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La société toxique

Dans un article précédent, Jean de Kersvadoué tentait de nous rassurer sur notre société, pas si mauvaise que ça pour notre santé, et sur notre avenir, riche d’avancées scientifiques que nous aurions tort de refuser. Eh bien voilà la thèse opposée avec le livre “La société toxique”, et sa chronique se transforme presque en un face à face !

Pryska vs Jean

Son auteure, Pryska Ducoeurjoly, se définit comme journaliste d’investigation indépendante, et son livre, sous-titré “manuel de dépollution mentale”, se découpe en trois parties : l’intox médiatique, l’intox médica-menteuse, l’intox agroalimentaire.

Mobilou coincé entre deux points de vue
Mobilou coincé entre deux points de vue

Que cette lecture suive “La peur est au-dessus de nos moyens” est une coïncidence heureuse, car presque tout oppose ses auteurs ! Je ne manquerai donc pas de faire quelques comparaisons : pour faire court dans la suite, ce sera Pryska contre Jean (de Kersvadoué)…

Mais alors, n’ai-je pas perdu mon temps à lire ces deux livres, considérant que l’on croit à l’un et pas à l’autre ? En fait, tout n’est pas noir et blanc, ils ne parlent pas exactement des mêmes choses, mais leurs points de vue les opposent, et permet un esprit critique entre les deux. Et je suis certain que Jean mettrait Pryska dans cette catégorie de gens non qualifiés et non experts, se permettant des théories non fondées sur des études sérieuses, et participant à l’obscurantisme général !

Mais voilà, c’est précisément contre la “pensée unique” imposée par des “experts” comme Jean que Pryska se bat…

La médiacratie

Pryska a été journaliste pour la presse écrite, et cette expérience lui permet d’être très critique sur ce milieu, qualifiant les journalistes de “fonctionnaires”, se contentant des seules dépêches de l’AFP, oubliant investigation et sens critique.

Les médias, financés par de grands groupes financiers, ne peuvent plus fournir de l’information en toute indépendance, et obéissent à des impératifs commerciaux. Ils sont tous dans un même “mainstream”, où l’information est plus émotionnelle qu’instructive : “En fait, ils échouent dans leur mission d’élever l’être humain à une meilleure connaissance de lui-même et du monde.” (p. 76)

Quant à la télévision, elle est au service de la consommation, délivrant des valeurs nuisant gravement au civisme. C’est de la “malbouffe télévisuelle”.

Heureusement, il reste internet pour nous sauver de la “médiacratie” : Pryska le considère, malgré les “travers de son foisonnement”, comme le seul média démocratique.

Pas de fleurs pour Pasteur

Notre médecine répare, elle ne fait aucune prévention. Les symptômes d’une maladie, comme la fièvre, sont combattues à coups de médicaments, plutôt que de chercher la cause du dysfonctionnement de notre corps, et de corriger notre façon de vivre en conséquence. Et tant que notre système médical fonctionne avec une certaine gratuité, permettant l’accès aux vaccins, médicaments et examens à moindre coût, les autres voies pour une bonne santé seront ignorées. Une bonne affaire pour “le grand supermarché médical” !

Quant à Pasteur, ce héros qui a donné la voie à notre médecine, Pryska le traite presque d’imposteur, à l’origine d’une croyance et non d’une science ! Il va sans dire qu’elle est contre les vaccins (“Une maladie, un vaccin ! Un vaccin, des maladies…” ), qu’elle accuse de beaucoup de maux, dont l’émergence de l’autisme.

Sur ce terrain, il est utile de donner l’avis éclairé de Jean : 1) il est facile de dire qu’on ne se porte pas plus mal sans vaccins, quand nous sommes entourés de gens vaccinés, et qui donc ne transmettent pas la maladie ; 2) si un vaccin présente un risque (encore faut-il des études valables pour le prouver), il faut le mettre en balance avec le bienfait apporté aux personnes à risque.

Mais Pryska et Jean devraient être d’accord sur le fait que le coût de notre médecine est énorme pour la sécurité sociale. Sauf que Jean changerait les affectations (par exemple moins d’argent pour les dépistages et plus dans l’infrastructure) alors que Pryska verrait l’incitation à plus de médecine dite “parallèle” : naturopathie, homéopathie (qui fonctionne grâce à la mémoire de l’eau), magnésium, argent colloïdal, Fleurs de Bach

Le juste prix

Depuis cinquante ans, l’agro-industrie pollue les sols, maltraite les semences et modifie les céréales pour produire des denrées bon marché. Nos organismes payent l’addition de cette pollution par une véritable indigestion !” (p. 289). A force de traitements (conservateurs, irradiations, …), de saveurs artificielles (sucre, sel, aspartame, glutamates…), qui n’obéissent qu’à des impératifs commerciaux, nous mangeons des “produits qui ont le goût de l’addiction”, mais qui ne nourrissent plus correctement.

Il faut revenir à la nourriture de nos grand-mères, manger bio, et ne plus écouter les conseils dictés par les lobbies comme : buvez du lait (il n’apporte rien aux adultes et est indigeste), ne mangez pas gras (nous avons besoin d’acides gras)…

Mais écoutons l’avis opposé de Jean, pour qui “les agriculteurs ont apporté l’abondance et, soulignons-le aussi, la qualité” : l’agriculture industrielle a fait baisser le budget des ménages, et bannir l’usage des pesticides donnerait des prix que seuls les “bobos” savent donner !

Ce à quoi Pryska répond : les prix sont anormalement bas, tout en étant le juste prix pour… de la mauvaise qualité ! L’appréciation est donc faussée. Et rappelons que ce sont les gros exploitants qui profitent le plus des aides agricoles : un déséquilibre qui à lui seul expliquerait les écarts de prix entre bio et conventionnel.

Un livre exemplaire

Après ce survol des trois aspects toxiques de notre société, rappelons cette phrase de Jean, que je citais dans ma chronique précédente : “malgré tout, l’espérance de vie augmente” . À la lumière des propos de Pryska, se pourrait-il que nous vivions plus longtemps, mais mal ? Après tout, ces deux notions ne sont pas antagonistes.

Dans tous les cas, ce livre de désintoxication est efficace : si je me suis permis une comparaison critique, c’est pour enrichir le débat, et cela n’enlève rien à la qualité de vulgarisation de l’auteure. Découpé en chapitres et paragraphes clairement titrés, chacun comportant une conclusion en gras, l’auteure nous livre un ouvrage structuré, dense, clair, qui ne se répète pas. Elle nous épargne la lecture de plusieurs dizaines d’ouvrages et rapports, dont elle donne clairement les références.


Pryska Ducoeurjoly, mais qui êtes-vous ?
 

Certes on pourrait lui reprocher une vision caricaturale de certains métiers, comme celui de médecin, qui apparaissent comme des praticiens bornés !

Mais n’empêche, si toutes mes lectures avaient cette qualité de synthèse, c’est sûr, je serais plus loin dans le sauvetage de notre monde !

“La Société Toxique”, Pryska Ducoeurjoly, éditions Respublica, 327 pages.

Télévision toxique, allimentation industrielle nocive, pratiques médicales agressives...

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La peur est au-dessus de nos moyens

La peur est au-dessus de nos moyens

Nous vivons dans un monde où l’accident n’est plus toléré, où la sécurité doit être assuré au maximum, où le principe de précaution doit l’emporter sur le reste. Tout ça parce que “la vie n’a pas de prix”. C’est vrai, elle n’a pas de prix, mais vouloir la protéger de n’importe quel risque est au-dessus de nos moyens, et c’est encore plus vrai quand ce risque n’est pas clairement prouvé.

Pour en finir avec le principe de précaution

Jean De Kervasdoué aimerait donc en “finir avec le principe de précaution” (sous-titre de son livre), qui prévaut en France, freinant ainsi l’utilisation des nouvelles technologies, ou décourageant la recherche dans certains secteurs.

Économiste de la santé et ingénieur agronome, il est bien placé pour tordre le coup à l’obscurantisme dans lequel est plongée la population, que l’État doit rassurer avec des actions contre-productives, dictées par des émotions et non plus par l’avis de la communauté scientifique ou les experts.

Suivons cet ancien directeur des hôpitaux dans des domaines qu’il semble bien maîtriser…

Aussi dangereux qu’une carotte

Sans dénigrer les précautions à prendre autour des OGM, l’auteur nous explique exactement ce qu’est un gène, et en quoi un organisme génétiquement modifié ne fait que poursuivre la logique des croisements que l’homme fait depuis la naissance de l’agriculture. “Les carottes, les vers à soie, tout comme certaines races de chien (…), sont tellement génétiquement modifiés qu’ils sont devenus incapables de survivre sans l’assistance de l’homme.” (p. 109)

La peur est au-dessus de nos moyens
Un ouvrage qui ne craint pas les nouveaux domaines de recherche

Avec les OGM, on ne fait que forcer le destin des mutations : c’est un domaine d’avenir dans lequel la France aurait dû exceller, mais la crainte populaire l’a emporté sur l’avis scientifique, tuant dans l’œuf tout développement économique dans ce domaine.

Certes, on pourrait répondre à l’auteur que des études montrent que…, des statistiques indiquent que…

Le GIEC, l’autisme et l’eau de Javel

Mais il nous répond que toutes les études ne sont pas aussi scientifiques que l’on pourrait le croire, et que “la vérité en science ne s’établit jamais par consensus, surtout si ce consensus est établi par des scientifiques en partie nommés par des politiques” (p. 45) : à titre d’exemple, l’origine psychologique (et non biologique) de l’autisme fut longtemps défendue par des psychiatres de renom. L’histoire pourrait se répéter avec le GIEC

Quant aux chiffres, il faut bien connaître leur contexte pour juger de leur ordre de grandeur. Un simple exemple : si le pourcentage de mortalité par cancer augmente… c’est parce que les autres causes de mortalité diminuent, tout simplement !

Enfin, une dangerosité dépend aussi de l’usage : l’eau de Javel est bien utile, et pourtant toxique à forte dose. Et malgré tous les accidents domestiques qu’il provoque, il n’est pas interdit !

Fermons cette parenthèse et poursuivons avec un cas d’école du principe de précaution…

Il suffit d’avoir peur

De Kervasdoué consacre un gros chapitre à l’affaire de la grippe H1N1, événement médiatisé que nous avons connu aussi en Belgique, en 2009. Rappelons-nous ces millions de vaccins achetés préventivement, en vue d’une pandémie qui n’est jamais venue. L’auteur démontre l’effet de panique et la suite de décisions incohérentes prises par les gouvernements, pour une grippe mal évaluée, bénéficiant de la peur de la grippe aviaire (1994).

Cette application du principe de précaution montre qu’il n’est pas nécessaire de savoir pour agir, il suffit d’avoir peur.” (p. 160)

Ce principe de précaution a coûté 1 % de l’impôt sur le revenu de l’année (p. 156). En plus, cette affaire a apporté de l’eau au moulin des détracteurs de la vaccination.

Tous chimique

Un produit chimique est un produit naturel ou synthétique qui peut interagir avec un système biologique” (p. 36) : voilà une entrée en matière pour nous expliquer que nous sommes aussi chimique que le sulfate de cuivre, et qu’il est infondé de faire un lien entre produit chimique et santé.

L’auteur prend surtout le cas des produits qualifiés injustement de “cancérigènes”, s’interrogeant sur la “pertinence d’une extrapolation des effets observés chez les animaux soumis à de fortes doses pour estimer les effets des faibles doses sur les hommes” (p. 81) – pensez à l’eau de Javel…

Il prend comme exemple le Bisphénol A (rappelez-vous, l’affaire des biberons), maintenant interdit en France, mais pas aux États-Unis : encore une peur qui nous fait régresser car “il existe rarement de parfaits substituts à quoique ce soit. Un produit qui se vend est par essence un produit auquel quelqu’un trouve une certaine utilité.

Bon, j’avoue qu’avec cette dernière phrase j’ai du mal à garder ma neutralité, mais… attendons la fin.

Nous vivons plus longtemps, où est le problème ?

Nous l’avons compris, De Kervasdoué fonce dans le tas, et rétablit certaines (ses !) “vérités”, dont encore celles-ci : la sélection naturelle est la principale cause d’extinction des êtres vivants et non l’homme ; la culture bio ne tient pas la route ; la peur des antennes GSM est infondée ; on a une fausse perception de la “nature” ; les seules énergies vertes seront incapables de répondre aux besoins de l’humanité ; l’homme vit depuis la nuit des temps avec les nanoparticules et il est idiot d’avoir peur de la nanotechnologie ; les liens entre l’alimentation et la santé sont mal compris, etc. Et de nous rappeler : “malgré tout, l’espérance de vie augmente.” (p. 88)

Bon, ça va, vous n’êtes pas tombé de votre chaise ? Moi je reste zen, car j’ai lu le livre…

La fin de l’obscurantisme ?

Si certaines affirmations me paraissent convaincantes, d’autres me laissent sceptiques, comme celle expliquant qu’on ne manquera jamais d’eau (certes l’auteur s’est fait aider d’un spécialiste, mais son analyse ne porte que sur la France – la belle affaire !), ou celle sous-entendant que les produits chimiques restent la solution la plus efficace pour une agriculture qui devra nourrir 9 milliards d’humains (ça a un air de déjà vu !).

Certes toutes ses explications sont illustrées d’exemples qui ont le mérite de révéler notre ignorance. Mais on peut trouver autant de contre-exemples pour être en désaccord avec l’auteur, et le prochain livre chroniqué est quasiment l’antithèse de celui-ci !

Me voici donc un peu sorti de l’obscurantisme, mais le débat n’est pas clos… Mais le sera-t-il un jour ?

“La peur est au-dessus de nos moyens”, par Jean de Kervasdoué, 237 pages, PLON

"Ces découvertes mal transmises et encore moins bien comprises prennent le chemin d'Internet et nourrissent l'obscurantisme contemporain" (p.87)

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