Archives mensuelles : septembre 2013

La Haine de l’Occident

L’actualité nous montre souvent une forme de violence envers nos pays modernes, modèles de démocratie et de liberté. Mais pourquoi tant de haine ? Ce livre nous éclaire…

De l’autre côte de l’équateur

Dans ma réflexion faite autour d’un hélicoptère, je parlais de l’exercice de se mettre dans la peau “de l’autre” pour mettre à l’épreuve nos jugements… Avec “La Haine de l’Occident”, c’est un peu le même exercice que nous propose Jean Ziegler, mais à une autre échelle : passons l’équateur pour nous rendre au “sud”, afin de voir comment nous sommes perçus, nous, les Occidentaux.

“[…] la mémoire de l’Occident est dominatrice, imperméable au doute. Celle des peuples du Sud, une mémoire blessée. Et l’Occident ignore et la profondeur et la gravité de ces blessures.” (p. 31)

Mince ! Mais que nous reproche-t-on, nous, défenseur des libertés, héritiers de la Révolution Française ? Principalement deux choses…

Des colonisateurs incompris

La richesse de l’Europe s’est faite en dépouillant l’Afrique et l’Amérique du Sud. Nous, les descendants, on n’y peut rien. Mais il ne faut pas l’oublier pour autant, ou déformer la réalité historique. Comme Sarkozy, dans son très polémique discours à Dakar de 2007 : “La colonisation fut une faute payée par l’amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait tant.

Pauvres colonisateurs. Heureusement qu’une ville comme Bordeaux leur rend hommage : ses places et rues portent les noms d’esclavagistes et de capitaines négriers du XVII et XVIIIème siècle !

On peut donc comprendre qu’on nous accuse d’un double langage et d’une arrogance sans borne : “la démocratie s’arrête à nos frontières“.

Écoutons plutôt Aimé Césaire (que l’auteur aime citer dans le livre), parlant de la colonisation : “[…] le geste décisif est ici de l’aventurier et du pirate, de l’épicier en grand et de l’armateur, du chercheur d’or et du marchand, de l’appétit et de la force, avec, derrière, l’ombre portée, maléfique, d’une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes.” (extrait du Discours sur le Colonialisme).

Nous sommes les 13 %

Deuxième point de discorde : depuis plus de 500 ans, les “blancs” dominent le monde. Alors qu’ils ne sont que 13 %.

En fait, la colonisation se poursuit, sous une forme encore plus puissante : l’ordre du capital mondial globalisé, avec ses sociétés transcontinentales, soutenus par le FMI, l’OMC, la Banque mondiale (déjà dénoncés par l’auteur dans son livre Les nouveaux maîtres du monde).

Les pays du Sud ont-ils choisi cet ordre mondial ? Non. Ont-ils la possibilité d’en proposer un autre ? “L’Occident ne comprend ni cette aspiration des peuples du Sud à un ordre équitable et juste, ni leur détermination à parvenir à leurs fins. L’idée même qu’un autre ordre du monde, qu’une autre mémoire, qu’un autre vouloir sont possibles y est désormais discréditée.” (p. 171)

Quant aux bonnes intentions qui visent à les aider, quel cynisme et quelle mauvaise foi. Prenons l’exemple des Objectifs du millénaire pour le développement promis par les pays de l’ONU pour 2015 : quasiment rien n’est fait. Explications de Ban Ji-moon (secrétaire général de l’ONU) : “C’est le manque d’engagement et de ressources, le déficit de responsabilité des dirigeants, l’insuffisance de soutien technique et de partenariats qui expliquent cette situation.” Tout est dit.

(c) Canar
© Kanar

Vive la corruption

L’idée que l’Occident “place” ses pions dans les pays du Sud, ou maintiennent au pouvoir des dictateurs qui servent plus nos industries que leur peuple, n’est pas un scoop. N’empêche que le tableau brossé par Jean Ziegler, sur le Nigeria (“la fabrique de la haine“), est affligeant !

Car c’est la deuxième puissance économique du continent, et son peuple vit dans la misère.

Le Nigeria est le seul pays du monde disposant d’importantes ressources pétrolières à présenter un déficit budgétaire” nous apprend Wikipedia.

La corruption règne, et on dira que c’est pour ça que ce pays est en perdition. Mais la corruption, ça arrange bien l’Occident : “[…] un État faible, discrédité et inefficace est le partenaire rêvé pour les sociétés transcontinentales occidentales” (p. 200).

Viva Morales

Mais la résistance s’organise ! Prenons la Bolivie, et son président Evo Morales Ayma. Premier président revendiquant son origine amérindienne, il succède à un cortège de dirigeants soumis aux dictats de l’Occident : c’est maintenant fini. Action !

En 2006, six mois après son élection, son gouvernement prend possession des installations pétrolifères et gazières du pays. C’est une véritable opération secrète que Morales a préparée avec son équipe, aidé de pays amis, comme la Norvège, reconnu pour son expertise dans la gestion du pétrole. Morales ne vient donc pas comme un « cow-boy juvénile » : il présente des nouveaux contrats qui mettent fin à la suprématie des transnationales du pétrole. C’est le décret n° 28701, dit du « rétablissement de la souveraineté énergétique » : il n’expulse pas les sociétés, mais les soumet à un régime plus équitable pour le pays.

Morales enchainera avec d’autres mesures, d’autres combats, et à l’heure où j’écris ces lignes, il est toujours là, réélu une deuxième fois. Oui, “toujours là”, alors que ses ennemis sont nombreux, et très dangereux, comme ces oustachis, Croates fascistes ayant trouvé refuge en Bolivie en même temps que les nazis, bien installés dans l’oligarchie locale !

Balayer sous son tapis

On pourrait se demander si ce que Jean Ziegler raconte n’est pas qu’affabulations et interprétations. Mais rappelons que l’auteur est rapporteur à l’ONU, et c’est sur la base de son expérience qu’il a décidé d’écrire ce livre – prix littéraire des droits de l’homme, quand même ! La source est donc de première main, et c’est ce qui rend cette lecture si attrayante : du vécu, des anecdotes, des incursions dans notre histoire.

Plus beaucoup de passions : ceux qui ont vu l’auteur à la télévision savent ce que je veux dire…

Alors, si vous n’êtes pas encore convaincus par les propos de Ziegler, lisez Michael Muhammad Knight, auteur américano-musulman, et provocateur :

Oui, il y a quelque chose que nous, auto-identifiés comme “l’Occident”, ne comprenons pas : nous-mêmes. Nous voyons la violence que nous voulons voir. Nous balayons sous le tapis notre héritage de haine et de destruction, toujours à se demander comment ils peuvent même se regarder dans le miroir.” (L’innocence des blancs)

Evo Morales Ayma demande à l'ONU de lire ce livre !
Evo Morales Ayma a la Haine de l’Occident !

“La Haine de l’Occident”, Jean Ziegler, 344 pages, Le Livre de Poche

L'obsession du profit de leurs oligarchies respectives guide leurs politiques étrangères (p. 21, parlant des Etats occidentaux)

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Les Créatifs Culturels en Belgique

Voilà, j’ai refait le site des Créatifs Culturels en Belgique. Voici comment ça s’est passé…

Plus de Comic pour les CC

Rappelez-vous, il y a deux mois, je vous parlais d’un mouvement mondial qui s’ignorait : les Créatifs Culturels. Soit des gens cherchant d’autres valeurs, une autre manière de vivre. A l’époque, je m’étais interrogé sur le mouvement en Belgique : existe-t-il ? Sont-ils représentés ? Font-ils quelque chose ? La réponse fut vite trouvée, par l’existence du site www.creatifsculuturels.be. Un groupe semblait bien actif, avec même à son actif une grande enquête en 2012, portant sur l’évolution des valeurs et des comportements.

Par contre, il était manifeste que les “Créateurs d’une nouvelle culture” n’avaient pas trouvé de créateurs de site ! D’une écriture bleue foncée en Comic MS (ce set de caractères est aux designers ce que l’ail est aux vampires : il les fait fuir !) sur un fond bleu ciel, je ne pouvais laisser les choses en l’état. C’était presque une perche tendue, une porte grande ouverte pour contacter les Créatifs Culturels de Belgique – et plus si affinité…

Site web et démocratie

J’envoie un message à l’adresse officielle et la réponse vient un jour plus tard : c’est de bonne augure. C’est un certain Vincent qui me répond : il est l’initiateur du mouvement en Belgique, et par défaut le concepteur du site, qu’il a dû improviser sur trois jours en 2009.

J’apprends vite que si le site est resté en l’état, c’est parce que le groupe de travail qui devait le repenser n’est pas arrivé à mettre tout le monde d’accord…

C’est que le groupe fonctionne comme bien des mouvements de société : les décisions sont collégiales. Mais, ici je m’exprime en tant que professionnel, la démocratie n’est pas toujours bonne pour faire un site web efficace…

Tout en rondeur

Vincent accepte ma proposition de travailler sur le site : le gros du travail sera l’image et non le contenu, qui existe déjà et pourra être repris quasiment tel-quel.

Vincent et ExtraPaul sont créatifs
ExtraPaul et Vincent sont créatifs

Mais quelle image ? Voici les consignes : le site doit s’accommoder du logo en orange et turquoise, éviter les  angles pour privilégier les rondeurs (ce qui est assez éloigné des tendances actuelles), afin d’être féminin plutôt que masculin. Et ne pas verser dans les clichés New Age, ni écolo, ni mystique, ni futuriste… Ah oui, et un menu avec une écriture manuscrite (handwriting).

Tout cela parait contraignant, mais les Créatifs Culturels sont peu connus : dès lors il ne faut pas que le mouvement soit mal interprété.

Des bambous belges

Sur la durée des grandes vacances, Vincent et moi échangeons nos idées, pour produire 19 projets déclinés en 53 variantes ! Cela fait beaucoup, et pour cause : si je n’ai affaire qu’à lui, de son côté il soumet les projets à quelques CC. La démocratie continue donc : les avis fusent, divergent, et certains designs souffrent déjà du compromis…

Un concept émerge cependant, venant de Vincent : les bambous ! C’est une drôle d’idée de choisir une plante exotique pour un site pour la branche belge, mais voici :

Ce bambou chinois est une magnifique métaphore des Créatifs Culturels : le phénomène CC n’est pas émergent, presque personne ne le connaît encore, mais les racines sont en train de pousser, nombreuses, différentes, silencieuses…” (voir Pourquoi des bambous ? sur le site)

Après deux mois de brainstorming, les choses se précipitent, car la rentrée arrive : c’est que le nouveau site doit être prêt pour l’annonce d’une conférence le 26 septembre. Je convaincs Vincent d’abandonner certaines directives de départs et quant à lui, il tranche : ce sera la forêt de bambous et pas le blé qui pousse vers un ciel bleu.

En moins d’une semaine, le site est refait, la page Facebook est créée, ainsi que le modèle de newsletter…

Des sites comme dans les caravanes

Le bambou de cette nouvelle culture, lorsque son temps sera venu, deviendra visible pour tous. Mais pour qu’il développe son plein potentiel d’évolution de notre société, il faudra que ses différentes racines se reconnaissent enfin entre elles, qu’elles se sachent nombreuses et se comprennent complémentaires.

Eh bien j’espère avoir contribué à cette reconnaissance. Et qui sait si je n’en suis pas un aussi ?…

Les projets ont défilé
Les projets ont défilé

Et vous, êtes-vous un Créatif Culturel ? Répondez à ce questionnaire puis donnez le résultat dans le sondage ci-dessous…

Etes-vous un Créatif Culturel ? (pour vous aider, faites le test dont le lien est donné plus haut)

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Revues de Usbek & Rica

La violence expliquée aux vieux

Le monde est-il moins violent qu’avant ? Probablement. En tout cas, si on vit en Europe…

Un livre pour les moins de 60 ans aussi

Voilà une drôle de série que nous sortent les éditions 10/18 : “Le monde expliqué aux vieux”. Soit 4 petits livres aux couleurs fluo : “Facebook”, “La solitude”, “Lady Gaga”, et le présent ouvrage “La violence”. Cette série est écrite en collaboration avec “Usbek & Rica” , un nom bizarre pour une revue à laquelle je suis abonné. Elle se présente comme “le magazine qui explore le futur”, qui se distingue par ses sujets originaux (“Faire l’amour en 2050” , “A quand un droit des robots ?” , “Se téléporter comme dans Star Trek” ) et pour son graphisme rétro-futuriste…

Revues de Usbek & Rica
La violence entourée par Usbek & Rica

Expliquer aux “vieux” est, évidemment, un prétexte pour remettre dans le contexte notre perception des choses, et dans le cadre de la violence, pour se rendre compte que ce n’était pas mieux avant – je veux dire, que ce n’était pas moins violent ! L’âge minimum pour lire cet ouvrage n’est donc pas 60 ans !

Pour nous raconter tout ça, c’est Cécile Colette, journaliste tout terrain pour la revue susmentionnée, mais aussi pour ARTE, qui relève le gant.

Guerres 2.0

Elle nous rappelle d’abord que la violence, il n’y a pas si longtemps, c’étaient les guerres ! Si aujourd’hui quelques militaires morts en mission entraînent un deuil national, l’hommage du chef de l’État et l’indignation de l’opinion publique, à l’époque de nos grand-parents, les soldats n’étaient que de la chair à canon !

C’est un fait : les conflits dans le monde sont en diminution.

Et en ce qui nous concerne, Européen, quand il y a une guerre, elle se passe dans un pays lointain : nous la vivons au travers d’images nous donnant moins de sensations qu’un Call Of Duty !

Le temps n’est plus aux étendards sanglants levés. Le son des canons intempestifs s’éloigne. La guerre devient silencieuse.” (p. 37)

Mots placebo

On mesure mal à quel point l’espace public était jadis violent. A côté des insultes qui pleuvaient contre les “bicots” et les “youpins”, nous sommes devenus bien fades. S’il tend à aseptiser la parole, le politiquement correct constitue un progrès indéniable.” (p. 38)

On est souvent agacé par le politiquement correct, sous la surveillance d’organismes bien-pensant comme Le Centre pour l’égalité des chances ou SOS racisme : on ne peut plus appeler un chat un chat. Mais cela fait partie de l’évolution de notre société, qui tend à lisser notre langage, ménageant les susceptibilités. A l’heure de l’information rapide comme un tweet, qui propage la moindre phrase maladroite avant qu’elle ne soit terminée, c’est une prudence qui n’est pas superflue.

Pour autant, parler de censure serait un amalgame : toutes les opinions s’expriment, et que ceux qui croient que la pensée unique s’impose aillent donc lire les journaux à l’époque des guerres, où la propagande et la censure battaient son plein…

La violence en 5 points

Résumons la suite… En 7 chapitres (dont deux expliqués plus haut), l’auteure nous brosse les aspects suivants de la violence, et ma foi, en ce XXIème siècle, tout ne s’est pas amélioré….

  • Nous vivons dans un État protecteur – d’aucuns diront un État policier – qui multiplient les lois (jusqu’à nous protéger des abus du patron ou du compagnon), qui multiplient les polices (PJ, GIGN, RAID et j’en passe), ainsi que les mesures de prévention. Bref, l’individu est protégé contre lui-même, c’est qui est assez récent dans notre civilisation.
  • Les bandes de petits malfrats sèment le désordre. Aujourd’hui ils viennent des “cités”, mais hier c’étaient les blousons noirs, et il y a longtemps c’étaient des malfaiteurs encapuchonnés dans les forêts ! Rien de neuf donc. Si ce n’est une surmédiatisation du phénomène.
  • Une nouvelle violence fait son apparition : notre société est sans pitié pour les perdants, les sans-emplois, les “pas beaux”. C’est le culte de la réussite qui prévaut, dans les médias comme au travail. C’est une violence morale.
  • La sécurité est devenue un business : milice privée, société de gardiennage, de surveillance. “Aujourd’hui, on commande un agent de sécurité comme un plateau de sushis.” (p. 113). L’État perd son monopole sur l’ordre public, et ce n’est pas une bonne nouvelle… Quoique, d’aucuns diront que ça crée beaucoup d’emplois !
  • Nous n’avons plus les combats dans les arènes, mais on peut compter sur les médias pour nous abreuver d’images chocs, parfois en direct, comme le 11 septembre. En même temps, chacun s’improvise journaliste de terrain, photographiant et filmant les malheurs de l’humanité. Quant à la fiction (les films), elle overdose nos sens avec une violence dépassant la réalité. De toute ça, on risquerait bien d’en être blasé…
Pochoir de Banksy
© Banksy

Nous avons touché le fond

Le problème avec ce genre de livre, c’est sa portée très localisée, à savoir la France, à laquelle on peut facilement assimiler notre Belgique et d’autres pays d’Europe. Mais je ne dirais pas que son analyse soit valable pour l’ensemble du monde occidental dit “industrialisé”. Cela m’a frappé quand l’autre jour je regardais un reportage sur les gangs de Los Angeles : dans la nation la plus avancée au monde, la violence ne semble pas sur la pente descendante !

Alors, finalement, va-t-on vers une société moins violente ? L’homme de demain sera-t-il doux comme un agneau ? Laissons la conclusion à l’auteure (p. 133) : “Quand on a touché le fond de la piscine, un bon coup de pied suffit pour remonter à la surface… Les hommes ont connus leur lot de drames, dans les décennies passées. Peut-être que c’était ça, le fond : le chemin des Dames, Guernica, Auschwitz. Peut-être que depuis nous ne cessons de remonter à la surface, qui sait ?

“La violence” par Cécile Collette, 140 pages, éditions 10/18

L'Homme a touché le fond de la piscine et...

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