Archives mensuelles : février 2012

Livre "Le Cygne Noir" de Taleb

Le Cygne Noir : nous vivons en Extrêmistan

Livre "Le Cygne Noir" de Taleb
Un livre plein d’enseignements

Un Cygne Noir est un événement inattendu et surprenant qui détruit vos convictions, met à terre vos plans, change vos théories…

Et Nassim Nicholas Taleb en développe le sujet sur presque 500 pages écrites en tout petit : un ouvrage dense entre science et philosophie, qui a séduit plus de 2 millions et demi de lecteurs dans le monde.

C’est que ce genre de lecture peut changer votre façon de voir les choses. Et en ce qui me concerne il y a un “avant” et un “après cygne noir” – même si ça n’a pas changé radicalement ma vie… Car mr Taleb, qui enseigne les sciences de l’incertitude, analyse en profondeur notre manière de penser, notre volonté de vouloir prédire l’avenir (le propre de l’homme), nos sciences se fondant sur l’expérience, notre perception fondée sur notre vécu, et le fait que nous continuons à diriger nos vies en minimisant l’importance des événements inattendus.

L’idée centrale de ce livre concerne notre cécité face au hasard, et spécialement aux événements qui se démarquent particulièrement de nos attentes” (p.11).

L’auteur en a surtout après les sciences qui développent des théories sur base des cas normaux, minimisant les incertitudes, pour faire entrer les probabilités dans une belle courbe en cloche (courbe de Gauss) : ils les appellent les GEI (Grande Escroquerie Intellectuelle, p.19). En première ligne, les économistes !

Or il y a deux groupes d’événements dictant les modèles mathématiques, pour lesquels l’auteur imagine deux pays : le Médiocristan et l’Extrêmistan.

En Médiocristan c’est le règne de la normalité, de la courbe de Gauss : les événements extrêmes n’ont pas de conséquences sur la masse. Prenons 100 personnes et calculons-en la taille moyenne : le chiffre que nous obtenons déviera peu si nous réitérons l’expérience sur d’autres groupes de 100 personnes, même si parfois nous aurons quelques nains ou géants dans notre échantillon… Nous ne risquons pas d’avoir des moyennes de 3 mètres ou 3 centimètres, et nous pourrons en tirer des conclusions valables.

En Extrêmistan, la courbe de Gauss ne marche plus, car une seule donnée, extrême, peut réduire les autres à l’état d’insignifiance, et faire tomber les théories que nous élaborions avant de rencontrer cette anomalie. Poursuivons donc notre expérience avec nos échantillons de gens pris au hasard et établissons le salaire moyen : déjà là, les écarts vont bien varier d’un groupe à l’autre. Mais ok, à force de répéter l’expérience nous trouverons une moyenne… Jusqu’à ce que nous arrivions à un groupe où, pas de chance, se trouve Bill Gates ! Et voilà la moyenne des salaires qui monte en flèche, dans des proportions tellement énormes que les autres ne servent qu’à nous donner des erreurs d’arrondi ! Nous sommes tombés sur un cygne noir : jusqu’à ce qu’il arrive, nous étions persuadés qu’un salaire moyen était X, et que Y en était à peu près le maximum.

Voilà, bienvenue en Extrêmistan, un pays plus vaste que vous ne croyez : celui où un attentat peut mettre en crise la planète, où une simple idée peut vous rendre milliardaire, où la dinde est persuadée d’être nourrie par un bienfaiteur, où un tremblement de terre met en péril l’avenir du nucléaire. Et surtout où les phénomènes sociaux sont imprévisibles : un marchand s’immole par le feu et c’est l’Afrique du nord qui s’enflamme ! Autant d’événements qu’aucun économiste ne peut prédire, et pourtant ce sont ces événements qui font notre histoire. Autant dire que les spécialistes de tout poil, en particulier ceux qui donnent des conseils pour l’avenir, sont sévèrement jugés par Nassim Taleb.

Le hasard est ce que je ne peux pas deviner parce que ma connaissance des causes est incomplète, pas nécessairement parce que les propriétés du processus sont vraiment imprédictibles.” (p.391). Ici, le hasard n’est pas d’un dé qui roule pour ne sortir que des chiffres entre 1 et 6 !

Dans cet article je n’expose qu’une des nombreuses idées de mr Taleb, qui nous dit de ne pas écouter les spécialistes tirant des plans sur notre futur. A titre personnel j’en tire une leçon : mon blog portant justement sur les domaines les moins prédictibles de nos connaissances, le Cygne Noir me guette. Si je peux me faire une opinion, je ne dois pas m’enfermer dans des convictions, et garder la porte ouverte à un facteur chance, accepter que mes connaissances ne me permettent pas d’imaginer l’improbable…

Si votre esprit est encore embrumé par tout ce que je viens de raconter, je ne manquerai pas de faire référence aux préceptes de Mr Taleb dans mes futurs articles. Et qui sait, peut-être que l’un d’eux expliquera l’histoire de la dinde…

“Le cygne noir”, éditions Les Belles Lettres, 479 pages.

Invasion of the saucer-men edited
Quand nous serons 10 milliards, les extra-terrestres viendront nous “récolter”. Et aucun économiste ne l’aura prévu !

Pour Nassim Thaleb, un économiste est plus proche d'un charlatan que d'un scientifique

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Tire pas la chasse, je te suis

Ah j’en avais presque la larme à l’œil quand l’autre soir chez un ami (je le laisse dans l’anonymat : à lui de vaincre sa modestie pour apparaître au grand jour), alors que j’utilisais ses installations sanitaires, j’entendis “Ne tires pas la chasse, je te suis” ! Précisons d’emblée qu’au travers de la vitre sablée il me voyait debout : la suite de cet article doit être apprécié à sa juste valeur…

Donc, nous en étions à ce moment où je me rendais compte que ma préoccupation concernant le gaspillage d’eau dans nos latrines était partagée par d’autres personnes qui, à priori, ne montraient pas de signes extérieurs d’écologite aiguë (j’invente le mot : à l’académie française de corriger le tir !). Qui plus est le déclarait sans pudeur, partageant avec moi un secret qui ne devait pas sortir du cercle familiale. Certes nous avons fait notre service militaire ensemble (aïe, un indice !), mais quand même !

C’est que, depuis quelques temps, non, mesdames et messieurs, je ne tire plus la chasse systématiquement comme maman me l’avait appris. Car même avec une chasse à double vitesses, envoyer trois litres d’eau pure pour nettoyer toute trace de mon passage m’insupporte, me paraît comme un non-sens, comme un geste d’hygiène surdimensionnée imposée par notre monde immaculé, comme une obligation sociétale qui n’a pas de raisons dans ma vie privée (j’insiste : c’est uniquement quand je ne suis pas en société. Qu’on ne me fasse pas gourou des mauvaises manières !).

Quand je tire la chasse, je vois une africaine qui verse son sceau dans ma cuvette après plusieurs kilomètres de marche depuis le puits, je vois un galon d’eau que je prends des mains d’une famille sud-américaine qui n’a que la rivière insalubre au bas de son baraquement.

L’européen consomme 200 litres par jour : dont quelques seaux pour évacuer ses déjections. Quel luxe !

L’eau est un sujet préoccupant, et je ne manquerai pas d’y revenir. Que mon premier article l’aborde de la sorte donne la mesure de la valeur qui nous lui accordons, nous, gens nés du bon côté de la planète.

Mobilou dans la cuvette
Baignade autorisée jusqu'au prochain passage de Paul

Une toilette peut être plus écologique : sèche, à récupération d'eau de pluie ou de douche, etc. Si vous aviez la possibilité technique...

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Mobilou prie sur le livre "Les nouveaux maître du monde"

Les nouveaux maîtres du monde : quand le ruissellement ne fonctionne plus

Un État qui ne donne pas à ses citoyens un sentiment de sécurité, ne leur assure pas un minimum de stabilité sociale et de revenu, un avenir prévisible, et ne garantit pas un ordre public en conformité avec leurs convictions morales est un État condamné.” (p.125)

Voilà la phrase que je choisis pour introduire cet article consacré au livre “Les nouveaux maîtres du monde”, écrit par Jean Ziegler. Un titre qui le rangerait entre un “Ils n’ont jamais marché sur la lune” et un “Le grand complot du 11 septembre” (titres imaginaires afin de ne pas porter de jugement sur des livres que je n’aurais pas lus !). Mais il n’en est rien : mr Ziegler est rapporteur spécial des Nations Unies, il côtoie les gens qui dirigent notre monde… et il est suisse ! Il est “dans la place”, comme on dit !

Alors pourquoi cette première phrase sur l’état ? Parce que l’Etat… est en mauvais état ! : dans n’importe quel pays, y compris sur le vieux continent, il se désagrège sous l’emprise des oligarchies, des grandes puissances financières, des “gigantesques personnes immortelles”. Avec un grand levier pour le mettre à genoux : la dette ! Et des institutions pour donner “force de loi” : l’OMC, la Banque Mondiale, le FMI, regroupées sous le chapitre “Les mercenaires”.

Privatisations et accès aux ressources, voilà donc les seules mesures que ces honorables institutions dictent aux pays dans le besoin : ouvrer les portes à la libre entreprise, privatisez-moi toutes ces institutions (celles qui peuvent engendrer des bénéfices – les autres gardez-les, merci bien). Pourquoi l’état doit-il encore exister, finalement ? Eh bien parce que… revenez sur ma première phrase !…

En conséquence, les pays s’appauvrissent… tandis que la richesse s’accumule dans un capital financier “affranchi des pesanteurs du temps et de l’espace” (p.136). Voici un hold-up planétaire pour lequel nous ne pourrons pas faire un “procès de Nuremberg” car les coupables n’ont pas de visage. Le butin est converti en produits financiers de plus en plus complexes, sur lesquels aucune nation, aucune institution n’a le contrôle. On sait juste qu’il s’amoncèle dans des paradis fiscaux, la Suisse en tête : les habitants les mieux salariés du monde, 15 fois plus que dans les pays les plus pauvres (ce chiffre ne vous paraît pas énorme ? Mais je vous parle de salaire moyen, pas de l’écart entre riches et pauvres !).

Pourtant à force d’accumuler de l’argent, ça devrait déborder sur ceux d’en dessous : c’est le trickle down effect (l’effet de ruissellement)… Car voilà bien l’argument marteau pour défendre le libéralisme et la croissance ! Mais si cela marchait au temps des pharaons, aujourd’hui “L’argent produit de l’argent. L’argent est un moyen de domination et de pouvoir.” (p. 89). Il n’y a plus de trop plein : il n’y en a jamais assez ! Et de plus l’argent n’est plus utilisé dans sa fonction première : “Sur 1000 milliards échangés sur une journée en 2001, 13 % seulement a servi au règlement d’une dette commerciale, le reste relevant de la pure transaction, sans valeur ajoutée” (p. 140). Et voilà comment ces sommes ont un effet décuplé sur notre économie !

Jean Ziegler a écrit ce livre en 2002 : le dernier chapitre est consacré à la lutte (d’où le sous-titre du livre, écrit en tout petit : “Et ceux qui leur résistent”). 10 ans plus tard, la dette des pays n’a jamais été autant d’actualité, et les révolutions sont à la une…

J’ai forcé le trait dans cet article, mes pensées se sont mélangées à celles de Mr Ziegler, mais ce livre n’a fait que renforcer mes convictions : nous sommes à la merci des oligarchies financières, et celles-ci n’ont pas l’humanisme dans leurs gènes. Peut-on résister à l’empire du fric et donner un autre sens à notre argent ? Je le crois, je l’espère… et j’en reparlerai bientôt…

“Les nouveaux maîtres du monde”, Jean Ziegler, Points (362 pages).

Mobilou prie sur le livre "Les nouveaux maître du monde"
“Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres”. Eh bien il ne reste plus que des extra-terrestres pour nous sauver !

Le libéralisme écononique...

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