Archives mensuelles : janvier 2013

A qui profite le développement durable ?

Le développement durable n’est qu’un nouveau produit de la mondialisation, qui ne profite pas aux pauvres. Ah bon ?

Le petit livre vert de Brunel

Je ne suis pas rancunier : Sylvie Brunel, je l’avais déjà lue, et je n’étais pas trop d’accord avec ses propos (et ceux de ses compères géographes) sur un monde qui va bien, qui continue à être façonné par l’homme, car la terre est au service de l’homme et pas l’inverse.

Ce discours, elle le continue avec ce livre “A qui profite le développement durable ?”.

Il est petit, vert, assène certaines vérités et quelques bêtises : j’ai eu un certain plaisir à le lire, j’ai été convaincu par certains propos, mais les moments d’exaspération n’ont pas manqué !

Ça va chauffer !

Pour résumer les propos de l’auteur, le développement durable n’est qu’une nouvelle forme de business, qui profite aux riches, qui désavantage les pauvres, qui permet aux compagnies de continuer à produire en bénéficiant d’une nouvelle arme commerciale : “sauver la planète”.

Et ça fonctionne d’autant mieux que les ONG jouent les oiseaux de mauvais augure, en se focalisant sur tout ce qui va mal.

On culpabilise les habitants des pays développés sur leur mode de consommation, on demande aux pays du Sud de ne pas polluer comme nous, en plus de leur demander de protéger des territoires au nom de la biodiversité, reléguant les populations locales au second plan.

Tout cela en surfant sur un réchauffement imputé à l’homme : on prend des mesures inéfficaces en prévision d’un futur très hypothétique…

Faible plutôt que fort

Pour Brunel, le “développement durable” n’est pas la bonne voie : il doit concilier équité, économie et environnement, ce qui est trop limité. “Chacun tire l’attelage dans sa propre direction” (p.65). Et voici, ci-dessous, les trois “attelages” :

Le durable à l'intersection des 3 E
Le durable à l’intersection des 3 E

Les “ayatollahs” de l’environnement défendent une durabilité forte : les ressources naturelles doivent absolument être maintenues en l’état.

Mais on devrait aller vers une durabilité faible, considérant que des ressources peuvent être substituées par les techniques de l’homme. De plus, et c’est le cheval de bataille de l’auteure, l’environnement n’est que le produit des activités de l’homme : “il n’existe pas de milieux naturels qui n’aient été anthropisés, transformés par l’homme. La nature n’est qu’une construction sociale, qui dépend des lieux, des époques, et des priorités que se donnent les sociétés.” (p. 69)

Le meilleur et le pire

Sylvie Brunel trouve les arguments pour démonter certaines croyances. Comme la biodiversité : “C’est dans les jardins des grands hôtels tropicaux (…) que la biodiversité est la plus grande.” (p. 86).

Et son analyse de la vie sauvage, que l’on veut préserver, voire retourner y vivre, est pertinente : la nature, c’est la loi de la jungle, la raison du plus fort, tout simplement. Et de rappeler : “La seule espèce à avoir développé une conscience de son prochain, à avoir souhaité protéger le faible, le handicapé ou le menacé, c’est précisément l’être humain.” (p. 89)

Mais hélas, certains propos lui font perdre sa crédibilité. Ainsi, elle doute des prévisions du GIEC, confondant climatologie et météorologie : “On ne peut déjà pas prévoir le temps à plus d’une semaine !” (p. 117). Ou, expliquant que livré à lui-même, le milieu naturel est colonisé par des espèces invasives, elle prend parmi ses exemples la perche du Nil dans la lac Victoria : un comble, quand on sait qu’il s’agit d’un désastre écologique imputable à l’homme !

D’autres sottises ne manquent pas, mais je les gardes pour introduire mes prochains articles…

Suivons l’Afrique

Notre géographe ne manque pas d’audace. Ainsi trouve-t-on un chapitre “L’Afrique, laboratoire du développement durable”, où elle demande que les ONG de s’occupent plus de ce continent : “Il est impératif de faciliter la modernisation et l’aspiration profonde de sa population au développement : l’Afrique n’est pas notre zoo.” (p.105).

Mais son discours est ambigüe, car elle explique ensuite que l’Afrique pourrait être un modèle à suivre : elle pratique l’économie légère, est as du recyclage, est forcé à la décroissance.

Alors donc, développement et décroissance seraient possibles ? Réponse en page 129 où Brunel se sabote elle-même : “Le développement (…) ne peut se faire sans croissance.

Tournons la page est concluons…

Pilule bleue ou rouge ?

A qui profite ce livre ?
A qui profite ce livre ?

Je referme le livre et me demande : ai-je bien compris le message de Brunel ?

Les ONG en ont pris pour leur grade, les pauvres ont été défendus contre des gens comme moi (car je me sens clairement visé), accusé de vouloir imposer un mode de vie “bio” et “éthique” coûteux, en même temps qu’exiger une protection de la nature qui n’a rien demandé.

Alors, est-ce que Brunel me demande de ne plus soutenir personne ? Ne puis-je plus profiter de mon pouvoir d’achat pour soutenir une autre économie, qui ne deviendra accessible aux plus démunis que si elle se développe ?

Quant aux (grosses) ONG, c’est comme les syndicats : on les accuse d’extrémisme, d’inefficacité, de propager la mauvaise nouvelle, de jouer le jeu des multinationales pour l’un, des patrons pour l’autre. Alors je vous tends deux pilules : la bleue c’est pour rester dans ce monde, la rouge c’est pour se réveiller dans un monde sans ONG et sans syndicat…

Je prends la bleue…

“A qui profite le développement durable ?” par Sylvie Brunel, 154 pages, Larousse

Alors, pilule bleue ou pilule rouge ?

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Ces champs peuvent-ils nourrir tous les belges ?

Le Belge a une densité de plomb

En décembre 2012 la presse annonçait une grande nouvelle : ça y est, la Belgique a passé le cap des 11 millions d’habitants. Voilà qui me donne l’occasion de faire quelques mesures, histoire de bien situer l’encombrement des belges par rapport à la planète…

Un quart de terrain de foot

Nous sommes dans le top des pays les plus denses (362,65 hab./km2 [1]), ça, tout le monde le sait, on l’apprend même à l’école ! Sous réserve d’actualisation des chiffres, nous serions 16ème sur 192 [2].

En fait, chaque Belge occupe 2.757 m2 (0,27 ha), soit un quart de terrain de football [3]. Peut-on vivre sur une telle surface ? Ça dépend de quelle façon…

Imaginons que toute la surface du territoire soit disponible pour nous nourrir, et que nous n’ayons que ce besoin : nous nous en sortirions tout juste puisque actuellement une personne aurait besoin de 0,25 ha de champ pour manger [4].

Mais nous devons nous laver, dormir, avoir un minimum de confort. Pour avoir une idée de ce que ça représente, prenons exemple sur la famille Baronnet, qui vit en autarcie sur un terrain de 3.800 m2, dont 400 m2 de potager [5]. Ils sont deux, ça fait 1.900 m2 par personne : le belge dispose de plus de surface, et donc pourrait vivre comme un Baron…net !

Ces champs peuvent-ils nourrir tous les belges ?

Là où la Belgique se classe en tête

Mais le belge moyen ne se contente pas de “juste” vivre : il consomme beaucoup et produits beaucoup de déchets. Cela se mesure avec l’empreinte écologique, qui donne la surface d’hectare globale nécessaire pour un humain. Comme ce chiffre dépend du mode de vie, il est radicalement différent selon que l’on soit Qatarien (11,68) ou Afghan (0,5). Pour un belge, il est de 7,11 hag [6], ce qui nous place en 6ème position dans le classement des pays les plus “lourd” [7] !

Même si l’exercice n’est que virtuel, et que les surfaces calculées plus haut ne sont pas comparables, nous voyons maintenant que le belge a en fait besoin de 7 terrains de football pour son train de vie ! Et voici de quoi ils se composent [8] :

  • 1.82 hag de terres cultivées
  • 0.95 hag de pâturage
  • 0.47 hag de forêt (pour la fourniture en bois)
  • 0.17 hag pour la pêche
  • 3.26 hag de forêt pour séquestrer nos émissions de carbone
  • 0.45 hag pour nos infrastructures (habitations, transport, etc.)

9 millions de belges en trop

Ah qu’il est provocateur, ce titre ! Mais je ne résiste pas un petit calcul supplémentaire, juste pour voir…

Car à l’inverse de l’empreinte écologique, il existe la biocapacité, qui mesure la capacité que possède la nature à se régénérer et à compenser la consommation de l’homme. Chaque pays a son chiffre, et voici celui de la Belgique : 1,33 hag par personne. Ce qui nous donne un calcul dont le résultat est désastreux : 1,33/7,11 * 100 = 18,7 %. La Belgique assure moins d’un cinquième de la surface biologiquement productive nécessaire à ses habitants.

Autrement dit, notre territoire n’assure que pour 2 millions de belges, et les 9 millions excédentaires prennent crédit ailleurs… Alors remercions des pays comme la Bolivie qui compensent, avec 18,39 hag par personne !

Alors on dense ?

Bien-sûr certains chiffres que j’ai utilisés ne sont pas de toute dernière fraîcheur, voire changent d’une source à l’autre, mais on peut malgré tout conclure que si la Belgique est dense par sa population, elle l’est surtout par son impact environnementale et économique.

Bref, pour notre planète, la Belgique est faite de plomb et non de plumes !

Le Belge pèse lourd et ça se voit ! / (c) Nasa
Le Belge pèse lourd et ça se voit ! © Nasa

(Calculez votre empreinte écologique pour répondre au sondage ci-dessous…)

Quelle est votre empreinte écologique ? (lien donné ci-dessus)

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La société toxique

Dans un article précédent, Jean de Kersvadoué tentait de nous rassurer sur notre société, pas si mauvaise que ça pour notre santé, et sur notre avenir, riche d’avancées scientifiques que nous aurions tort de refuser. Eh bien voilà la thèse opposée avec le livre “La société toxique”, et sa chronique se transforme presque en un face à face !

Pryska vs Jean

Son auteure, Pryska Ducoeurjoly, se définit comme journaliste d’investigation indépendante, et son livre, sous-titré “manuel de dépollution mentale”, se découpe en trois parties : l’intox médiatique, l’intox médica-menteuse, l’intox agroalimentaire.

Mobilou coincé entre deux points de vue
Mobilou coincé entre deux points de vue

Que cette lecture suive “La peur est au-dessus de nos moyens” est une coïncidence heureuse, car presque tout oppose ses auteurs ! Je ne manquerai donc pas de faire quelques comparaisons : pour faire court dans la suite, ce sera Pryska contre Jean (de Kersvadoué)…

Mais alors, n’ai-je pas perdu mon temps à lire ces deux livres, considérant que l’on croit à l’un et pas à l’autre ? En fait, tout n’est pas noir et blanc, ils ne parlent pas exactement des mêmes choses, mais leurs points de vue les opposent, et permet un esprit critique entre les deux. Et je suis certain que Jean mettrait Pryska dans cette catégorie de gens non qualifiés et non experts, se permettant des théories non fondées sur des études sérieuses, et participant à l’obscurantisme général !

Mais voilà, c’est précisément contre la “pensée unique” imposée par des “experts” comme Jean que Pryska se bat…

La médiacratie

Pryska a été journaliste pour la presse écrite, et cette expérience lui permet d’être très critique sur ce milieu, qualifiant les journalistes de “fonctionnaires”, se contentant des seules dépêches de l’AFP, oubliant investigation et sens critique.

Les médias, financés par de grands groupes financiers, ne peuvent plus fournir de l’information en toute indépendance, et obéissent à des impératifs commerciaux. Ils sont tous dans un même “mainstream”, où l’information est plus émotionnelle qu’instructive : “En fait, ils échouent dans leur mission d’élever l’être humain à une meilleure connaissance de lui-même et du monde.” (p. 76)

Quant à la télévision, elle est au service de la consommation, délivrant des valeurs nuisant gravement au civisme. C’est de la “malbouffe télévisuelle”.

Heureusement, il reste internet pour nous sauver de la “médiacratie” : Pryska le considère, malgré les “travers de son foisonnement”, comme le seul média démocratique.

Pas de fleurs pour Pasteur

Notre médecine répare, elle ne fait aucune prévention. Les symptômes d’une maladie, comme la fièvre, sont combattues à coups de médicaments, plutôt que de chercher la cause du dysfonctionnement de notre corps, et de corriger notre façon de vivre en conséquence. Et tant que notre système médical fonctionne avec une certaine gratuité, permettant l’accès aux vaccins, médicaments et examens à moindre coût, les autres voies pour une bonne santé seront ignorées. Une bonne affaire pour “le grand supermarché médical” !

Quant à Pasteur, ce héros qui a donné la voie à notre médecine, Pryska le traite presque d’imposteur, à l’origine d’une croyance et non d’une science ! Il va sans dire qu’elle est contre les vaccins (“Une maladie, un vaccin ! Un vaccin, des maladies…” ), qu’elle accuse de beaucoup de maux, dont l’émergence de l’autisme.

Sur ce terrain, il est utile de donner l’avis éclairé de Jean : 1) il est facile de dire qu’on ne se porte pas plus mal sans vaccins, quand nous sommes entourés de gens vaccinés, et qui donc ne transmettent pas la maladie ; 2) si un vaccin présente un risque (encore faut-il des études valables pour le prouver), il faut le mettre en balance avec le bienfait apporté aux personnes à risque.

Mais Pryska et Jean devraient être d’accord sur le fait que le coût de notre médecine est énorme pour la sécurité sociale. Sauf que Jean changerait les affectations (par exemple moins d’argent pour les dépistages et plus dans l’infrastructure) alors que Pryska verrait l’incitation à plus de médecine dite “parallèle” : naturopathie, homéopathie (qui fonctionne grâce à la mémoire de l’eau), magnésium, argent colloïdal, Fleurs de Bach

Le juste prix

Depuis cinquante ans, l’agro-industrie pollue les sols, maltraite les semences et modifie les céréales pour produire des denrées bon marché. Nos organismes payent l’addition de cette pollution par une véritable indigestion !” (p. 289). A force de traitements (conservateurs, irradiations, …), de saveurs artificielles (sucre, sel, aspartame, glutamates…), qui n’obéissent qu’à des impératifs commerciaux, nous mangeons des “produits qui ont le goût de l’addiction”, mais qui ne nourrissent plus correctement.

Il faut revenir à la nourriture de nos grand-mères, manger bio, et ne plus écouter les conseils dictés par les lobbies comme : buvez du lait (il n’apporte rien aux adultes et est indigeste), ne mangez pas gras (nous avons besoin d’acides gras)…

Mais écoutons l’avis opposé de Jean, pour qui “les agriculteurs ont apporté l’abondance et, soulignons-le aussi, la qualité” : l’agriculture industrielle a fait baisser le budget des ménages, et bannir l’usage des pesticides donnerait des prix que seuls les “bobos” savent donner !

Ce à quoi Pryska répond : les prix sont anormalement bas, tout en étant le juste prix pour… de la mauvaise qualité ! L’appréciation est donc faussée. Et rappelons que ce sont les gros exploitants qui profitent le plus des aides agricoles : un déséquilibre qui à lui seul expliquerait les écarts de prix entre bio et conventionnel.

Un livre exemplaire

Après ce survol des trois aspects toxiques de notre société, rappelons cette phrase de Jean, que je citais dans ma chronique précédente : “malgré tout, l’espérance de vie augmente” . À la lumière des propos de Pryska, se pourrait-il que nous vivions plus longtemps, mais mal ? Après tout, ces deux notions ne sont pas antagonistes.

Dans tous les cas, ce livre de désintoxication est efficace : si je me suis permis une comparaison critique, c’est pour enrichir le débat, et cela n’enlève rien à la qualité de vulgarisation de l’auteure. Découpé en chapitres et paragraphes clairement titrés, chacun comportant une conclusion en gras, l’auteure nous livre un ouvrage structuré, dense, clair, qui ne se répète pas. Elle nous épargne la lecture de plusieurs dizaines d’ouvrages et rapports, dont elle donne clairement les références.


Pryska Ducoeurjoly, mais qui êtes-vous ?
 

Certes on pourrait lui reprocher une vision caricaturale de certains métiers, comme celui de médecin, qui apparaissent comme des praticiens bornés !

Mais n’empêche, si toutes mes lectures avaient cette qualité de synthèse, c’est sûr, je serais plus loin dans le sauvetage de notre monde !

“La Société Toxique”, Pryska Ducoeurjoly, éditions Respublica, 327 pages.

Télévision toxique, allimentation industrielle nocive, pratiques médicales agressives...

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