Archives mensuelles : mars 2014

Mobil 2040

A quoi va ressembler Bruxelles en 2040 ? Une exposition et un site vous propose de le découvrir…

Des cubes devant ma gare

Quand notre ville expose ses plans d’avenir de manière ludique, je suis un visiteur enthousiaste ! Rappelez-vous, il y a tout juste deux ans, je visitais l’installation Bruxelles ville durable… Et voilà que notre capitale remet le couvert, à la gare de Jette, celle-là même où je prends mon train tous les jours : si ça ce n’est pas un signe…

Donc voilà l’exposition immersive “Mobil 2040” , sous-titrée “La ville du futur”, qui se tient jusque fin mars 2014, près de chez moi. Une installation faite de cubes, couverts de dessins, photos, explications en trois langues. Et aussi, des écrans vidéos montrant, en images de synthèse, quelques métamorphoses futuristes de nos rues, tandis qu’une voix suave nous dit : “Écoutez, la ville est paisible, la rue est un espace de vie partagé par tous …”

Ce n'est pas encore la grande foule...
Ce n’est pas encore la grande foule…

Déjà morte

“Pfff, je serai déjà morte !”, dit cette dame à son ami, collègue ou que sais-je : les gens passent entre les cubes, lisent quelques textes en diagonale, et poursuivent leur chemin.

C’est que 2040, c’est loin ! Moi-même, j’aurais alors 73 ans, sans doute… Alors pourquoi avoir placé une date si lointaine ?

Peut-être parce qu’il faudra bien 26 ans pour que Bruxelles parvienne à ses ambitions : un téléphérique au-dessus du Ceria, l’avenue Louise quasiment piétonnière, la rue Belliard en double sens avec une large piste cyclable au milieu, le canal réhabilité, le ring avec des marquages au sol dynamiques, et j’en passe…

Hé les jeunes, ça vous concerne !
Hé les jeunes, ça vous concerne !

Le sommet de l’iceberg

D’un autre côté, ces 26 ans d’attente ne se justifient pas par la technologie exposée : petites voitures électriques, véhicule pilotés sans chauffeur, drones de livraison, cultures sur les toits, etc., autant de concepts déjà à l’étude, voire déjà expérimentés dans certaines villes.

Mais Mobil 2040 ne le cache pas : cette étude n’invente rien, elle fait une projection sur la base des connaissances actuelles. Et ces blocs se trouvant devant la gare de Jette, ce n’est que le sommet de l’iceberg ! Car c’est sur le site que l’on trouve les informations de fond, notamment ces sept dossiers couvrant les thématiques de l’étude. Il y a de quoi lire, mais pas pour 26 années…

Retour vers le futur

N’empêche, il y a 26 ans, on était en 1988 : si cette exposition avait existé à ce moment-là, elle décrirait notre vie en 2014 sans internet et sans smartphones. Soit des technologies qui nous “facilitent la ville”. Alors, qui sait si dans un quart de siècle nous n’aurons pas une nouvelle invention qui bousculera toutes nos prévisions ?

Comme le skateboard volant de Retour vers le futur II, par exemple ?


Pour une version sous-titrée français, clickez ici

Mobil 2040, jusqu’au 27 mars 2014, Place Cardinal Mercier – Jette (Tram 19 – Bus 53 et 88 – Train Gare de Jette – Station Villo). Gratuit !

Une exposition sur Bruxelles en 2040...

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Non, construire des prisons…

Non, construire des prisons pour enrayer la délinquance, c’est comme construire des cimetières pour enrayer l’épidémie. Voilà pour le titre de ce livre : peut-il nous en convaincre ?

Hors de vue

Rolland Hénault enseigne le français dans les prisons de l’hexagone, depuis une vingtaine d’années. Les prisons, il le vit de l’intérieur, il côtoie ce monde aliéné, et il tient à exprimer son dégout d’un système qui n’a rien trouvé de mieux pour ranger les écorchés de notre société.

Oui, lisez ce livre...
Oui, lisez ce livre…

J’observe […] que le public ne voit pas les prisons, comme il ne voyait pas les camps de concentration durant la seconde guerre mondiale […]. Disons, d’une façon générale, que la population d’un pays, quel qu’il soit, quelle que soit sa culture, ou quelque soit son régime politique, ne voit jamais les camps, situés pourtant en des lieux parfaitement visibles, et même spectaculaires.” (p. 18)

Bigre, il y va fort !

Mais l’auteur témoigne, constate, philosophe et verse parfois dans le pamphlet. Il l’écrit d’emblée : “Je ne dispose que d’impressions personnelles, dont le lecteur fera ce qu’il voudra (…)” .

Une sacré galerie

Mais d’où ils sortent, ces mecs qu’on enferme ? Où les a-t-on capturés ? Sont-ils des hommes, comme mes collègues de travail, mes voisins, les membres de ma famille, les habitants du bistrot ?” (p. 30)

L’auteur nous offre une galerie de portraits – ou plutôt d’instantanés, car il ne connait  de ses élèves que ce qu’ils veulent bien raconter. Ils ont fait des erreurs, oui, ils sont punis, certes, mais pour la plupart d’entre eux, la vie ne les a pas gâté.

Le Péruvien qui a tué son père, Nadine et le cahier, l’ami du professeur Choron, Nathalie qui se regarde dans le miroir, Jean-Luc le tenancier de la boîte informatique, la comtesse qui ne veut pas partir, le Suédois passe-muraille, la belle muette, le comédien : autant de titres de paragraphe qui nous éloignent des clichés cinématographiques de l’être foncièrement mauvais et haï, emprisonné avec l’étiquette “bien fait pour sa pomme” !

Et il y a Romand de l’OMS…

Romand jette un trouble (…) sur la nature de l’être humain, et il nous force à en mesurer la profondeur et l’incroyable complexité.” (p. 111). C’est ainsi que l’auteur conclut sur cet homme qui a fait l’actualité et inspiré des films. Dans le microcosme carcéral, il voit “un homme d’un dévouement remarquable pour ses co-détenus, qui manifeste ici, en prison, des qualités humaines exceptionnelles.

Cotés en Bourse

L’auteur constate une augmentation de détenus présentant des troubles psychiatriques, ainsi que des victimes de la précarité. Les sévices, l’humiliation et les mauvaises conditions qu’ils vivent entre ces quatre murs ne peuvent être justifiés par la punition : ils le sont déjà par la vie.

La faute à qui ? A eux ? Non : à notre société dirigée par le profit, et qui n’a que faire des laissés pour compte. Ou plutôt si : “Les détenus sont les moteurs de l’économie dans le secteur de la misère. Qu’attend-on pour les coter en Bourse ?” (p. 34)

Autre cause : la “déculturation généralisée”. La télévision abrutissante, le porno, le starsystem, la publicité, et l’enseignement défaillant, contribuent à une perte des valeurs.

Au demeurant, une école, un lycée, c’est très facile à démolir ! Ces établissements sont en effet construits en carton-pâte ! Ce sont les constructions emblématiques de la précarité. Comparez avec le blockhaus de la Banque de France. Ça, c’est du costaud ! Vous comprenez tout de suite la valeur de l’argent par rapport à la culture !” (p. 68)

Le degré de notre civilisation

Ce livre ne fut pas facile à chroniquer ! Certains d’entre vous connaissent ma réticence à enfreindre les règles. Alors, avoir de l’empathie pour des gens coupables de faits graves, j’ai du mal.

Malgré tout, s’attaquer à la cause du mal plutôt que de le combattre est une idée défendue par la plupart des grands penseurs, voire d’associations œuvrant pour une meilleure société. Dostoïevski le disait : “Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons.

C’est aussi un constat dans le livre “Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous” : taux d’incarcération et inégalité progressent main dans la main. Il est sous-entendu que dans les sociétés égalitaires il y a peu de prisons, et encore une fois, les pays du Nord nous montrent l’exemple.

Mais pour le citoyen abreuvé de faits divers, c’est difficile d’admettre que l’incarcération, considéré par beaucoup comme une punition, n’est pas la solution : ce livre s’adresse à eux, comme à moi.

Il apporte donc une pierre à l’édifice – et ce n’est pas celle d’une prison !

“Non, construire des prisons…” par Rolland Hénault, 207 pages, les Éditions Libertaires

Un peinture à 1 million de £ pour la prison de Halden
Un peinture à 1 million de £ pour la prison de Halden

"La délinquance et le crime sont voulus, et rendus indispensables au fonctionnement de la société libérale. Ils font partie intégrante de l'économie." (p. 186)

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