout sur la planète ! Une prodigieuse aubaine apportée par la Révolution agricole.

Mais au prix de quelle souffrance ? Tout comme le bétail, les cochons et les moutons, cette espèce n’y a rien gagné à figurer dans le top des espèces les plus répandues. Et notre historien végétalien ne mâche pas ses mots vis-à-vis de la révolution agricole qu’il qualifie de grosse arnaque de l’histoire. Car si le règne animal en souffre, l’homme aussi.

Ce décalage entre la réussite au regard de l’évolution et la souffrance individuelle est peut-être la leçon la plus importante qu’il nous faille tirer de la Révolution agricole (p.122)

Car la sédentarisation de l’homme l’a amené à moins de sécurité (tributaire de la nature pour ses récoltes), à s’inquiéter de l’avenir, à travailler plus pour assurer sa survie. Et qui en a profité, finalement ? “Jusqu’à la fin des Temps modernes, plus de 90 % des hommes étaient des paysans qui se levaient chaque matin pour cultiver la terre à la sueur de leur front. L’excédent produit nourrissait l’infime minorité de l’élite qui remplit les livres de l’histoire : rois, officiels, soldats, prêtres, artistes et penseurs. L’histoire est une chose que fort peu de gens ont faite pendant que tous les autres labouraient les champs et portaient des seaux d’eau.” (p. 129)

Les excédents alimentaires permirent à plus de gens de s’entasser dans des villages, bourgs, villes et royaumes, sans donner le temps à l’évolution de développer un instinct de collaboration, d’où l’apparition de conflits, mais aussi d’ordres imaginaires, nécessaires à assurer la cohésion de groupes d’individus d’une taille que la nature n’a jamais connue.

(c) Banksy
© Banksy

Le Lion de Peugeot

Il n’y a pas de dieux dans l’univers, pas de nations, pas d’argent, pas de droits de l’homme, ni lois ni justice hors de l’imagination commune des êtres humains. (p. 40)

La société humaine s’est fondée sur… sa faculté d’imagination ! Alors que dans des conditions naturelles un groupe de chimpanzés n’excèdera pas 50 individus, l’ordre social se déstabilisant au-delà, l’homme est capable d’organiser l’entente de plusieurs centaines de personnes au sein d’une société, de plusieurs millions dans une nation, et de plus d’un milliard autour d’une religion.

Ce sont des “fictions”, des “mythes”, apparues avec la révolution cognitive, qui font donc que “Sapiens peut coopérer de manière extrêmement flexible avec d’innombrables inconnus. C’est ce qui lui permet de diriger le monde pendant que les fourmis mangent nos restes et que les chimpanzés sont enfermés dans les zoos et les laboratoires de recherche.” (p. 36)

Cette faculté de coopérer fait en sorte que de grands projets naissent, et qu’une société automobile au célèbre lion utilise 200.000 personnes à travers le monde pour produire 1.500.000 véhicules par an. Ces personnes collaborent alors qu’elle ne se connaissent pas : il ne peut y avoir de relations de confiance entre elles sans la création imaginaire de Peugeot. Et si la firme est si grande aujourd’hui, c’est parce que la législation a permis de lui donner une réalité dans le monde économique, grâce à la notion de “sociétés anonymes à responsabilité limitée”, évitant qu’elle disparaisse avec la mort de son fondateur.

Au cours des derniers siècles, ces sociétés sont devenues les principaux acteurs de l’arène économique, et nous nous y sommes à ce point habitués que nous oublions qu’elles n’existent que dans notre imagination. (p. 202)

Théologie, reine des sciences

Ces cinq derniers siècles ont été les plus fulgurants pour l’Humanité : la population humaine a été multipliée par 14, la production par 240 et la consommation d’énergie par 115 (p. 292). Cinq cargos pourraient embarquer le fret de toute la marine marchande d’il y a 5 siècles. À l’époque, peu de villes comptaient 100.000 habitants et pour la première fois des êtres humains faisaient le tour de la terre : ça leur coûta trois ans et demie et la perte de presque tout l’équipage.

Pourquoi pendant des siècles les connaissances ont si peu évolué, pour ne se développer que récemment ? Ce n’est pas que l’Homme ne s’intéressait pas à son univers, mais il trouvait les réponses dans la religion, par la bouche des sages, prêtres et représentants du culte qui détenaient le savoir.

La Révolution scientifique a été non pas une révolution du savoir, mais avant tout une révolution de l’ignorance. (p. 306)

Et si la réponse à une question comme “comment les araignées tissent leur toile ?” ne se trouvait pas dans les saintes Écritures, c’est qu’elle n’en valait pas la peine : Dieu le sait, et c’est suffisant pour faire tourner le monde.

C’est ainsi que dans l’Europe médiévale, la théologie était la reine des sciences, tandis que les mathématiques consistaient simplement en de l’arithmétique élémentaire et de la géométrie.

Jusqu’à la Révolution scientifique, la plupart des cultures humaines ne croyaient pas au progrès. Pour elles, l’âge d’or appartenait au passé. Le monde stagnait, voire se dégradait.(p. 310)

Cet état d’esprit changea quand la culture moderne reconnut son ignorance, comprenant que les découvertes scientifiques pouvaient donner plus de pouvoir et améliorer l’avenir.  Le fatalisme a laissé place au progrès, et des fléaux comme la maladie et la pauvreté sont maintenant considérés comme des problèmes techniques.

Oui, demain sera mieux qu'aujourd'hui !
Oui, demain sera mieux qu’aujourd’hui !

Dieux insatisfaits

L’auteur termine son livre entre espoir…

[…] ces décennies ont […] été l’ère la plus pacifique de toute l’histoire humaine – et de beaucoup. C’est d’autant plus surprenant que ces mêmes décennies ont connu plus de changements politiques, économiques et sociaux que toute autre époque.

… et interrogation philosophique, sur le bonheur (“Le regretté Neil Armstrong […] fut-il plus heureux que le chasseur-cueilleur anonyme qui, voici 30 000 ans, laissa l’empreinte de sa main sur une paroi de la grotte Chauvet ?” ), et le sens de la vie (“si les hommes [du Moyen Âge] croyaient à la promesse d’une félicité éternelle après la mort, leur vie pouvait leur paraître bien plus riche de sens et précieuse qu’aux modernes sécularisés qui n’ont d’autre espoir à long terme qu’un oubli total et vide de sens.” ).

S’il prédit la fin de l’Homo sapiens, c’est parce qu’il sera remplacé par une race supérieure, que le génie génétique est en train de préparer. Et avec elle disparaîtront sans doute les choix de société actuels : “Si nos successeurs fonctionnent bel et bien sur un niveau de conscience différent (ou, peut-être, possèdent quelque chose au-delà de la conscience que nous ne saurions même concevoir), il semble douteux que le christianisme ou l’islam les intéresse, que leur organisation sociale puisse être communiste ou capitaliste, ou que leur genre puisse être masculin ou féminin.” (p. 488)

La dernière page “épilogue” témoigne du regard sévère que porte Harari sur l’espèce humaine. C’est n’est pas tant son avenir qui l’inquiète, mais celui de notre biosphère soumise à notre emprise :

Y a-t-il rien de plus dangereux que des dieux insatisfaits et irresponsables qui ne savent pas ce qu’ils veulent ?

Je referme ce livre et le range parmi les rares qui ont bien bousculé mes idées. Si ce livre pouvait un peu aider à bousculer celles de mon espèce…

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© indéterminé

"[...] les humains semblent plus irresponsables que jamais." (p. 492)

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Là où le Père Noël ne s’est pas arrêté

Je vous l’écrivais début 2014 : “on regardera dans Googlemap quelques régions vraiment affligeantes” . Maintenant que les fêtes sont finies et que le Père Noël est rentré au garage, celui-ci m’a confié avoir survolé quelques régions pas jolies, jolies.

Je vous invite donc à en découvrir trois. Ce sont des vues Googlemap, utilisez votre souris pour déplacer la carte et zoomer pour les détails.

La croisière ne s’amuse plus

Que deviennent nos paquebots, nos porte-conteneurs et autres géants des mers qui servent notre civilisation d’homme moderne ? Ils vont à Alang, en Inde.

Comme pour nos déchets électroniques, ce sont les pays pauvres qui accueillent nos navires, où ils peuvent être démantelés sans se soucier de la pollution et de l’impact sanitaire des déchets toxiques.

Sur une plage de 11 kilomètres, ce sont des dizaines de milliers d’ouvriers qui désossent nos épaves, pour 1,1 à 2,8 euros par jour.

Voilà bien un endroit où il ne fait pas bon vivre. Et pour lequel Streetview ne risque pas de passer !

Welcome to the jungle

Bienvenue dans “la jungle”, un lieu où quelques sauvages vivent de plus en plus nombreux, laissés-pour-compte d’une société qui creuse les inégalités.

Où est-ce donc ? En Amérique latine ? En Afrique ? En Chine ?

Non. Nous sommes dans la région la plus riche des États-Unis : la Silicon Valley. C’est là que l’on trouve le plus grand campement de sans-abri du continent.

Voici la vue satellite de Coyote Creek, où vivent des SDF. On peut y deviner quelques campements, sauf si vous zoomez. Car alors, on passe à une photo prise à un autre moment : après un “nettoyage” de la zone.

Où sont-ils alors passés ? Peut-être aux douches publiques, juste à côté de la villa de Larry Page, cofondateur de Google et 17e homme le plus riche du monde ?

La mer de plastique

Nous sommes à Alméria, en Espagne. Une région que l’on la surnomme “le jardin de l’Europe”, car elle inonde nos pays de fruits, principalement l’hiver.

Mais à quel prix ? Tout ce blanc que vous voyez, ce sont les serres, construites dans une région aride. Il s’agit d’agriculture intensive, avec tout son cortège de laideur et de souffrance. Car en plus d’assécher les nappes phréatiques et de polluer la région, 80.000 personnes, souvent des illégaux, y sont exploités comme des esclaves.

Alors quand vous achetez des fruits et légumes “Made in Spain”, pensez à Alméria.

Mes meilleurs vœux ?

Après le survol de ces lieux déplorables, vous souhaiter “mes meilleurs vœux” pour cette nouvelle année me parait aussi incongru que de dire “bon appétit” avant d’attaquer son repas. Comme si nous avions besoin de cela pour commencer une année durant laquelle, pour la plupart d’entre nous, nous ne manquerons de rien !

Je préfère vous souhaiter une année 2015 pleine de bonnes résolutions, d’actes responsables et de pensées positives.

Gestes écologiques, nourriture bio, commerce équitable, etc

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Quartiers de Santa Fe, Mexico

Richesse mondiale, richesse immorale

La banque Credit Suisse a publié son nouveau rapport sur la richesse mondiale : c’est l’occasion de s’émerveiller ou de s’indigner, de se réjouir ou de se lamenter.

Plein les poches

Depuis que j’essaie de sauver le monde, il y a une question qui rode dans ma tête : imaginons que l’on mette nos richesses dans un pot commun, et qu’on les redistribue à parts égales à tous les habitants, adultes, de la terre. Chacun recevrait combien, et deviendrais-je plus riche ou plus pauvre ?

Credit Suisse m’apporte la réponse, avec son rapport annuel Global Wealth Report 2014. Soit 64 pages qui analysent la richesse mondiale, en croissance permanente.

Et voici ce que cette institution financière a calculé : en additionnant les actifs financiers, les actifs réels (principalement l’immobilier), et en soustrayant les dettes, nous arriverions à 263 billions de dollars pour tout le monde. En se partageant le gâteau, cela fait 56.000 dollars par adulte, soit quelques 43.700 euros dans ma poche comme dans la vôtre.

Je dois vous avouer que dans ma grande naïveté, je ne m’attendais pas à une moyenne si élevée. Je mijotais déjà une formule moraliste du genre “Vous voyez qu’on n’est pas si mal, arrêtez de vous plaindre !” .

Ils sont les 1 %

Vous vous en doutez, cette moyenne est élevée car tirée vers le haut par les très riches. On vous l’a déjà servi, mais je remets le couvert avec des chiffres frais : 0,7 % de la population mondiale (35 millions de personnes) possède plus de 1 million de dollars. Ce qui donne la formule choc : 1 % de la population = 48,2 % de la richesse mondiale.

Et voici le plat de consistance : 10 % de la population =  87 % de la richesse mondiale  ! Mais avant de vous indignez, vérifiez que vous n’en faites pas partie. Vous verrez cela deux chapitres plus loin.

Et voici le dessert : 50 % de la population mondiale la moins riche détient… 1 % des richesses.

Vous ne savez pas où vous vous situez ? Passons à la médiane…

Notre civilisation est une pyramide (c) Credit Suisse
Notre civilisation est une pyramide © Credit Suisse

Une valeur qui divise

Si le monde se divise en deux, entre 50 % de moins riches et 50 % de plus riches, c’est qu’une valeur a été calculée pour savoir dans quel camp on se trouve. En statistiques, on l’appelle valeur médiane, et la voici pour la richesse mondiale : 3.650 dollars.

Ce qui donne 2.852 euros, et je suppose que la plupart d’entre vous se situe au-dessus de cette richesse : vous faites partie des 50 % les plus riches de la planète (d’aucuns préféreront la formule “50 % les moins pauvres de la planète” !).

Mais voici un autre chiffre : 135.000 euros. C’est la valeur médiane pour la Belgique. Ce chiffre est énorme ! Mais c’est un bon signe : il indiquerait que les écarts de richesses sont moins grands chez nous qu’ailleurs. En fait, seul l’Australie fait mieux, avec 225.000 dollars. Quant aux États-Unis, elle est de 53.352 dollars. Ce n’est pas un exemple à suivre !

Nous pouvons donc être fier d’être dans un pays plus égalitaire qu’ailleurs. Du reste…

Vous êtes les 10 % ?

Voici un dernier chiffre. La richesse au-delà de laquelle vous faites partie des 10 % les plus riches. Vous vous rappelez ? Ceux qui possède 87 % des richesses mondiales…

En êtes-vous, ou pas ?

Roulement de tambours… 66.000 euros.

Attention, je le rappelle, c’est une richesse par adulte et non par ménage.

La morale

Le rapport de Credit Suisse regorge de chiffres qui nous permettent des comparaisons à l’infini. Que les plus curieux n’hésitent pas à le parcourir. Pour les autres voici quelques constats marquants :

  • la richesse mondiale ne cesse d’augmenter (8,3 % en un an), avec une augmentation corolaire de millionnaires et milliardaires ;
  • tandis que les inégalités se creusent. Alors qu’elle se réduisait un peu, dans de nombreux pays, avant la crise de 2008 ;
  • et les Suisses détiennent toujours le record de la richesse moyenne : 581.000 dollars.
Quartiers de Santa Fe, Mexico
Un monde plus riche, et moins moral © Erase the difference

De ce que révèle ce “Global Wealth Report 2014” , on pourrait en débattre et philosopher des jours et des nuits. Ce que je ne vais pas faire ici.

Mais je ne peux refermer ce rapport sans rebondir sur cette phrase en page 23, à propos des plus fortunés : ce sont des “personnes ayant acquis une grande fortune par une combinaison de talent, de dur labeur et de chance” . Ces gens sont donc récompensés cent fois, mille fois, dix mille fois plus que la majorité de la population. Avec un impact environnemental en proportion. Est-ce bien moral ?

Allez, consolons-nous : ils ne sont certainement pas dix mille fois plus heureux que nous.

Votre sentiment par rapport à ce que nous révèle le Global Wealth Report 2014...

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