Archives mensuelles : février 2015

Produit de merde

Pour la troisième fois, une des oreillettes de mes écouteurs ne fonctionne plus. En quelques mois. C’est vraiment un produit de m…, et je tiens à le faire savoir.

Produit de marque ?

“Produit de m…”, avec “m” comme “marque”… ou comme “merde” !

L’écrire me rebute, mais il faut bien appeler un chat “un chat”. Je n’ai pas trouvé mieux que cette expression qui vient naturellement quand on est en possession d’un produit qui ne remplit pas ses promesses.

Mais attention, pas n’importe quoi. Je ne vise pas l’appareil photo chinois acheté pour quelques poignées d’euros, du pèse-personne reçu avec le sofa, ou d’une montre gagnée à la foire ! Je met ces objets dans la catégorie des “produits toxiques”, et on en parlera à une autre occasion.

Non, veux parler des produits de marque. Vous savez, ceux qui sont sur-emballés, qui changent tous les six mois avec la “nouvelle collection”, qui sont nouveaux mais n’innovent en rien.

Pourquoi tant de colère ?

Parce que la fabrication d’un produit, que ce soit une chaussure, un stylo, un téléphone ou un t-shirt, a une empreinte écologique non négligeable : en matières premières, en eau, en énergie.

Parce qu’il a certainement été fabriqué dans des conditions déplorables.

Parce qu’il a traversé des milliers de kilomètres pour arriver jusqu’à moi.

Pour toutes ces raisons, si ce que j’ai acheté est de mauvaise qualité ou devenu inutilisable dans un délai anormalement court, c’est un échec bien au-delà du seul argent perdu. Le jeter pour acheter autre chose ne me permet pas de soulager ma conscience, bien au contraire.

Alors j’enrage, je piétine, et je brûle d’envie de crier au fabricant : “sous vos beaux habits de branding, vous m’avez juste vendu un produit de m…” .

Voici deux cas.

Prada, des lunettes biodégradables ?

Mieux que des lunettes en écailles : les lunettes qui s’écaillent !

Il faut croire que payer plus de 100 € pour une paire de lunettes (verres non compris) n’est pas suffisant pour avoir de la qualité. Entre parenthèses, que des lunettes coûtent autant qu’un vélo m’a toujours exaspéré !

Il n’a fallu que quelques mois pour que la peinture noire des montures commence à partir. Elles n’ont apparemment pas été conçues pour l’extérieur. Ou que la monture ne résiste pas à l’acidité de la peau (conseil pour éviter un procès : ajouter dans la notice “Attention, ces lunettes ne sont pas faites pour l’extérieur ni pour entrer en contact avec la peau” ).

Lunettes Prada, lunettes… Ah non, ne soyons pas grossiers !

Les lunettes qui vous donnent l'illusion que le temps passe vraiment vite
Les lunettes qui vous donnent l’illusion que le temps passe vraiment vite

Urbanears ne sait pas souder

Ils se déclinent en orange, en gris, en bleu, en jaune, en vert : les écouteurs Urbanears sont attrayants et tiennent parfaitement dans l’oreille grâce à leur EarClick. Avis aux joggeurs comme moi !

Le monde serait parfait si seulement cette marque suédoise avait mentionné dans le cahier des charges, destiné au fabricant chinois, que les soudures devaient tenir “le temps généralement admis dans la profession” .

Car voilà, après deux mois, ça crachote dans une oreille, puis plus de son. Retour au magasin : l’échange se fait sans discussion (et je salue Jogging Plus qui a fait preuve de bonne volonté). Mais quelques mois plus tard, je reviens avec le même problème. Nouvel échange. Je choisis une autre couleur : on ne sait jamais que ceux que j’avais rapportés sont de retour dans le rayon. Je suis donc avec le troisième exemplaire de ce produit : il tient un peu plus longtemps. Puis patatras, une oreille crachote et puis, air connu, plus rien. C’est toujours la même histoire : quelque chose a lâché dans le mini-jack.

La garantie est à présent passée. Le feuilleton est terminé. Le verdict tombe, implacable : trois exemplaires avec le même problème, c’est bien un produit de m…

Urbanears va vous refaire découvrir le son mono
Urbanears soigne son packaging et c’est tout

Indignez-vous, hashtaguez !

Comment crier à la face du monde que c’est un produit m… auvais ?

En le balançant dans les réseaux sociaux ! Twitter en tête, grâce au hashtag #produitdemerde, en anglais #shittyproduct ou #crappyproduct. En n’oubliant pas de l’adresser à la marque (par exemple @urbanears).

Et joignons-y une photo, sur laquelle se place, comme un marquage au fer rouge, le logo créé à cet effet. Eh oui, j’ai mis du cœur à l’ouvrage ! Voici même une petite page web qui permet de marquer votre photo !

Logo produit de merde

Le génie humain, quand-même

On se calme.

Je l’écris sans rire, même pas un sourire crispé : je suis souvent émerveillé par la qualité de nos produits et l’ingéniosité humaine. Par rapport à ça, il est difficile de ne pas consommer à gogo !

Et sur les centaines d’objets accumulés durant ces quelques dizaines d’années de consommation irréfléchie, je n’ai trouvé que ces deux malheureux produits à mettre au pilori.

Et vous, en avez-vous ?

Je guette vos hashtags…

Faisons connaître les produits de merde

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Lanceurs d’alerte, les mauvaises consciences de nos démocraties

“Il risque leur vie pour protéger la nôtre” nous annonce le bandeau rouge du livre. Qui ça ? Le lanceur d’alerte…

Les mauvaises consciences

Le lanceur d’alerte est une personne témoin, dans son activité professionnelle, d’actes illicites ou dangereux pour autrui et qui, par civisme, décide d’alerter les autorités ayant pouvoir d’y mettre fin.” (p. 21)

Certains d’entre eux sont célèbres, et vous connaissez peut-être leur histoire en ayant vu les films Les Hommes du président, Le Mystère Silkwood, The Insider, Erin Brockovich, The Informant, et tant d’autres.

La plupart de ces “héros malgré eux” ont dénoncé des scandales sanitaires. Mais l’actualité a fait apparaître des lanceurs d’alerte impliqués dans les sphères obscures du pouvoir. C’est à ces gens-là que Florence Hartman, journaliste (11 ans au journal Le Monde) et spécialiste du conflit des Balkans, s’est intéressée en écrivant son livre “Lanceurs d’Alerte” , sous-titré “Les mauvaises consciences de nos démocraties” .

Ayant elle-même tenu ce rôle (elle a dénoncé un accord entre la Serbie et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie), elle connait la pression et les persécutions que peuvent subir les lanceurs d’alerte.

Julian Assange (Wikileaks) aime les lanceurs d'alerte
Julian Assange (Wikileaks) aime les lanceurs d’alerte

États-Stasi d’Amérique

S’il y a eu des améliorations dans la législation visant à protéger les lanceurs d’alerte, la situation est devenue dangereuse pour ceux qui dénoncent certaines pratiques de leur gouvernement. “Les législateurs ne reconnaissent […] parmi les lanceurs d’alerte que ceux qui contribuent à protéger l’État contre les préjudices qu’il subit tandis qu’ils ignorent ceux qui voudraient protéger la société contre les abus éventuels de l’État.” (p. 48)

Il n’en était pas ainsi il y a quelques dizaines d’années, à l’époque où Daniel Ellsberg fournissait à la presse un rapport de quelque 7.000 pages révélant les mensonges du gouvernement autour de la guerre au Vietnam. C’étaient les “papiers du Pentagone” qui, en 1971, lui valut la fin d’une carrière prometteuse dans l’administration américaine, ainsi qu’un procès, heureusement avorté avec l’arrivée du Watergate.

Malgré ces aléas, notre homme a pu devenir une personnalité publique, sur tous les fronts concernant les combats pacifistes. Aujourd’hui, il est libre de circuler dans son pays, qu’il qualifie pourtant de “États-Stasi d’Amérique”.

C’est une chance que n’a pas un de ses disciples : Edward Snowden. Il faut dire qu’il a fait fort, et son histoire est digne d’un film : Oliver Stone s’en occupe déjà ! Je vous la résume…

Seul contre Big Brother

Le contrôle du citoyen sur l’action publique est un des éléments essentiels de la vie démocratique.” (p. 58)

Voilà bien un rôle qu’a parfaitement tenu Edward Snowden, même si son pays le considèrent comme un traître.

En 2006, ses talents en informatique permettent au jeune Snowden d’entrer à la CIA, pour s’occuper du réseau informatique. Il découvre alors l’ampleur des surveillances sur le territoire des États-Unis comme à l’étranger, arbitraires et sans cadre juridique. Et démentant le discours rassurant de son gouvernement. Snowden a en tête ce maxime de Benjamin Franklin : “Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre, et finit par perdre les deux.” Il espère que l’arrivée d’Obama mettra un terme à ces surveillances et ne l’obligera pas à agir contre son administration pour soulager sa conscience.

Mais rien ne change, et Snowden va préparer son acte “avec la patience et la précision de l’horloger et beaucoup de sang froid” . Il intègre la NSA en 2009, puis réussit à se faire muter en 2012 à Hawaii, où la sécurité anti-fuites est absente. Fin 2012, il passe à l’action en cherchant le journaliste de confiance qui l’écoutera. Ce sera la cinéaste Laura Poitras, qui prépare justement un film sur les pratiques supposées des agences de renseignements. Elle est rejointe par les journalistes Barton Gellman et Glenn Greenwald à qui Snowden remet une documentation structurée et imparable de 58.000 pages.

En juin 2013, tout éclate dans la presse, et le monde apprend qu’il est sur écoute. Même leurs dirigeants ! Téléphones portables, emails, réseaux sociaux (plateformes de jeux !) : la NSA enregistre tout, largement en dehors de la sphère terroriste. Et avec la complicité de grandes sociétés de communications ou du web, ou d’accords secrets avec nos agences gouvernementales.

Aujourd’hui, Snowden est en exil. Il n’a que 31 ans mais a déjà sacrifié sa vie, pour que notre monde ne ressemble pas à l’Océania !

Extrait exclusif (Le Monde, 17/02/2015) de Citizen Four, le documentaire de Laura Poitras

Les fruits pourris

Hartman nous raconte encore d’autres destins. Espérons que l’histoire oubliera que l’on qualifiait ces donneurs d’alerte de « fruits pourris de la démocratie » . En attendant, leur conviction les a mené à des procès peu équitables, parfois la prison, voire la mort pour le dernier.

  • Bradley Manning, analyste militaire, fait parvenir à Wikileaks une vidéo montrant une bavure d’un raid aérien en 2007 à Bagdad, ainsi que des centaines de milliers de documents dans le but de dénoncer les mensonges autour de la guerre en Irak, ou de révéler la politique étrangère des États-Unis.
  • Mordechai Vanunu, technicien nucléaire israélien, révèle en 1986 le programme d’armes nucléaires de son pays. À l’époque Israël se veut pourfendeur de la prolifération nucléaire dans la région !
  • Olivier Thérondel travaille chez Tracfin (traque des circuits financiers clandestins) : il dénonce en 2013 les actions bienveillantes de la part de son administration vis-à-vis du ministre Cahuzac, alors en pleine tourmente.
  • David Kelly, expert en armes biologiques et missionnés 37 fois en Irak, dénonce en 2003 le remaniement du dossier des services secrets anglais sur la menace irakienne, remanié dans le but de justifier une intervention militaire avec les États-Unis. C’est finalement son décès suspect qui mettra à mal son gouvernement.

Le dernier fusible

L’histoire nous a […] enseigné que la démocratie est beaucoup plus menacée par l’obéissance de ses citoyens que par leur indiscipline.” (p. 59)

Et ces histoires-ci nous apprennent que dénoncer des dysfonctionnements de notre société est un sacrifice, sans garantie de l’effet escompté ou de sa reconnaissance.

Le lanceur d’alerte est pourtant le “dernier fusible de l’État de droit” . Alors en l’absence d’un cadre juridique solide pour le protéger, terminons par un conseil : le seul moyen de diffuser une alerte anonyme est de passer par une rédaction. “Dans ce cas, le lanceur d’alerte bénéficie alors de l’anonymat réservé aux sources protégées des journalistes, lesquels assument la responsabilité publique des informations qui leur ont été confiées.” (p. 320)

À bon entendeur…

Obama, prix Nobel de la paix !
Prix Nobel de quoi déjà ?

“Lanceurs d’alerte”, Florence Hartman, 334 pages, Don Quichotte

"Le secret de la vie privée et la transparence de la vie publique sont deux des fondements de la démocratie, l'inverse des exceptions." (p. 209)

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