Soyez un piéton responsable : n’arrêtez pas un véhicule de plusieurs tonnes pour traverser la rue.
C’est l’histoire d’un piéton
“Connard !” s’écria-t-il à l’adresse du chauffeur de tram. Celui-ci avait osé faire sonner son avertisseur, après un freinage sec devant ce piéton imprudent et malpoli.
“Connard toi-même !”, ai-je répondu dans ma tête à ce cornichon qui se croyait prioritaire à un tram.
Ne prenant le volant qu’une fois tous les quinze jours, je suis piéton avant tout. Et je marche beaucoup. J’observe mes compagnons de rue et ils m’irritent !
Érigé au statut de créature faible de nos routes, qu’il faut protéger à tout prix des véhicules prédateurs, le piéton est devenu arrogant, imprudent, et bête. Qu’il transgresse le code de la route ou le code de la bonne conduite, il est toujours la victime.
Alors, il traverse les passages sans regarder à gauche ou à droite, car tout le monde freinera pour lui, et tant pis si c’est un bus ou un tram.
Qu’un tel véhicule s’arrête pour laisser passer un piéton m’exaspère. À l’intérieur peuvent se trouver jusqu’à 250 personnes : elle verront leur vitesse ramener à zéro kilomètre-heure pour laisser une créature à deux jambes qui, elle, aurait pu s’arrêter sans effort.
Après ça, on dira que la marche à pied est le transport le plus écologique ! En supposant que le tram roulait à 30 km/h, il aura gaspillé ses quelques 2 mégajoules d’énergie cinétique pour laisser le passage à un seul homme. C’est l’équivalent énergétique de 200 piles AA qui sont parties en fumée pour cet énergumène !
Stop à la civilité obsolète
Alors, si vous êtes piéton, soyez-le de manière responsable. Vous pouvez bien attendre que le bus ou le tram passe avant de traverser. Je sais, ce n’est pas facile. Les conducteurs, enracinés par la culture du “piéton est roi”, n’ont pas l’habitude de voir un individu si attentionné.
Alors moi, à l’approche d’un véhicule, je regarde en l’air, voire je tourne le dos : “mais non, je ne vais pas traverser”, dit mon corps. Parfois, je fais des grands gestes, genre “circulez, il n’y a rien à voir”.
Et quand le véhicule passe sans freiner, avec un signe du chauffeur me remerciant, c’est une victoire sur une civilité obsolète. Et ma journée est belle !
Nous saccageons la planète pour nous nourrir… mal. Mais cela peut changer. Voici un livre qui nous montre la lumière au bout d’un tunnel bien obscur.
Effondrements alimentaires
Jane Goodall est surtout connue comme primatologue, ayant fait évoluer notre regard sur les singes, et par là même celui sur l’homme. Très influente et médiatique, multi-récompensée, son étude du milieu sauvage l’a amenée à devenir une ardente défendeuse des causes environnementales.
Son livre “Nous sommes ce que nous mangeons” dénonce l’industrie alimentaire, avec ses ravages sur notre santé comme sur l’environnement.
“On pensait que le XXIè siècle apporterait un confort sans limites aux nations industrialisées, à la place on assiste à un effondrement des habitudes alimentaires.” (p. 293)
Ce livre est sorti en 2005, et depuis lors des tonnes d’articles, de reportages et de livres sont sortis sur le sujet, tandis qu’un virage vers une nourriture plus saine et respectueuse de l’environnement est clairement entamé. Il est donc difficile d’apprendre de nouvelles choses en le lisant, d’autant qu’il faut prendre les propos de l’auteure avec prudence : elle ne donne pas ses sources et on sent souvent le cri du cœur prendre le dessus sur l’analyse scientifique.
La pilule rouge
Pour autant, tout cela est toujours d’actualité.
Mais quoi donc ? Et bien citons l’auteure, dans sa conclusion, pour vous faire prendre la pilule rouge si vous croyez toujours vivre dans un monde parfait :
“Nous vivons des temps difficiles. Les multinationales contrôlent presque toutes les réserves alimentaires du monde ainsi que les brevets de nos semences. Des milliards d’animaux d’élevage vivent dans des conditions misérables. Les êtres humains et les animaux sont de plus en plus contaminés par les produits chimiques qui ont été répandus avec excès sur les champs, semences et aliments, empoisonnant l’eau, le sol et l’air de la planète. […] Des milliards de tonnes d’énergies fossiles servent à transporter nos aliments d’un bout à l’autre de la planète […]. La monoculture subventionnée par les gouvernements use de l’essence pour le plus grand bien des fabricants de hamburgers et de steaks. […] Les exploitations familiales doivent déposer le bilan. […] L’eau se fait de plus en plus rare et sa pollution ne fait qu’augmenter.” (p. 365)
La récolte de l’espoir
N’allez pas croire que Goodall ne fait que dépeindre un monde noir et inhumain, sur presque 400 pages.
Son livre commence par une analyse zoologique et anthropologique de la manière de s’alimenter, d’où le titre francophone du livre, que je trouve mal choisi puisque son but est de nous amener sur la voie du changement, comme l’indique clairement le titre original : “The harvest of hope” (La récolte de l’espoir).
Nostalgique de son enfance, remplie de bons souvenirs à la ferme, Goodall prône un retour à un rapport plus éthique avec notre alimentation : des animaux mieux traités, des cultures exploitées avec moins d’agressivité. Et plus de respect pour notre nourriture : prenons le temps de manger, et ne gaspillons pas.
Les initiatives ne manquent pas pour aller à contre-courant de l’industrie alimentaire, ainsi que d’éduquer la nouvelle génération pour qu’elle retrouve… ses racines. C’est bien le but du projet The Edible Schoolyard, qui met les écoliers en contact avec la terre nourricière. Ou le projet éducatif Roots & Shoots, effectif dans 130 pays, fondée par l’auteure elle-même.
Ce que vous pouvez faire
Goodall s’est faite la porte-drapeaux d’un nouvel espoir, et aujourd’hui on peut dire que le mouvement s’est amplifié.
Son livre regorge de conseils que nous connaissons bien aujourd’hui : mangez local, de saison, éviter le gaspillage, n’achetez pas l’eau en bouteille, etc.
Ce n’est pas toujours évident, mais nous verrons dans mon prochain article qu’une des nombreuses initiatives est, peut-être, à portée de votre main.
En attentant, concluons avec Goodall, qui écrivait avant que le mot “consom’acteur” soit à la mode : “Rappelez-vous bien que chaque aliment acheté est un vote. Nous pouvons être tenté, en tant qu’individus, de penser que nos petites actions ne comptent pas vraiment, qu’un plat ne fera pas la différence. Mais, justement, chaque plat, chaque bouchée est riche d’une longue histoire qui nous raconte où ces aliments ont été cultivés, élevés, récoltés. Nos achats, nos votes détermineront la suite du parcours. Des milliers et des milliers de votes sont nécessaires pour encourager les méthodes d’agriculture qui rendront la santé à notre planète.” (p. 374)
“Nous sommes ce que nous mangeons”, Jane Goodall, 379 pages, Babel
Vivre en ville et avoir un impact nul sur l’environnement : voilà une belle aventure à lire, celle d’un héros, de No Impact Man.
Zéro partout
Colin Beavan est auteur de plusieurs essais historiques : rien à voir avec l’écologie et les problèmes environnementaux, me direz-vous. Et pourtant, c’est dans ces domaines qu’il se fera connaître, mondialement !
Car Colin était de ceux qui se disaient que le monde allait mal – tout en laissant tourner la climatisation de son appartement en son absence. Il faisait la morale aux autres – la bouche pleine d’une pizza industrielle livrée à domicile…
Mais un jour… “Au lieu d’essayer de changer les autres, je devais d’abord me changer moi-même” . Aussi décida-t-il de minimiser son impact écologique : “Je visais non seulement le zéro carbone, mais aussi le zéro déchet, zéro pollution dans l’air, zéro toxine dans l’eau, zéro ressource pompée à la planète.” (p. 30)
Seulement, voilà : Colin habite dans un appartement à New York, au 9e étage. Et son épouse ne partage pas forcément son point de vue. En plus, ils ont un enfant en bas âge…
Se moucher dans des arbres morts
“Pour devenir No Impact Man, il ne suffit pas d’entrer dans une cabine téléphonique et d’en ressortir avec un slip enfilé au-dessus du pantalon, déguisé en super-héros écolo.” (p. 34)
Le démarrage du projet sera en effet laborieux.
Comme entrée en matière, Colin étale les 300 litres de déchets accumulés par sa famille… en quatre jours ! Ce ne sont que gobelets en plastique, raviers, sachets et autres reliquats de la malbouffe. “Si j’étais archéologue, ce qui me frapperait, dans le monceau de saletés étalé à mes pieds, outre son volume, ce serait sans doute l’absence d’épluchures de carotte.” (p. 55)
Son projet, qui durera un an, sera progressif, et commencera donc par la chasse au gaspillage. Mais si les bonnes résolutions sont évidentes, les habitudes prennent vite le dessus : dès le premier jour, l’auteur est confronté aux langes jetables de sa fille. Ensuite, il se prend en flagrant délit de se moucher dans des mouchoirs en papier !
Le doigt dans l’œil
“Le plus dur, c’est de modifier ses habitudes. De se faire violence pour sortir de l’ornière et apprendre à vivre différemment. Pendant un moment, tout en vous rechigne à s’arracher à la routine. Pendant un mois, exactement. C’est le temps qu’il faut, paraît-il, pour rompre avec une habitude.” (p. 226)
Fini la nourriture toute faite au coin de la rue : il fait les marchés et prend le temps le soir de cuisiner. Fini les mouchoirs en papier : il a retrouvé des mouchoirs en tissu au fond d’un tiroir. Fini les langes jetables : il utilise un jeu de 24 couches lavables (“J’examine mon nouvel équipement d’absorption de caca de bébé et j’espère très sincèrement que le monde mérite d’être sauvé.” p.136)
Fini l’ascenseur, l’air conditionné, les bouteilles d’eau, la télé, la nourriture qui vient de loin, les produits chimiques, les achats impulsifs, les sacs en plastique.
Fini la voiture et le métro.
“Si tu t’imagines que tu vas me faire monter sur un vélo dans cette ville, ou que je vais te laisser transporter Isabella sur un vélo, tu te fourres le doigt dans l’œil.” (p. 52) Eh oui, Colin doit aussi convaincre son épouse, Michelle, de le suivre, et c’est là un aspect truculent de son livre : c’est presque une pièce de théâtre.
Et quand il remet en cause les voyages en avion prévus pour l’année, dont deux pour visiter ses parents, c’est toute la famille qu’il doit convaincre : “Tu ferais mieux de t’inquiéter davantage de ton empreinte familiale et moins de ton empreinte carbone.” lui répond son père.
Dur dur d’être No Impact Man…
Pas de lessive avec les pieds
… Mais au final, c’est tout bénéfice.
Car son épouse finit par le suivre, et c’est toute la famille que l’on voit circuler en pousse-pousse dans les rues de New York, vivant l’instant présent, ignorant les vitrines de la consommation, prenant le temps de nouvelles rencontres.
“Jusqu’à présent, j’ai mené ma petite existence comme mon entourage le souhaitait. Aujourd’hui, je remets tout en cause. Je vis ma vie comme je l’entends. Et vous savez quoi ? D’un certain côté, c’est jouissif.” (p. 207)
Et puis il y a le New York Times qui lui consacre un article : il devient célèbre, le compteur de son blog explose, et son agent littéraire se frotte les mains.
Toutefois, No Impact Man atteint ses limites dans la dernière phase : la coupure de l’électricité…
Il installe sur le toit un kit de panneau voltaïque lui permettant juste de faire tourner son ordinateur et une lampe LED. On sort les bougies, les gros pulls (heureusement, cette année-là l’hiver n’est pas rude) et comme le frigo ne fonctionne plus, on expérimente la technique du pot dans le pot, et on achète au jour le jour.
Mais la lessive manuelle (en fait, avec les pieds, dans la baignoire) est vite abandonnée, et la lessiveuse dans la cave tourne à nouveau. “A partir d’un certain point, consommer moins n’est plus une réflexion sur notre mode de vie. C’est de la privation.” (p. 234)
Comme le zéro énergie n’est pas atteint, Colin fait des actions citoyennes : c’est en quelque sorte une compensation carbone, et ainsi il finit par atteindre le “zéro impact”, dans la dernière ligne droite de son défi…
Un imbécile qui essaie
L’aventure de Colin Beavan se lit avec beaucoup de plaisir : son livre mélange récit, documentation plus ou moins avérée (mais sans références aux sources : “En Amérique du Nord, les aliments parcourent en moyenne 3000 kilomètres de la ferme à l’assiette” p.149), dialogues, humour, drames, spiritualité et philosophie. Bref, on ne s’ennuie pas (je le dis pour contredire une critique lue quelque part sur le net…)
On lui reprochera toutefois quelques réflexions naïves comme : “Les grands esprits qui ont inventé la Wii pourraient s’employer à trouver comment alimenter en eau potable le milliard de personnes qui n’y ont pas accès.” (p. 229)
Certes No Impact Man n’aura pas sauvé la planète, et d’aucuns jugeront son expérience comme inutile, dont la réussite repose sur des circonstances favorables : un métier laissant une certaine liberté quant au lieu de travail et aux horaires, un hiver peu rigoureux, tout cela dans une ville américaine très “ouverte” aux initiatives citoyennes. Et aussi, il vient de loin : il lui suffit déjà de vivre comme un Européen pour que son défi soit à moitié accompli !
Mais peu importe : “… je préfère être un imbécile qui essaye, plutôt qu’un imbécile qui reste les bras croisés, alors qu’il sait pertinemment ce qui lui pend au nez s’il ne fait rien. En plus, mener des défis un peu fous attire l’attention, et la planète a grand besoin qu’on lui prête attention.” (p. 217)
Voilà donc un livre que je conseille, qui va intéresser les “imbéciles” comme moi qui essaient de sauver le monde…