Archives mensuelles : juin 2012

Comment osent-ils ?

“Pour Paul, félicitations militantes” et “Pour les combats présents et à venir, pour Paul” ornent la première page : dédicaces m’invitant à prendre position… à gauche toute !

Hoe durven ze ?

Livre 'Comment osent-ils' de Peter Mertens
Pour les combats présents et à venir…

“Comment osent-ils ?” fut d’abord un best-seller en Flandre : il est maintenant traduit avec le sous-titre “La crise, l’euro, et le grand hold-up”, et tous les Belges du royaume peuvent donc en profiter. D’ailleurs la Fnac (City 2) ne s’y est pas trompée, puisque ce livre figure en bonne place sur le présentoir spécial “crise financière”, qui nous accueille à la sortie de l’escalator…

Ce n’est pas le genre de livre qui fait partie de mes priorités. Mais un coup de pouce… syndicaliste, l’a fait atterrir sur ma pile de livres. Dédicaces et actualité sur l’Europe aidant, je m’y suis quand-même plongé…

Ils ont vu rouge

C’est bizarre, n’est-ce pas ? Voilà que je me sens obligé d’écrire un paragraphe sur la manière dont ce livre est arrivé dans mes mains !

Eh bien il y a un détail qui va faire que certains d’entre vous vont abréger la lecture de cet article dans quelques instants, vont affuter leur imagination pour écrire un commentaire bien senti, et j’en passe… : l’ouvrage est écrit par Peter Mertens, sociologue, en collaboration avec David Pestieau, tous deux… (roulements de tambours) du Parti du Travail de Belgique (PTB). Si vous ne connaissez pas le PTB, un indice supplémentaire : livre publié aux éditions Aden, avec une étoile rouge à 5 branches dans le logo…

Vous êtes toujours là ? Ah, ça me rassure car, dans mon entourage, j’ai dû essuyer quelques plâtres. Je vais à présent vous convaincre que c’est un bon livre…

Le livre, en 5 branches… euh, 5 parties

Je vais être bref car ce livre, dans le feu de l’actualité, est déjà chroniqué dans de multiples blogs et journaux…

Voici les 5 parties le constituant :

  1. Chez nous, en Belgique : le déséquilibre des richesses, le scandale de Dexia, les pensions, l’oppression du monde financier…
  2. Tempête sur l’Europe : ce qui se passe réellement en Grèce et en Allemagne (l’exemple à ne pas suivre), l’Europe dessert le capitalisme et non la société, etc.
  3. Les idéologues du siècle dernier : quelques dogmes assez effrayants suivis par certains politiques.
  4. La crise et le retour du nationalisme : une analyse particulièrement intéressante puisque l’auteur est flamand.
  5. Pas moins, mais plus de débats de société : on fait le point et on propose des solutions.

Malgré des faits qui nous touchent de près ou de loin, le livre se lit avec plaisir, il est bien vulgarisé, regorge d’anecdotes, et met la Belgique au centre de la tourmente. Le ton est parfois humoristique, souvent sarcastique.

L’Allemagne : 6 millions de victimes !

Ce n’est que maintenant que la presse et les médias en parlent, mais Peter Mertens n’a pas attendu cette prise de conscience pour l’écrire : l’Allemagne n’est certainement pas l’exemple à suivre ! Vous avez déjà entendu parler des mesures qui obligent les travailleurs à accepter des salaires d’un euro l’heure… Mais l’auteur nous en apprend plus. Par exemple, lors de la réunification de l’Allemagne, la RDA a été pillée : “L’Est de l’Allemagne a été un banc d’essai pour le dumping salarial et la mise à sac des acquis sociaux” (page 71) : soit 6 millions… de pertes d’emplois !

Ceci n’est qu’un fait parmi tant d’autres, et en refermant ce livre on se dit : “Est-ce que tout s’est vraiment passé comme ça ?”.

Et si c’était vrai ?

Ce que j’y ai lu se recoupe avec l’actualité, les sources sont données : c’est du travail de journalisme et de terrain. D’ailleurs, il suffit de visiter le site du PTB pour se rendre compte que la crise financière, c’est leur cheval de bataille.

Naturellement, vu l’implication politique des auteurs, certains faits relevés demandent une “contre-expertise”. Mais l’ouvrage n’est pas moins crédible que d’autres lectures déjà chroniquées dans ce blog.

En tout cas, j’ai le sentiment que ça ne va pas fort bien dans notre société moderne : si tout ça n’est qu’une illusion, n’est pas grave, un simple passage à vide, voire même que c’est bien comme ça mais qu’on pourrait aller plus loin dans le libéralisme, pourriez-vous me conseiller un livre qui va me rassurer ?

Si vous aimez cette bande-annonce vous aimerez “Comment osent-ils ?”…

“Comment osent-ils ?”, par Peter Mertens et David Pestieau, éditions Aden, 319 pages.

Parce qu'écrit par un politicien, j'ai été étonné des réactions concernant ce livre. Et vous, qu'en pensez-vous ?

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Paul lit bien trop de livres dans le métro

Je travaille à 20 pages de chez moi

Depuis que j’ai commencé mon blog, on n’arrête pas de me demander : “Paul, où trouves-tu le temps de lire tout ça ?” Et vous connaissez la meilleure ? Le “tout ça” ne portant que sur ce que vous voyez dans mon blog, cela ne représente que la moitié de ce que je lis !

Itinéraire d’un enfant gâté

J’ai la grande chance, si si c’en est une, d’utiliser les transports en commun pour aller au boulot. Soit 35 à 45 minutes de bus et métro à l’aller, autant de métro et train au retour. Alors, avez-vous deviné où se trouve mon temps de lecture ?…

Le calcul est simple : je retire une douzaine de minutes de marche, quelques minutes d’attente du bus, quelques minutes “techniques” (pointage de carte, trouver sa place), et voilà que j’ai à ma disposition au moins une trentaine de minutes par jour pour m’instruire. Et encore, une demi-heure, c’est quand je n’ai pas de chance : le bus qui n’est pas pris dans les embouteillages, le métro que je ne dois pas attendre, le train qui arrive à l’heure…

Les retards m’instruisent

Eh oui, en lisant dans les transports, tout est inversé : du temps perdu en trajet ? Non, du temps gagné à m’instruire !

Le métro arrive bondé ? Pas d’énervement, je le laisse passer et attend le suivant durant 3 pages.

Et pourquoi, sorti de métro, je marche si vite vers mon quai de gare ? Vais-je rater mon train ? Mais non, je veux gagner une page ! De toute façon mon train est affiché avec… 5 pages de retard !

Effondrement entre Mérode et Schuman

Et maintenant faisons un petit calcul ludique, à la manière de Freakonomics

En revenant du bureau, je prends le métro pour un seul arrêt, de Merode à Schuman. Ça ne vaut pas la peine de sortir son livre, n’est-ce pas ? Eh bien si ! D’abord la distance est exceptionnellement longue : 2’15” entre la fermeture et l’ouverture des portes. Ensuite il y a l’attente. Donc, entre 2 et 6 minutes de lecture. En faisant une moyenne de 3 pages lues sur ce petit trajet, attente comprise, au bout de l’année j’ai lu un livre comme “Effondrement” (un pavé que je dois absolument vous chroniquer) entre les stations Merode et Schuman !

Paul lit Effondrement -  station Merode
Effondrement à Mérode

De la lecture qui ne me coûte rien

Mon bus vient de quitter l’arrêt “Broustin” quand je lis en page 82 de “Bien trop de livres ?” : “Le temps est l’aspect le plus coûteux du livre à quelques exceptions près (celui passé dans les transports en commun […])” . En effet, pure calcul économique, lire un livre coûte le temps que l’on pourrait consacrer à autre chose, et cette lecture en demande beaucoup. En lisant dans les transports, je ne perd que mon temps inutile…

Encore plus de bonheur

Depuis que je lis ainsi, mon temps libre ne commence pas quand j’arrive chez moi, mais bien quand j’arrive sur le quai du métro, quelques minutes seulement après avoir quitté le bureau.

Ce n’est qu’un point de vue, mais, comme expliqué dans “L’économie du bonheur” (terminé l’autre jour, station Botanique), “les trajets journaliers pour aller au travail et en revenir constituent également un exemple de gestion sous-optimale du temps” (signifiant qu’il ne contribue pas à améliorer le bonheur).

Je crois que pour moi il y contribue…

Paul lit bien trop de livres dans le métro
Paul lit bien trop de livres dans le métro

(dans la veine de cette chronique je vous recommande chaudement “Bien trop de livres ?” de Gabriel Zaid, éditions Les Belles Lettres)

Dans les transports en commun...

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"Indignez-vous" et "Ce vieil homme m'indigne"

L’indigné de l’indigné

Or donc, il y a quelques semaines je participais à la manifestation des indignés, et j’expliquais brièvement l’origine de l’appellation. En voici la chronique complète, accompagné de son antithèse…

Un phénomène de l’édition

“Indignez-vous !” est un manifeste de 14 pages que l’on doit à Stéphane Hessel, ancien résistant de 93 ans, à qui on a demandé de développer un discours prononcé lors d’une commémoration. Complété de quelques notes d’information et d’une bio, voilà un petit fascicule de 32 pages qui, à la bonne surprise des éditeurs, s’est écoulé à… 4 millions d’exemplaires en 32 langues !

Indignez-vous ! nous dit l’ancien résistant

Mais que raconte monsieur Hessel ? En voici les 6 chapitres :

  1. Le motif de la résistance, c’est l’indignation : il appelle la jeunesse à faire ce qu’il faisait durant la deuxième guerre mondiale, non plus résister à l’envahisseur, mais à la “dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie”.
  2. Deux visions de l’histoire : il parle de sa vision de la résistance et encourage à “s’engager au nom de sa responsabilité de personne humaine”.
  3. L’indifférence : la pire des attitudes : il dénonce l’écart qui s’accroit entre les pauvres et les riches, les droits de l’homme, l’état de la planète, nous parle de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et encourage les jeunes à regarder autour de soi pour trouver tous les motifs d’indignation.
  4. Mon indignation à propos de la Palestine : il raconte sa visite de la bande de Gaza, s’indigne de l’oppression imposée par Israël, explique que si le terrorisme est inacceptable, il comprend la réaction violente de la population.
  5. La non-violence, le chemin que nous devons apprendre à suivre : il encourage la non-violence, la conciliation, l’espoir, pour arriver à un monde meilleur.
  6. Pour une insurrection pacifique : il constate que, certes des progrès ont été faits depuis la deuxième guerre, mais il en appelle toujours à “une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.”.

La légitimité de Stéphane

Les paroles portent car dites par un homme ayant fait la résistance, puis ayant participé aux Déclarations des Droits de l’Homme en 1948 : dans son ouvrage, il ne manque pas d’y faire allusion, et cela le positionne comme un homme à respecter, comme un sage, un humaniste qu’il faut écouter.

Il rappelle que la majorité des droits sociaux se sont mis en place après la guerre, par des gens comme lui : et aujourd’hui, ce pourquoi il s’est battu est en train d’être détricoté par le libéralisme à outrance.

Et il a des origines juives, ce qui lui donnerait le droit de porter un jugement critique sur l’État d’Israël. Voilà un point qui suscite débat…

"Indignez-vous" et "Ce vieil homme m'indigne"
Quand on s’indigne de l’indignation de l’autre…

Le vieil homme m’indigne

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Gilles-William Goldnadel, avocat, président d’Avocats sans frontières…

Il démystifie notre ami Hessel : il n’a pas participé à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme, il n’y était que comme témoin. Or, c’est un des faits qui a donné toute la valeur morale à Hessel. S’il a trafiqué l’histoire sur ce point, qu’en est-il du reste ?…

Eh bien les origines juives d’Hessel semblent très éloignées. Or, de nouveau, celles-ci lui donnent une légitimité pour critiquer Israël.

Et ça, ça ne plait vraiment pas à Goldnadel… qui est juif, et ardent défenseur d’Israël. Le ton s’en ressent, et ces quelque 60 pages auraient pu être réduites à un tiers si le langage utilisé tournait moins la tête : “La chose est habituelle, pour ne pas écrire naturelle. Mais ici la construction relève d’une mythologie à laquelle ont participé par l’action – ou l’inaction – les encenseurs, les idiots utiles ou inutiles, les compagnons de route idéologiques et une bonne partie de ceux qui se flattent du devoir d’informer sans faux-semblants une opinion qui a, paraît-il, le droit de l’être” (exemple pris au hasard, page 22 !).

Notre avocat va chercher les plus infimes contradictions, et trouve injustifié le succès d’un ouvrage fondé sur si peu de d’éléments. « C’est la première fois dans l’histoire qu’un document écrit contient aussi peu d’idées et rencontre autant de succès ». Voilà donc « le ratio le plus irrationnel de l’histoire ».

Aucun indigné ne me convainc

Mobilou brandit le livre "Indignez-vous" de Stephane Hessel
Mobilou brandit le petit livre jaune de Stephane Hessel

Je dois reconnaître que j’ai enchaîné ses deux ouvrages par curiosité intellectuelle !

Le premier je l’ai lu parce qu’il est une référence dans la contestation actuelle. Sans surprise, il ne m’a rien appris. Mais il va parfaitement dans le sens du poil pour n’importe qui se plaignant que le monde va mal.

Le deuxième, j’avais une chance sur deux de le lire. Je m’explique : dans les réponses à Stéphane Hessel existe aussi “J’y crois pas”, et j’ai acheté le premier que j’ai trouvé en librairie. Mais je dois dire que si je m’étais renseigné, au préalable, sur le parcours de l’auteur de “Ce vieil homme m’indigne” (“Comment, Goldnadel, vous êtes juif ?” ) j’aurais évité cette lecture. Non pas que je mette en doute ses dires ni ne respecte son point de vue, mais son irritation lui enlève tout objectivité et révèle une prose fatigante.

Et quand Goldnadel reproche à Hessel de ne s’indigner que des Gazaouis, et pas des Tamouls massacrés au Sri Lanka, ni du génocide Arménien, ni du sort des Kurdes, ni du conflit Somalien, n’est-ce pas simplement parce que l’auteur n’a pas été dans ces pays ? Et qu’il ne veut parler que de ce qu’il a vu de ses propres yeux ?

Écrit avec les tripes

Hessel a parlé avec ses tripes, pensant certainement que son livre resterait marginal. Mais le succès est arrivé, et avec lui un feu de critiques, en proportion…

Qu’importe ! Le discours est clair et en phase avec les gens qui ne sont plus d’accord avec le système : il est parfait pour le brandir au-dessus de sa tête et descendre dans la rue…

 

“Indignez-vous” par Stéphane Hessel, 32 pages, Indigène éditions.

“Le vieil homme m’indigne !” par Gilles-William Goldnadel, 60 pages, éditions Jean-Claude Gawsewitch.

"Indignez-vous !" de Stéphane Hessel

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