Archives par mot-clé : démographie

L’humanité disparaîtra, bon débarras !

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le titre d’un livre, prix du pamphlet 2006. Mais quand-même !

Un philosophe provocateur

Yves Paccalet n’est pas tendre avec l’Homme. Sans doute que ses années avec le commandant Cousteau lui ont appris à aimer les animaux plutôt que la race humaine, et il ne se cache pas pour le dire.

Et il dit même bien ! Car n’allez pas croire que Paccalet est un naturaliste qui s’est trouvé un don d’écrivain : notre homme est philosophe avant tout, auteur de quelque 70 ouvrages. Il a l’écriture facile, et un livre comme celui-ci est une mine d’expressions et de phrases bien tournées. Ce n’est pas pour rien que l’ouvrage a été adapté au théâtre, en 2008.

Après un cataclysme nucléaire, il ne restera plus grand chose à lire ((c) The Road by John Hillcoat)
Après un cataclysme nucléaire, il ne restera plus grand chose à lire (© The Road by John Hillcoat)

Déçu de l’humanité

J’ai cru en l’homme. Je n’y crois plus. J’ai eu fois dans l’humanité : c’est fini.

Ainsi commence le livre : le ton est donné pour les quelque 180 pages qui suivront. Autant le dire tout de suite : avec ce genre de lecture, on n’apprend rien, ou si peu. Des faits et des chiffres sont jetés à la tête, sans référence, sans les sources : on ira vérifier tout ça ailleurs ! Mais ne nous encombrons pas de ces détails : le but est bien de se défouler, et on prend plaisir à lire cette grosse tarte à la crème lancée à la face de cette humanité qui se prend pour le maître du monde, ainsi que de toutes les espèces vivantes.

Qu’est-ce que l’homme ? Platon avait dit “Un animal à deux pieds sans plumes” . L’auteur ajoute : “un ravageur imprévoyant ; un destructeur invétéré ; un saccageur qui n’a d’autres préoccupation que son intérêt immédiat ; une espèce violente envers les autres comme envers lui-même ; un danger pour tout ce qui respire.” (page 17)

Nous sommes des parasites

Du point de vue de l’écologie, j’ai conscience d’avoir commis une lamentable erreur. Les engendrer fut un non-sens – la pire imbécilité de mon existence, qui n’en a pas manqué.” (p. 51)

C’est ainsi que l’auteur parle de ses quatre enfants, qu’il a eu la faiblesse d’ajouter à la “vague humaine”. Car question démographie, il n’est pas tendre : l’homme ne participe pas à l’équilibre de la vie sur terre. Il se conduit comme un parasite : “Nous ne sommes ni le fleuron, ni l’orgueil, ni l’âme pensante de la planète : nous en incarnons la tumeur maligne.” (p. 55)

C’est donc le grand clash avec les religions, dont l’implication n’est pas des moindre dans tout ce grand pullulement sans entrave. Trois bébés chaque seconde : dans quel but ? Quel en est le sens ? “Notre peuple de bipèdes à poils rares s’accroit chaque année de plus de soixante millions de sujets. Une France ou une Grande-Bretagne supplémentaire tous les 12 mois. Disons, plus justement, un demi-Bangladesh ou six Niger : car la grande majorité de ces nouveaux-nés passent directement des entrailles de leur mère dans les bras de la misère.” (p. 56)

Treize bonnes raisons de mourir

L’humanité a toutes les chances de disparaître, que ce soit de sa faute, ou par une grande claque donnée par mère nature. Voici les 13 scenarii imaginés par l’auteur. La distinction entre certains n’est pas évidente, mais ne boudons pas notre plaisir…

  1. Une grosse météorite de 10 kilomètres de diamètre nous tombera dessus. Toute notre technologie, et en particulier nos missiles nucléaires, ne pourront rien y faire : ce sera le même cataclysme que celui qu’ont connu les dinosaures.
  2. La terre traversera un nuage de poussière interstellaire : une glaciation commencera, sur des dizaines d’années, et les hommes s’entretueront pour les ressources.
  3. Quelques volcans entreront en furie : voir le point 2 pour le dénouement…
  4. Nous serons surpeuplés : “Aujourd’hui, la Terre entière est l’île de Pâques, et l’humanité un village polynésien en sursis” . (p. 150)
  5. Nous serons anéantis par les armes de destruction massive. Nucléaire, biologique ou chimique ? Montez sur un toit pour être tué dans la première minute, car les survivants ne vont pas rigoler…
  6. La biosphère sera détruite. “Durant les 5000 ans qui viennent de s’écouler, notre espèce a déplacé un tel volume de terre et de pierres qu’on aurait pu s’en servir pour construire une montagne de cent kilomètres de longueur, quarante de largeur et quatre de hauteur. Le volume des Alpes françaises !” (p. 153)
  7. Les mers disparaitront. Car si l’Homme peut tuer la mer d’Aral, il peut toutes les tuer…
  8. Nous terminerons comme les dauphins, qui ne vont pas bien : comme eux nous sommes en haut de la chaîne alimentaire, et c’est ainsi que nous mangeons toute notre pollution. Retour à l’expéditeur !
  9. La biodiversité s’effondrera. “Faut-il, pour un peu plus de croissance ou de puissance, exterminer les derniers loups, jaguars, aigles, cachalots ou requins blancs ?” (p. 162)
  10. De nouvelles épidémies nous décimeront. Car des Bacillus Infernus existeraient dans les profondeurs de nos sols : à force de creuser pour du pétrole, ne va-t-on pas les faire remonter ?
  11. Nous serons stériles, la faute à nos bidouillages génétiques.
  12. Nous aurons des coups de soleil qui se terminent mal : car la couche d’ozone n’est pas sauvée, car nous rejetons trop de clore. Entre autres…
  13. Nous disparaîtrons dans un climat en folie : vous préférez l’aridité ou l’inondation ?
Invasion of the saucer-men edited
Un 14ème scénario ignoré par l’auteur !

Sortie de secours

Un an plus tard, Yves Paccalet écrira “Sortie de secours”, comme une réponse à lui-même, exposant des solutions pour que ça ne finisse pas “droit dans le mur”. Mais on a l’impression qu’il n’est pas convaincu lui-même ce qu’il écrit : “L’Humanité est une chose trop importante pour qu’on la confie aux êtres humains” (p. 12)

On y trouve aussi une réponse à certaines critiques engendrées par le présent ouvrage. Cette seule phrase résume son amertume : “je ne supporte plus d’entendre dire : l’humanité finira bien par trouver des solutions ! (…) Elle signifie : Je me déclare solennellement et définitivement irresponsable.” (p. 12)

Est-ce que depuis lors notre naturaliste s’est assagi et regrette ses provocations ? Eh bien non, puisque “L’humanité disparaîtra…” vient d’être ré-édité.

Avec un bandeau : “revue et aggravée” !

“L’humanité disparaîtra, bon débarras !” par Yves Paccalet, 191 pages, J’ai lu

"Si nous sommes le plus parfait résultat de l'intelligence divine, le QI du Créateur avoisine celui du pithécanthrope !" (p. 97)

View Results

Loading ... Loading ...
Ces champs peuvent-ils nourrir tous les belges ?

Le Belge a une densité de plomb

En décembre 2012 la presse annonçait une grande nouvelle : ça y est, la Belgique a passé le cap des 11 millions d’habitants. Voilà qui me donne l’occasion de faire quelques mesures, histoire de bien situer l’encombrement des belges par rapport à la planète…

Un quart de terrain de foot

Nous sommes dans le top des pays les plus denses (362,65 hab./km2 [1]), ça, tout le monde le sait, on l’apprend même à l’école ! Sous réserve d’actualisation des chiffres, nous serions 16ème sur 192 [2].

En fait, chaque Belge occupe 2.757 m2 (0,27 ha), soit un quart de terrain de football [3]. Peut-on vivre sur une telle surface ? Ça dépend de quelle façon…

Imaginons que toute la surface du territoire soit disponible pour nous nourrir, et que nous n’ayons que ce besoin : nous nous en sortirions tout juste puisque actuellement une personne aurait besoin de 0,25 ha de champ pour manger [4].

Mais nous devons nous laver, dormir, avoir un minimum de confort. Pour avoir une idée de ce que ça représente, prenons exemple sur la famille Baronnet, qui vit en autarcie sur un terrain de 3.800 m2, dont 400 m2 de potager [5]. Ils sont deux, ça fait 1.900 m2 par personne : le belge dispose de plus de surface, et donc pourrait vivre comme un Baron…net !

Ces champs peuvent-ils nourrir tous les belges ?

Là où la Belgique se classe en tête

Mais le belge moyen ne se contente pas de “juste” vivre : il consomme beaucoup et produits beaucoup de déchets. Cela se mesure avec l’empreinte écologique, qui donne la surface d’hectare globale nécessaire pour un humain. Comme ce chiffre dépend du mode de vie, il est radicalement différent selon que l’on soit Qatarien (11,68) ou Afghan (0,5). Pour un belge, il est de 7,11 hag [6], ce qui nous place en 6ème position dans le classement des pays les plus “lourd” [7] !

Même si l’exercice n’est que virtuel, et que les surfaces calculées plus haut ne sont pas comparables, nous voyons maintenant que le belge a en fait besoin de 7 terrains de football pour son train de vie ! Et voici de quoi ils se composent [8] :

  • 1.82 hag de terres cultivées
  • 0.95 hag de pâturage
  • 0.47 hag de forêt (pour la fourniture en bois)
  • 0.17 hag pour la pêche
  • 3.26 hag de forêt pour séquestrer nos émissions de carbone
  • 0.45 hag pour nos infrastructures (habitations, transport, etc.)

9 millions de belges en trop

Ah qu’il est provocateur, ce titre ! Mais je ne résiste pas un petit calcul supplémentaire, juste pour voir…

Car à l’inverse de l’empreinte écologique, il existe la biocapacité, qui mesure la capacité que possède la nature à se régénérer et à compenser la consommation de l’homme. Chaque pays a son chiffre, et voici celui de la Belgique : 1,33 hag par personne. Ce qui nous donne un calcul dont le résultat est désastreux : 1,33/7,11 * 100 = 18,7 %. La Belgique assure moins d’un cinquième de la surface biologiquement productive nécessaire à ses habitants.

Autrement dit, notre territoire n’assure que pour 2 millions de belges, et les 9 millions excédentaires prennent crédit ailleurs… Alors remercions des pays comme la Bolivie qui compensent, avec 18,39 hag par personne !

Alors on dense ?

Bien-sûr certains chiffres que j’ai utilisés ne sont pas de toute dernière fraîcheur, voire changent d’une source à l’autre, mais on peut malgré tout conclure que si la Belgique est dense par sa population, elle l’est surtout par son impact environnementale et économique.

Bref, pour notre planète, la Belgique est faite de plomb et non de plumes !

Le Belge pèse lourd et ça se voit ! / (c) Nasa
Le Belge pèse lourd et ça se voit ! © Nasa

(Calculez votre empreinte écologique pour répondre au sondage ci-dessous…)

Quelle est votre empreinte écologique ? (lien donné ci-dessus)

View Results

Loading ... Loading ...
DAN : Directly Available Nitrogen

Dan le fertiliseur

Travailler dans le quartier Européen, c’est être au centre d’un trafic d’influences, bien malgré nous. Démonstration…

Les SIMS font de l’agriculture

Ce matin-là, les passants aux abords du Parlement (rappelons que la gare est en dessous) recevaient un prospectus accompagné d’un croissant industriel, le genre mou qui ne colle pas aux doigts, mais les rend graisseux. Le dépliant, illustré en images de synthèse (tout droit sorti des Sims), combiné au condiment  susmentionné, donnait un message genre “Bienvenue dans le monde artificiel que l’on vous prépare” ! Ce qui, je suppose, n’était pas le but !

DAN : Directly Available Nitrogen
Non ce ne sont pas les SIMS à la campagne !

Passé cette impression, et le croissant quand-même avalé, un petit effort intellectuel était nécessaire pour comprendre l’objet du prospectus. “Toward smart agriculture…”, “Directly Avalaible Nitrogen (DAN)”, “Fertilizers Europe” : c’est qui, c’est quoi, qu’est-ce qu’on vend ?

Qui est DAN ?

DAN, on le lit un peu partout dans le dépliant : c’est ADA en français, soit “Azote Directement Assimilable”. Un engrais utilisé en agriculture intensive, à l’opposé de l’agriculture biologique, puisque cette méthode nourrit la plante, pas la terre –  je ne suis pas un expert, mais c’est ce que j’en ai conclu en cherchant sur le web.

A en croire ce prospectus, l’ADA est la solution la moins nocive pour l’environnement. Elle permettra à l’agriculture d’augmenter sa production de 70 % d’ici 2050, pour nourrir les 9,1 milliards d’humains qui peupleront alors la terre. Et de surenchérir : l’Europe importe plus de nourriture qu’elle en exporte, il faut inverser la tendance.

DAN et la PAC

En cherchant à vérifier ces informations, je tombe très vite sur la réforme de la Politique Agricole Européenne (la PAC), pour laquelle les débats sont en cours, certains votes ayant lieu en ce moment. Dans les discussions houleuses entre députés, il est question d’une politique plus verte, de décourager les monocultures, de diminuer l’emploi des engrais. Et les alternatives ne manquent pas, comme l‘agroforesterie, présentée au parlement quelques jours plus tôt.

Ma rencontre avec DAN, ce mois d’octobre 2012, ne semble donc pas un hasard. Surtout que DAN nous est présenté par Fertilizers Europe, regroupant les principaux producteurs européens d’engrais.

Ce genre d’association, ayant pour but de communiquer et de donner des informations à qui en cherchent (voilà comme elles aiment se présenter), s’appelle un lobby, tout simplement.

Bruxelles est fier de ses lobbyistes

Poursuivons avec le lobby (et laissons la réforme de l’agriculture pour une autre fois), car l’occasion est trop belle de conclure par une réflexion que je gardais au chaud, depuis le 1er septembre exactement, date à laquelle je découvris le film promotionnel de Visitbrussels.be. A 1 minute et 16 secondes, on y voit des images du Parlement Européen, sur-imprimées des chiffres annonçant fièrement 25.000 lobbyistes (6.000 accrédités).

Cliquez pour voir la vidéo promotionnelle
Bruxelles est fier de ses 25.000 lobbyistes !

J’écris “fièrement” car c’est clairement le message, tout comme Bruxelles est fier des 14.500 événements par an ou de ses 100 musées.

Faisons le compte : cela donne plus d’une trentaine de lobbyistes pour un député. Cela me fait peur et m’indigne. Et vous ?

25.000 lobbyistes à Bruxelles...

View Results

Loading ... Loading ...

Note du 20 novembre 2012 : suite à l’intervention d’un représentant du Fertilizer Europe, que vous trouverez dans les commentaires ci-dessous, j’ai supprimé un paragraphe où je “jubilais” à propos de leur statut de “mauvais élève”. Je n’avais pas vu la correction, sur le même site. Il aurait donc été incorrect de laisser ce paragraphe tel quel, même avec une mention de réserve.