Travailler dans le quartier Européen, c’est être au centre d’un trafic d’influences, bien malgré nous. Démonstration…
Les SIMS font de l’agriculture
Ce matin-là, les passants aux abords du Parlement (rappelons que la gare est en dessous) recevaient un prospectus accompagné d’un croissant industriel, le genre mou qui ne colle pas aux doigts, mais les rend graisseux. Le dépliant, illustré en images de synthèse (tout droit sorti des Sims), combiné au condiment susmentionné, donnait un message genre “Bienvenue dans le monde artificiel que l’on vous prépare” ! Ce qui, je suppose, n’était pas le but !
Passé cette impression, et le croissant quand-même avalé, un petit effort intellectuel était nécessaire pour comprendre l’objet du prospectus. “Toward smart agriculture…”, “Directly Avalaible Nitrogen (DAN)”, “Fertilizers Europe” : c’est qui, c’est quoi, qu’est-ce qu’on vend ?
Qui est DAN ?
DAN, on le lit un peu partout dans le dépliant : c’est ADA en français, soit “Azote Directement Assimilable”. Un engrais utilisé en agriculture intensive, à l’opposé de l’agriculture biologique, puisque cette méthode nourrit la plante, pas la terre – je ne suis pas un expert, mais c’est ce que j’en ai conclu en cherchant sur le web.
A en croire ce prospectus, l’ADA est la solution la moins nocive pour l’environnement. Elle permettra à l’agriculture d’augmenter sa production de 70 % d’ici 2050, pour nourrir les 9,1 milliards d’humains qui peupleront alors la terre. Et de surenchérir : l’Europe importe plus de nourriture qu’elle en exporte, il faut inverser la tendance.
DAN et la PAC
En cherchant à vérifier ces informations, je tombe très vite sur la réforme de la Politique Agricole Européenne (la PAC), pour laquelle les débats sont en cours, certains votes ayant lieu en ce moment. Dans les discussions houleuses entre députés, il est question d’une politique plus verte, de décourager les monocultures, de diminuer l’emploi des engrais. Et les alternatives ne manquent pas, comme l‘agroforesterie, présentée au parlement quelques jours plus tôt.
Ma rencontre avec DAN, ce mois d’octobre 2012, ne semble donc pas un hasard. Surtout que DAN nous est présenté par Fertilizers Europe, regroupant les principaux producteurs européens d’engrais.
Ce genre d’association, ayant pour but de communiquer et de donner des informations à qui en cherchent (voilà comme elles aiment se présenter), s’appelle un lobby, tout simplement.
Bruxelles est fier de ses lobbyistes
Poursuivons avec le lobby (et laissons la réforme de l’agriculture pour une autre fois), car l’occasion est trop belle de conclure par une réflexion que je gardais au chaud, depuis le 1er septembre exactement, date à laquelle je découvris le film promotionnel de Visitbrussels.be. A 1 minute et 16 secondes, on y voit des images du Parlement Européen, sur-imprimées des chiffres annonçant fièrement 25.000 lobbyistes (6.000 accrédités).
J’écris “fièrement” car c’est clairement le message, tout comme Bruxelles est fier des 14.500 événements par an ou de ses 100 musées.
Faisons le compte : cela donne plus d’une trentaine de lobbyistes pour un député. Cela me fait peur et m’indigne. Et vous ?
Note du 20 novembre 2012 : suite à l’intervention d’un représentant du Fertilizer Europe, que vous trouverez dans les commentaires ci-dessous, j’ai supprimé un paragraphe où je “jubilais” à propos de leur statut de “mauvais élève”. Je n’avais pas vu la correction, sur le même site. Il aurait donc été incorrect de laisser ce paragraphe tel quel, même avec une mention de réserve.