Archives mensuelles : mars 2013

Comment l’Islande a vaincu la crise

Avec la crise bancaire de 2008, l’Islande a pris des mesures à contre-courant des “bonnes pratiques” économiques. Est-ce à exemple à suivre ? Un livre nous aide à y voir plus clair…

Le pays des légendes

Pascal Riché, journaliste et co-fondateur de Rue89.com (éditeur de ce livre), est allé sur place pour recueillir des témoignages de premières mains : son petit livre “Comment l’Islande a vaincu la crise” nous replonge au cœur de la tourmente, et nous donne un autre regard sur une sortie de crise par quelques bonnes décisions, pas toujours aussi héroïques qu’on aimerait le croire…

Tout commence avec un pays moderne, “libre et rebelle”, premier en I.D.H. en 2007…

L'Islande s'en sort à coups de casseroles
L’Islande s’en sort à coups de casseroles

Un pays hedge fund

La finance est alors totalement dérégulée, sous l’impulsion d’un gouvernement pris de passion pour les théories du néo-libéralisme : des banques de taille mondiale voient le jour. Le pays, bénéficiant d’une excellente cotation, peut emprunter en devises étrangères à tour de bras. Les islandais vivent à crédit et consomment sans compter. C’est tellement simple : un prêt peut être contracté par le simple envoi d’un SMS !

En 2008, les banques islandaises pèsent 10 fois le PIB du pays : c’est une bulle qui n’attend qu’une épingle… Qui vient avec la chute de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre 2008.

Que Dieu sauve l’Islande

On doit cette phrase au premier ministre, clôturant ainsi son message adressé à la population. Car l’Islande bascule dans le gouffre : c’est la 3ème plus grosse faillite financière de l’histoire !

Le gouvernement décide alors de laisser les banques à leur sort : “Nous avons décidé de ne pas socialiser les pertes de ces banques. C’était des banques privées et personne n’a jamais promis que le gouvernement couvrirait leurs pertes.” (p. 33, Geir Haarde, 1er ministre). Cela restera dans l’histoire comme un acte de bravoure, mais en fait, le pays aurait été bien incapable de sauver ses banques démesurées !

Entre parenthèses, ce haut fait d’arme est souvent pris en exemple par les détracteurs du sauvetage de nos banques. Mais la situation n’est pas la même : en Islande celles-ci étaient détachées de l’économie réelle du pays, tandis que chez nous elles y sont intégrées…

Taper des casseroles

Revenons à notre feuilleton, et quel feuilleton !

Dans un pays de 319.000 habitants, tout le monde a un lien avec tout le monde, et cela donne une dynamique unique. Alors quand tout va mal, on se retrouve à taper des casseroles devant le Parlement, mettant les politiques en ébullition !

Parmi toutes les actions prises, la légende retiendra que les Islandais ont fait refaire la  Constitution par les citoyens, qu’ils ont mis les banquiers en prison, et qu’ils n’ont pas remboursé l’argent des investisseurs étrangers. Modérons ces trois points :

  1. La constitution était vieille et mal-aimée : elle avait bien besoin d’un lifting, crise financière ou pas. Quant à mettre cette mission dans les mains de 25 citoyens, il s’agissait avant tout d’une manœuvre politique, un compromis dans une bataille de partis. Et tout ça n’accouchera que d’un projet de constitution, à adopter par le parlement, qui est toujours là…
  2. Oui, une traque aux “banksters” fut lancée… Mais au bout du compte seuls un homme politique et deux financiers furent poursuivis. Les autres ont repris leurs affaires, et le pire qui leur arrivent est de se faire arroser : certains bars ont mis leurs photos dans les urinoirs !
  3. Les Britanniques et les Néerlandais, principaux créditeurs, sont déjà remboursés au deux tiers par la liquidation d’une des trois banques en faillite : tout ne va pas si mal pour eux.
(c) Olivier Morin (AFP Photos)
© Olivier Morin (AFP Photos)

L’admiration de Paul et Joe

Il n’empêche, la gestion de la crise islandaise fut exemplaire, et même le FMI, réputé pour ses sévères plans d’austérité, est intervenu avec modération, ce qui suscita l’admiration de Joe Stiglitz, prix Nobel d’économie.

Quant à Paul Krugman, autre même prix, il écrivit dans le New York Times : « Une chose amusante est arrivée sur le chemin à l’Armageddon économique : le désespoir complet de l’Islande a rendu l’approche orthodoxe impossible, rendant au pays la liberté de briser les règles ».

La leçon du bébé pays

Le livre de Pascal Riché se lit d’une traite, et se termine en ayant le sentiment d’avoir vécu les événements comme si on y était. Mais l’aventure n’est pas terminée et se poursuit dans l’actualité…

En tout cas, ce “bébé pays” (il s’est libéré de la couronne Danoise il y a une cinquantaine d’années) nous donne une belle leçon : “Les Islandais nous ont aussi appris qu’il ne faut pas craindre de prendre des risques pour sortir de l’ornière. Ils ont en tout cas démontré qu’ils avaient, outre un petit grain de folie, un courage énorme.” (p.138)

“Comment l’Islande a vaincu la crise” par Pascal Riché, 140 pages, Rue89

L’État islandais ne paiera pas les dettes contractées à l’étranger par les aventuriers ou les banques qui ont manqué de prudence (David Oddsson, gouverneur de la Banque Centrale)

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C’est la chance qui compte

Que ce soit pour la pensée positive, les régimes ou l’art de la drague, il suffit de faire comme celui qui a écrit le livre pour que ça marche. Tiens donc !

Le cygne noir

Dans le dernier article j’ai chroniqué le livre “C’est la pensée qui compte” , mais je n’en avais pas fini avec celui-ci. Il me donne, enfin, l’occasion d’apporter mon regard sur ce genre de livre, ou plus précisément, sur ce genre d’auteur.

Vous vous dites que je m’éloigne de ma préoccupation, et peut-être de la vôtre, mais non : pour sauver le monde, il s’agit de bien comprendre son état, et parfois notre perception est faussée…

Pour développer mes propos, je m’inspire de l’ouvrage “Le cygne noir” (qui décidément reste bien mon livre de chevet), et en particulier du chapitre 8 où l’auteur, Nassim Nicholas Taleb, nous parle du problème de Diagoras…

Le problème de Diagoras

« On montra à un certain Diagoras, un athée, des tablettes peintes représentant des dévots qui avaient prié et survécu à un naufrage qui leur était arrivé ensuite. Sous-entendu : prier protège de la noyade. Diagoras demanda alors : Où sont les portraits de ceux qui avaient prié et qui sont morts ? » (p. 145).

Et donc voici la leçon : parce que les perdants ont rarement les moyens de se faire entendre, nous établissons des conclusions sur ceux que l’on entend – et ceux-ci se gardent bien de parler des “perdants”.

Un livre écrit par un perdant !
Parfois les perdants écrivent… avant de périr dans une tour un 11 septembre 2011 (véridique !)

Ainsi David R Hamilton nous convainc du pouvoir qu’il possède par la seule force de l’esprit : il a fait disparaître la grippe d’une amie en plaçant la main sur son front et en disant “Grippe, disparais !” ; il a trouvé sur sa route une boîte de disquettes alors qu’il en cherchait désespérément. Enfin, alors qu’il était en retard à un rendez-vous, il s’arrêta en bord de route en se disant “j’ai tout mon temps”, puis arriva bien après l’heure convenue, mais bien avant son hôte qui était aussi en retard.

Et il nous parle aussi de la malchance survenant quand on pense négativement : en avion, un ami s’est fait vomir dessus par un passager malade, car cet ami a trop pensé que ce serait sur lui que ça tomberait. Et de conclure “Vous avez peut-être remarqué qu’il nous arrive d’attirer certaines situations comme si nous étions des aimants.” (p. 170)

Je ne met pas en doute que tout cela se soit arrivé. Mais combien de contre-exemples ont été ignorés, consciemment ou pas ? Car nous avons une mémoire sélective, dépendant, entre autres, de notre état d’esprit.

C’est ainsi que penser positivement vous permet de relativiser les petits problèmes… et de monter en épingle tous les petits bonheurs qui vous arrivent, ainsi que de les raconter.

Et si vous vous êtes fixé un objectif à atteindre, vous m’en parlerez avec enthousiasme puis, les années passant, cet objectif sera revu à la baisse, vous vous contenterez de ce qui arrivera, et s’il n’arrive vraiment rien, tout cela tombera dans l’oubli : les non-événements, c’est le problème de Diagoras…

Comment j’ai raté ma vie

Du temps où j’avais mes trois groupes de musique, j’ai croisé un personnage adepte de la force de la pensée. Il avait une maîtrise totale de son corps : jamais malade, se faisant opérer sans anesthésie, jurant qu’il n’aurait jamais le cancer. Maître en arts martiaux et autres disciplines parallèles, son positivisme et sa richesse d’esprit étaient communicatifs : le coaching était son business. Voyant mon enthousiasme avec mes projets musicaux, il m’assurait que, si je le voulais, je pouvais aller loin, ça ne dépendait que de moi.

Je n’ai pas manqué de lui montrer mon scepticisme. En fait, quand on me dit que ça ne dépend que de moi pour atteindre des buts disproportionnés, ça m’agace profondément ! Et quand on cite la carrière d’untel pour dire “voyez, il suffit de faire ça pour réussir”, c’est un faux exemple : de toutes les personnes qui ont suivi le même parcours, c’est le seul à avoir réussi, à être sous les feux des projecteurs. Et, puisque c’est dans l’air du temps, il en a peut-être écrit un livre ! La belle affaire !

Les échecs restent dans l’inconnu : avez-vous déjà lu “Comment j’ai raté ma vie”, ou “Je n’ai eu que de la malchance : faites comme moi” ?

Nous sommes superficiels

Concluons en donnant la parole Mr Taleb : “Nous sommes conçus pour être superficiels, pour prêter attention à ce que nous voyons et ne faire aucun cas de ce qui ne s’impose pas avec force à notre esprit.” (“Le cygne noir”, p.169)

Vous voulez maigrir ? Faites comme Jared Fogle : il a perdu 111 kilos en mangeant des sandwiches Subway ! (ah oui, au fait : il a écrit un livre !)
Vous voulez maigrir ? Faites comme Jared Fogle : il a perdu cent onze kilos en mangeant des sandwiches Subway ! Ah oui, au fait : et il a écrit un livre…

"Nous avons naturellement tendance à rechercher les exemples qui confirment notre histoire et notre vision du monde." (Nassim Nicholas Taleb)

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C’est la pensée qui compte

Sous-titré “Le pouvoir stupéfiant de l’esprit sur la matière”, voilà le que je viens de lire. Serais-je en train d’explorer une nouvelle voie pour sauver le monde ?

Motivé pour le lire

Je vous le dis : je n’aurais pas lu ce genre de livre si on ne me l’avait pas offert. Mais que mes amis me proposent d’autres points de vue sur notre réalité, j’aime bien, ça excite ma curiosité, ça m’oblige à me poser la question : “Et si c’était vrai ?”

En l’occurrence, l’ouvrage nous parle de la puissance de notre esprit sur notre corps, sur notre entourage… et sur le monde ! On le doit à David R. Hamilton, présenté sur la quatrième de couverture comme un ancien chercheur dans l’industrie pharmaceutique, devenu depuis lors “conférencier motivateur”.

Les bonnes pensées font du bien…

Pour nous introduire dans son propos, l’auteur commence avec des faits que nous connaissons, pour leur donner un éclairage nouveau : la tristesse provoque des larmes, ou le drôle provoque le rire, la tristesse nous coupe la faim, etc. Autant de signes que nos émotions se traduisent en réactions dans notre corps, et on aurait tort d’ignorer ces mécanismes.

De même, l’effet placebo montre que l’esprit peut provoquer de lui-même une amélioration de la santé.

Mais l’auteur va plus loin : notre pensée influencerait notre environnement. Ainsi, des expériences ont montré que des plantes poussent plus vite quand elles reçoivent de “bonnes pensées”, des bactéries peuvent muter par touché thérapeutique, des cellules peuvent augmenter leur taux de croissance sous la concentration de praticiens du Qi gong

Le livre regorge d’expériences troublantes, très bien référencées à la fin de l’ouvrage, et faute de pouvoir vérifier leur valeur scientifique (j’ai essayé, et vite abandonné), je ne ferme pas la porte à toutes ces théories… Jusqu’à un certain point !

… et sauvent l’Irak

Gènes, ADN, neuropeptides, vibrations, physique quantique : voilà quelques éléments scientifiques qui expliqueraient ces phénomènes.

En y ajoutant un peu de mystique, l’auteur franchit la ligne où mon scepticisme reprend le dessus, et c’est tant pis pour moi car : “les sceptiques n’obtiennent jamais de bons résultats” (p. 139). Pourtant, le scepticisme n’est-il pas le propre de la recherche scientifique rigoureuse ?

Soit, je résume : Hamilton nous explique que nous fonctionnons tous en réseau, échangeant inconsciemment des informations, ce qui nous donnerait le pouvoir de changer le cours des choses pour peu qu’on se donnerait la peine de penser positivement, ou d’imaginer ce que l’on veut obtenir.

Par exemple, un grand nombre de personnes aurait le pouvoir de modifier des événements mondiaux. C’est ainsi qu’une prière pour la paix, faite par plusieurs millions de gens en 2003, aurait incité l’ONU à opposer son véto contre une intervention en Irak !

Croyez-vous que les travailleurs de la sidérurgie pourraient changer leur sort par la force de la pensée ?
Croyez-vous que certains travailleurs pourraient changer leur sort par la force de la pensée ?

Cerveaux en réseau

De même, notre interconnexion à un inconscient collectif nous donnerait un savoir inné : c’est ainsi que nous savons inconsciemment que la pollution atmosphérique et la destruction des forêts amazoniennes détruisent les “poumons” de la terre ! (p.194) – Hulot, Greenpeace et Al Gore ne nous ont rien appris !

Et plus fort : certaines catastrophes seraient provoquées par la volonté inconsciente d’un Moi Supérieur en vue de nous “grandir” par des épreuves. Car “Rien n’arrive par accident dans un univers conscient.” (p. 172)

Tout cela a un côté biblique, et le Christ apparaît bien aux deux tiers du livre, cité en exemple pour ses miracles.

Tout est bon

Vous l’aurez compris, David R Hamilton m’a amené sur des chemins que j’évite d’emprunter, mais même si ma critique est sévère sur la fin, je dois reconnaître que son livre est “bon”. Il nous entraîne sur le positivisme, le partage, les bonnes intentions, l’amour de soi et des autres.

Je pourrais même prétendre avoir appliqué ses préceptes avec succès : en cours de lecture, mon épouse a attrapé la grippe, qui l’a cloué au lit durant une semaine. Le médecin lui avait dit : “Votre mari a une bonne constitution, mais il n’y échappera pas, car vous êtes hyper-contagieuse.” Quand elle me l’a dit, je sentais déjà les symptômes venir, puis je me suis repris en me disant “non, je n’aurai pas la grippe”. C’est une pensée que j’ai gardée tout le temps de sa maladie : aujourd’hui elle est rétablie, et je n’ai pas eu la grippe…

Mais contrairement à Hamilton, qui nous raconte beaucoup d’anecdotes de la sorte, ces expériences vécues ne suffisent pas à me convaincre. En fait, elles n’ont aucune valeur pour conforter des théories, et je m’expliquerai dans le prochain article : je n’en ai pas fini avec ce livre…

“C’est la pensée qui compte” (David R. Hamilton Ph.D.), 245 pages, éditions AdA

"Nos pensées, nos intentions, nos émotions et nos croyances contribuent toutes à créer ce qui nous arrive." (p. 153)

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